Syrie: le temps des matamores

Dans la comedia dell'arte, le matamore est ce soldat fanfaron, reconnaissable à sa tenue grotesque et dont la caractéristique est de beaucoup parler du champ de bataille sans jamais s'y rendre. A l'heure où la communauté internationale attend le rapport de l'ONU sur l'utilisation des armes chimiques en Syrie, les matamores modernes occupent le devant de la scène. Barack Obama passe des déclarations fracassantes aux paroles de temporisation, François Hollande tient un discours guerrier mais sans vérifier ses arrières et la Chambre des communes vient de mettre un frein à la volonté précipitée du gouvernement britannique de suivre l'allié américain qui n'a encore rien décidé.

Il n'y a rien de pire, en politique, que les menaces faites au mauvais moment, sans moyens crédibles et sans consensus politique réel. L'ombre de la guerre en Irak plane sur les décideurs mais c'est moins l'Irak qui devrait inquiéter que le fait qu'un même scénario se répète à l'infini. En politique, il n'est jamais bon d'entrer en guerre sans savoir comment l'on en sort. Autrement dit, les pays occidentaux n'ayant pas pour vocation d'occuper des pays durant des décennies sous prétexte de les préserver des maux qu'ils prétendent éradiquer, une intervention militaire n'a donc de sens qu'à condition de savoir qui reprendra ensuite la responsabilité d'assurer la sécurité, civile aussi bien que militaire. En Syrie, la situation est des plus confuse et personne n'est en mesure de savoir à qui remettre les rênes.

On a parfois l'impression que la politique étrangère se réfugie de plus en plus dans le discours et la menace verbale. Qui se préoccupe véritablement de ce qu'il advient après l'intervention militaire? Veut-on aller en Syrie pour faire cesser l'usage des armes chimiques, pour faire tomber un dictateur, pour poser les bases d'institutions démocratiques et indépendantes? Nos matamores modernes se gardent de répondre à ces questions, dont ils ne connaissent probablement pas les réponses d'ailleurs. Aujourd'hui, on part faire la guerre en fonction de la capacité d'indignation des des opinions publiques, versatiles sur de tels sujets.Le pire est sans doute que dans de telles conditions, il devient impossible de prendre la bonne décision!

Martine Brunschwig Graf

Martine Brunschwig Graf est une femme politique suisse membre du Parti libéral-radical (PLR). En octobre 2003, elle est élue au Conseil national et intègre la commission de la science, de l'éducation et de la culture. En 2012, elle préside la Commission fédérale contre le racisme.