James Bond: la purification par le coït

Sexualité épicurienne

La plupart du temps James Bond recherche le coït en vue de ce qu’Épicure nommait “un plaisir naturel et non nécessaire”. Certes, il est souvent épicurien en ce sens, et les statistiques affirment qu’il l’est jusqu’à trois fois par film. Dans ces cas de figure, il s’accouple finalement comme tout un chacun, cherchant le plaisir et fuyant le déplaisir. Mais il arrive qu’il use du coït à des fins très différentes, à des fins de purifications “morales” et d’un redressement éthique des ennemis.

Le lesbianisme transformé

Dans Goldfinger, Bond séduit la chef des malfrats, une lesbienne au nom qui ne trompe pas: Pussygalore, “chattes à profusion” (sur Wikipédia, l’auteur admire le goût de Ian Fleming pour la subtilité du double sens). Bond parvient à séduire ce qui pourtant est structurellement rétif au désir masculin, la lesbienne. Sa superpuissance érotique n’est pas seulement celle d’un quelconque casanova, elle possède des vertus proprement sotériologiques. Par la grâce de son action érotique, il parvient à extirper le double mal de Pussygalore. Non seulement le mal d’être une lesbienne (dans la perspective du film bien entendu) mais également celui de vouloir voler la plus grande réserve de lingots d’or au monde. A côté des gadgets multiples qui visent une action efficace contre le crime, Bond possède donc un sexe magiquement moralisant. Par la rutilance et le dynamisme de son action, il expurge l’essence mauvaise de son ennemie et parvient à en faire une alliée.

L’homosexuel détruit par le feu

Dans Les diamants sont éternels, James Bond, à la fin du film, se fait sournoisement attaquer par un couple d’homosexuel des plus étranges et des plus maniérés. Affreusement laids et retors, ils tentent de faire exploser Bond et sa conquête en cachant une bombe dans un gâteau…

Malgré tout, Bond arrive à confondre ses ennemis déguisés en groom par des réparties de snob à propos d’after shave et de Merlot. Dans la précipitation, l’un d’eux décide de lancer une attaque aussi désespérée qu’improvisée à l’aide de deux brochettes de porc enflammées. Stratégie malheureuse puisque Bond parvient à l’asperger d’alcool. Le pauvre, brûlé vif, finira dans l’eau.

Le second est sodomisé par Bond sous un mode mimétique, puis projeté dans les airs préalablement attaché à une bombe qui le fera exploser comme un feu d’artifice. C’est peu dire que l’homosexualité masculine est humiliée et annihilée. Bond refusant ici la purification par un coït authentique, préfère ultimement le simulacre humiliant et la destruction par le feu. Il ne cherche pas à retourner l’ennemi en ami, mais tout simplement le fait disparaître par une action d’embrasement extrême. L’homosexuel de l’époque et d’aujourd’hui a de quoi enrager à voir le représentant insigne d’une époque se livrer à de telles excentricités: être ni plus ni moins transformé en fusée pour épater une jeune femme. Sans parler de la dernière boutade de Bond: “il est parti la queue entre les jambes”.

Ces deux exemples permettent de saisir “l’esprit” des James Bond de l’époque. Si l’homosexualité était considérée comme “mauvaise”, il était tout aussi clair pour réalisateurs et producteurs de l’époque que Bond devait également être l’agent de résolution adéquat (comme il l’était pour la menace communiste), une sorte d’essuie-tout moral.

Il est certain que l’évolution vers un James Bond plus nuancé et complexe va à l’inverse de ce genre de procédé. L’usage moral du coït tend à disparaître dans les films plus récents de la série pour laisser exclusivement place à la version épicurienne. Ce qui n’est sans doute pas un mal.

 

Martin Morend

Martin Morend est un philosophe dont le but est d’explorer le cinéma afin d’en montrer les enjeux philosophiques, sociaux et imaginaires. Ce blog lui permettra de proposer des cycles d’articles thématiques ou dédiés à certains réalisateurs classiques et contemporains.

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