Vous trouvez cela minable? Ce n’est qu’un début!

Depardieu part en Belgique et voilà que le PAF s'enflamme. Un premier ministre se laisse aller à l'invective et un président en mal de décision – ou d'opinion? – nous communique qu'il n'entend pas communiquer sur le sujet. Des artistes s'en mêlent et appellent au sens civique, d'autres se taisent cas ils sont déjà partis, en Suisse ou ailleurs. Tout le monde est gêné, mais tout le monde est inquiet, et il y a de quoi.

La fiscalité est un instrument délicat et qui mérite d'être manié avec précaution. Chacun doit payer selon sa capacité contributive mais les riches disposent d'un avantage que les moins riches n'ont pas, ils votent avec leurs pieds, et ils s'en vont quand cela leur chante. Personne ne peut dire exactement quel est le taux d'impôt à ne pas dépasser. Mais il est certain qu'un prélèvement de 75% sur des revenus de plus d'un million de francs, aussi séduisant que cela puisse apparaître, démagogiquement parlant, peut être considéré comme confiscatoire.

Que le candidat Hollande ait cru bon d'en faire un fer de lance de sa campagne électorale dépasse l'entendement. L'équité fiscale est une nécessité. La lucidité en matière économique aussi. Comment la France, qui souffre depuis de nombreuses années d'un manque de croissance récurrent, peut-elle espérer encourager la créations de richesses dont elle tire ses revenus publics si ceux qui créent ces richesses se retrouvent montrés du doigt et ponctionnés au-delà du raisonnable?

Sur une chaîne TV française, il était judicieusement rappelé que la fuite ne concerne pas seulement quelques artistes ou sportifs en mal de lieu fiscal plus accueillant. L'état d'esprit qui règne actuellement à la tête de l'Etat français pousse aussi des familles à émigrer, car l'impôt sur les successions menace aussi les héritiers et ponctionner 45% d'un héritage, ce n'est pas rien non plus, surtout lorsqu'il s'agit de transmettre une entreprise familiale. C'est en général signer l'arrêt de mort de l'entreprise.

Et pourtant, on constate, dans les pays qui pratiquent un impôt confiscatoire à l'égard d'une certaine catégorie de la population, que les autres catégories de citoyens n'éprouvent aucune satisfaction à l'égard de telles mesures. Loin de ressentir la prétendue justice fiscale qui devrait en découler, ils éprouvent en général la crainte de devenir les prochaines victimes du fisc. 

Le premier ministre français a traité un acteur français de minable, parce qu'il préfère payer ses impôts en Belgique plutôt qu'en France. Ce qui est minable, dans ce cas, ce n'est ni l'acteur ni même le premier ministre, mais la politique fiscale d'un gouvernement sans perspective et sans vision.

Martine Brunschwig Graf

Martine Brunschwig Graf est une femme politique suisse membre du Parti libéral-radical (PLR). En octobre 2003, elle est élue au Conseil national et intègre la commission de la science, de l'éducation et de la culture. En 2012, elle préside la Commission fédérale contre le racisme.