L’humain ou la planète

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Consommation, alimentation et mode de vie : la transition écologique et le développement personnel vont-ils de pair ?

C’est une notion de plus en plus présente auprès des défenseurs d’une économie régénératrice en réponse à la crise environnementale : le bien-être humain. Le Forum des 100 a notamment porté la voix de Sofia de Meyer, fondatrice d’Opaline, qui a insisté sur « la valeur de la vie », mentionné les salaires linéaires respectant chacune des personnes participant à la vente de ses bouteilles de jus de fruit, puis dénoncé la tendance actuelle visant à « dominer, voire exploiter, l’humain et l’environnement ». Même son de cloche du côté de Julien Perrot, rédacteur en chef de La Salamandre, selon qui il faut « plus de lien avec nos proches et avec la nature, plus de sens, plus d’amour pour la vie ». L’évolution vers une société écologique passerait-elle par la recherche du bien-être ?

Méditer pour la planète

Les préoccupations environnementales et individuelles se joignent dans plusieurs habitudes de consommation, dont le végétarisme : en Suisse, si 58% des personnes ayant renoncé à la viande affirment être motivées par conscience écologique, 35% indiquent avoir fait ce choix pour des raisons de santé, selon Swissveg. Du côté des tendances minimalistes, ce mode de vie est avant tout défendu comme étant libérateur, permettant une harmonie intérieure et un épanouissement maximum – les bénéfices de l’alternative à un consumérisme endommageant les ressources épuisables de notre planète, bien qu’envisageables, apparaissent comme secondaires. Enfin, la pratique de la méditation serait également un moyen de s’aligner avec un mode de vie écologique, selon Sarah Koller, doctorante en géosciences et environnement : « la pleine conscience permet de comprendre les motivations de nos comportements, y compris concernant notre mode de consommation ». Convaincue de l’importance de sortir du déni pour se confronter sainement aux enjeux environnementaux, cette chercheuse co-organise également des ateliers d’écopsychologie. Ceux-ci permettent d’ancrer les connaissances de l’état de la planète dans le ressenti, tel que le décrit Lila Erard dans un article du Temps. Une fois l’information intégrée au niveau émotionnel, la nécessité d’agir s’inscrit plus profondément dans l’inconscient et augmente la motivation de modifier ses comportements. Cet effet ouvre la porte à un ensemble d’écogestes qui s’autoalimentent de par leurs effets bénéfiques sur le mode de vie des personnes qui les pratiquent.

Satisfaction écologique

Les connexions entre la santé de la planète et l’accueil des émotions s’avèrent de plus en plus pertinentes, notamment au sein des recherches en psychologie : selon plusieurs études menées sur le sujet, le lien de causalité entre consommation compulsive et état dépressif est véridique. Dans une société où le consumérisme constitue à peu de chose près la norme, force est de s’interroger sur ce lien. « Le matérialisme permet de se rassurer à travers un culte de l’image, très présent dans notre culture. Il offre des réponses faciles à des angoisses existentielles, mais il est important de différencier apaiser et assouvir » commente la doctorante. Il semblerait que la satisfaction provoquée lors d’un achat s’évapore très vite pour laisser place, de nouveau, à un sentiment de manque. L’activisme environnemental à travers le mode de vie s’avère alors doublement utile, malgré les questionnements sceptiques concernant l’impact des consommateurs sur la crise écologique. « Le déni et l’inaction fatiguent beaucoup, car la menace est toujours présente, mais on refuse de l’accepter et de s’y confronter » ajoute Sarah Koller. En choisissant d’agir pour son bien-être et pour celui de la planète, on s’engage dans un cercle vertueux pour son épanouissement personnel, mais cela permet également d’agir sur les références culturelles dans lesquelles on évolue, l’orientant vers une conscience collective de plus en plus écologique.

Le prix du bien-être

Qu’il s’agisse de comportements écoresponsables ou d’alimentation saine, les regards se tournent souvent vers les populations aisées, les achats bio et locaux affichant des prix vraisemblablement plus élevés. Est-il justifié de responsabiliser les consommateurs aux portemonnaies légers ? « Il semble nécessaire de nuancer ce débat, car il va aussi de pair avec l’évolution des besoins » affirme Sarah Koller. En témoignent les activités de la population de Detroit où, suite à la faillite de l’état en 2011, s’est élaboré un système de fermes urbaines respectueux de l’environnement qui a permis de répondre efficacement aux besoins des populations. Sans aller si loin, les ménages suisses incarnent deux paradoxes : d’une part, selon l’OFS, la proportion du salaire investi dans la nourriture a baissé de 40% en 1939 à 6,3% en 2014, ce qui révèle que l’alimentation occupe une place mineure dans les coûts de la vie sur le territoire helvétique, laissant place à des achats dans la technologie. D’autre part, 11% des aliments achetés en Suisse finissent à la poubelle, ce qui représente également une partie non négligeable du budget. Prendre soin de soi et de l’environnement ne serait pas qu’une question d’argent, il s’agirait avant tout d’un choix : celui de prendre le pouvoir qui nous est donné à travers les habitudes de consommation et le mode de vie. Soigner la planète pour aller mieux, un concept mêlant gratitude et proactivité.

Une comparaison gagnante

Alors que les réseaux sociaux favorisent des émotions envieuses en démultipliant les motifs de comparaison entre les uns et les autres, Thierry Paulmier, consultant en intelligence émotionnelle, propose de voir la comparaison sous un autre angle, dévoilant l’opportunité de cultiver l’admiration et la gratitude.

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Au terme d’une journée peu productive, le statut Facebook d’une connaissance peut inviter un discours envieux à s’installer au creux de l’oreille: « Elle ne mérite pas de décrocher cet emploi, elle s’est sûrement fait pistonner, il aurait mieux valu qu’elle échoue ». À défaut d’être réjouissante, cette nouvelle vient provoquer un sentiment d’échec qui se cache derrière des prétextes dévalorisant ce succès. En quoi la réussite d’autrui réduirait-elle la valeur de soi ?

La comparaison a mauvaise réputation

« La personnalité commence où finit la comparaison2 ». Feu Karl Lagerfeld n’était pas le premier à condamner ce comportement naturel consistant à se réévaluer en observant les agissements d’autrui. Le stoïcien Sénèque, lui aussi, considérait que la comparaison était un obstacle au bonheur3. Sauf, bien sûr, si elle visait des personnes moins chanceuses que soi – une pratique qu’il préconisait pour se remonter le moral4. Enfin, la psychologue britannique Linda Blair considère que la seule compétition qui vaille est celle établie avec soi-même5. Cette idée s’inscrit dans un mouvement très répandu sur internet, qui valorise la comparaison dite « temporelle » (individuelle) aux dépens de la comparaison « sociale » (avec les autres). Si ces considérations prétendent lutter contre les affres de l’envie, elles négligent l’une des issues possibles à la comparaison avec autrui : l’admiration.

Honnêteté envers soi-même

Le regard porté vers la supériorité peut générer des sentiments destructeurs : « la comparaison dont on sort en position d’infériorité est humiliante lorsque l’on refuse l’abaissement qu’elle occasionne face à l’autre ». Thierry Paulmier, consultant en intelligence émotionnelle, rappelle que cette souffrance ne provient pas de la réussite d’autrui, mais bel et bien du rapport que l’on décide d’entretenir avec cette personne. Car la comparaison se fait nécessairement avec des individus présentant une certaine proximité avec soi – en termes d’âge, de métier, de genre, d’origine, ou autre. Ce sont précisément ces similitudes qui rendent insupportables la moindre petite différence observée à son propre désavantage : si l’on se laisse dominer par l’envie, la supériorité d’autrui sera vécu comme un échec personnel. « Il est donc important d’être lucide concernant ses sentiments vis-à-vis des exploits de son entourage et de savoir reconnaître que la tristesse ou la colère qu’ils nous inspirent proviennent de l’envie », précise Thierry Paulmier : dès lors que cette émotion pernicieuse est identifiée, on peut agir afin de la remplacer par une source de motivation.

De l’envie à l’admiration

La supériorité est un fait avéré : on trouvera toujours une personne meilleure que soi dans un certain domaine. Thierry Paulmier invite à faire preuve d’humilité et à accepter cette réalité. Si cette étape demande des efforts considérables, elle permet également de transformer un sentiment néfaste à l’estime de soi en une émotion inspirante. « Cela réclame notamment de poser des actes forts qui visent à lutter contre les tendances naturelles de l’envie. Par exemple, au lieu d’éviter la personne enviée parce que sa présence nous ramène trop à notre propre infériorité, on peut choisir de se rapprocher d’elle, de lui témoigner de l’admiration et de lui demander des conseils ». Cette attitude permet d’activer en soi des sentiments de gratitude et d’admiration. On crée également une connexion positive avec l’être que l’on décide d’applaudir. Thierry Paulmier invite à cultiver ces émotions de manière plus systématique, en prenant le temps de se trouver des héros et des héroïnes, non seulement auprès de personnalités célèbres ou historiques, mais également dans son entourage. Cela permet de tendre vers un modèle encourageant, de se sentir inspiré et d’entretenir un sentiment de gratitude. En fin de compte, la solution du problème se trouve parfois dans le problème lui-même, dès lors que l’on s’autorise à le percevoir comme un cadeau.


Le site de Thierry Paulmier : https://www.emothink.com/

1 « Studies show that (especially passive) Facebook use indeed predicts different measures of social comparison as well as envy ».
Appel, Helmut, Alexander L. Gerlach & Jan Crusius, « The interplay between Facebook use, social comparison, envy, and depression », In Current Opinion in Psychology, 2016, vol. 9, p. 44-49.

2 Napias, Jean-Christophe, Patrick Mauriès & Charles Ameline, Le monde selon Karl. Citations choisies de Karl Lagerfeld. Paris : Flammarion, 2013.

3 « Ne faisons point de comparaison, réjouissons-nous de notre lot ; il ne sera jamais heureux celui que torture un plus heureux que lui ».
Sénèque, « La colère », trad. A. Bourgery, In Entretiens Lettres à Lucilius, Paris : Robert Laffont, Bouquins, 1993, III, XXX, 3, p.174.

4 « Au lieu de regarder combien de personnes il y a au-dessus de vous, songez combien il y en a en dessous ».
Sénèque, Lettres à Lucilius, Tome I (Livres I-IV), trad. Henri Noblot, Paris : Les Belles Lettres, 1985, II, lettre 15, 10, p.63.

5 « Nurturing competitiveness against yourself leads to higher self-confidence than wanting to be better than someone else ».
Blair, Linda, The Key to Calm : Your Path to Mindfulness – and Beyond, London : Hodder and Stoughton, 2014.

Spiritualités du mouvement

Les bénéfices et les pratiquant·e·s du yoga s’avèrent de plus en plus nombreux. Physique, bien-être et santé sont accompagnés d’une dimension spirituelle à l’origine de cette discipline.

Le yoga en images avec Clélia Vuille (réalisé par les Nouvelles Universitaires Lausannoises)

Alors que les journées ensoleillées font gentiment leur arrivée, les parcs lausannois se préparent à accueillir la pratique du yoga sur leurs pelouses. Les débutant·e·s s’initiant lors de cours gratuits, les habitué·e·s retrouvant leur tapis et d’autres yogis expérimenté·e·s s’y adonnant en solitaire : toutes et tous sont au rendez-vous chaque été pour entreprendre une introspection en mouvement. Selon le rapport Sport Suisse 2014, les bénéfices du yoga attirent de plus en plus d’adeptes, ce que Clélia Vuille constate également lors des cours qu’elle anime.

« Le ralentissement de la respiration permet de calmer le système nerveux, les étirements libèrent la circulation sanguine et l’enchaînement des postures offre une meilleure souplesse, ainsi qu’un renforcement musculaire » explique l’enseignante. Amélioration du sommeil, diminution du stress et réduction de l’anxiété : selon une étude comparative menée à l’Université de Maryland en 2010, la communauté scientifique accorde de plus en plus de bénéfices au yoga. Il aurait même des effets sur la schizophrénie, les troubles compulsifs du comportement et le niveau de glucose des personnes diabétiques. L’intérêt croissant pour cette discipline s’avère réjouissant du côté des recherches médicales, mais également parmi les yogis, qui y trouvent encore d’autres bienfaits.

D’après l’enseignante, les pratiquant·e·s cherchent un espace de détente mentale à travers l’effort physique des différentes postures. « Notre société privilégie le résultat aux dépens du processus ; on est constamment sollicités, on doit être disponible à tous temps et on doit faire les choses vite ». Si la majorité des sports permettent de se déconnecter des pensées le temps d’une heure, le yoga inverse la tendance et propose d’entrer dans un rapport avec soi-même. L’occident accorde aujourd’hui une grande attention à la dimension sportive de cette discipline indienne, dont l’origine comprend une philosophie plus large de développement humain. « En sanskrit, yoga signifie « union » ; il cherche à allier le corps et l’esprit, l’âme et la conscience, l’humain et l’univers » explique Clélia Vuille. Elle mentionne notamment les « yamas » qui offrent aux pratiquant·e·s des orientations concernant, entre autres, le respect de sa personne, des autres et de l’environnement, le non-jugement et l’étude de soi. Par ailleurs, la pratique physique accompagnant ces lignes directrices se divise en des dizaines de branches, dont le Nidra, intériorisant, le Kundalini, plus intense, et le Vinyasa, dynamisant.

Parfois confondu avec la méditation assise, le yoga évoque à certain·e·s l’image du lotus immobile. Bien que cette vision illustre le recentrage vers lequel la pratique s’oriente, elle néglige la diversité et l’aspect physique de certains de ses courants. Parmi les yogis, beaucoup considèrent qu’il y a autant de types de yoga que de profs, voire de pratiquant·e·s. Les plus belles découvertes de cette discipline sauront se dévoiler aux personnes suffisamment curieuses pour essayer différents courants jusqu’à trouver celui qui leur correspond.

Clélia Vuille

Je crois donc je suis

Comment la réalité modifie-t-elle notre perception, et surtout : quelle influence notre représentation du monde a-t-elle sur l’environnement ? Une exploration du mécanisme des croyances permet d’accéder aux moyens de les améliorer afin d’atteindre ses objectifs de vie.

Photo : Geralt

Quels sont les véritables critères d’une réussite scolaire ? Après avoir fait passer un examen en début d’année à plusieurs classes de la Oak School à San Francisco, Robert Rosenthal et Lenore Jacobson ont aléatoirement attribué un QI exceptionnel à vingt pourcents des élèves, puis communiqué cette information erronée au corps enseignant. Ils sont revenus à la fin de l’année avec le même examen, pour lequel les élèves initialement surévalué·e·s ont montré des améliorations significatives dans leurs résultats. Rosenthal et Jacobson en ont conclu que la perception des enseignant·e·s modifiait les compétences de leurs étudiant·e·s et ont nommé leur expérience « l’effet Pygmalion1 ». Ce phénomène de croyance autoréalisatrice, loin d’être isolé, se révèle déterminant dans de nombreux domaines.

Symptômes de croyances
En effet, les attentes des individus peuvent également modifier leur état de santé dans le cas des placebos, médicaments dépourvus de principes actifs, mais dont l’efficacité est avérée2. Par ailleurs, les grossesses nerveuses influencent physiquement le corps des femmes, qui subissent les symptômes d’une véritable grossesse : nausées, vomissements et absence de règles3. Dans l’Antiquité déjà, le stoïcien Épictète partait du principe que les malheurs des êtres humains ne provenaient pas des évènements qu’ils vivaient, mais de la façon dont ils les percevaient4. Aujourd’hui, il s’avère que la représentation de l’environnement modifie non seulement le ressenti, mais également la réalité : dans le cadre de la physique quantique, l’Ecole de Copenhague5 et le physicien David Bohm6 s’accordent sur le fait qu’il y a « une interaction entre ce qui est mesuré et le dispositif de mesure ». Ces principes concernant les croyances forment l’une des bases de la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) ; thérapie brève développée dans les années septante aux États-Unis. « On ne croit pas ce qu’on voit, on voit ce qu’on croit » commente Valéry Comte, fondateur de l’École de PNL de Lausanne, qui place les croyances au niveau du fondement même de l’identité.

Protection par la généralisation
« Les expériences sont vécues émotionnellement, puis généralisées au niveau du sentiment ; la croyance en est l’expression verbale », explique le formateur. Si une personne est convaincue qu’elle n’est pas capable de réussir ses études, cela peut provenir entre autres d’une série d’évènement que son cerveau a interprété comme indicateurs d’une inaptitude globale. Il peut s’agir d’un échec répété à un certain examen ou d’un moment difficile de sa scolarité ; dans tous les cas, la croyance la poussera inconsciemment à adopter des stratégies qui diminueront ses chances de réussite, ce qui risque de valider l’idée qu’elle se faisait d’elle-même et de la renforcer. Cela s’applique à d’autres situations : une grande timidité peut avoir comme cause une enfance durant laquelle la discrétion était génératrice de compliments. « Le sentiment positif vécu pendant l’enfance à cet égard va par exemple être traduit par une croyance telle que : « être discret permet d’être apprécié », ce qui s’avère positif dans certaines situations, mais peut également engendrer des problèmes relationnels et sociaux », commente le praticien. Quelle que soit la croyance en jeu, le cerveau l’a créée soit dans un souci de protection face à un sentiment qui, lui, est réel, soit dans l’intention d’obtenir de la reconnaissance ou de l’amour. « Par définition, une croyance cherche toujours à se confirmer. Le sentiment sous-jacent, bien qu’incompréhensible pour certains, est toujours réel pour la personne qui le vit : il n’y a pas de vraies ou de fausses croyances ». L’idée de la PNL n’est pas de détruire cette croyance, mais de l’améliorer, c’est-à-dire lui permettre d’être un moteur plutôt qu’un frein. En effet, si certaines croyances dites limitantes empêchent l’atteinte d’un objectif, d’autres sont aidantes et propulsent leur propriétaire vers leurs désirs. « Se poser les bonnes questions permet d’identifier la croyance, voire d’en déterminer la source, ce qui suffit parfois pour la modifier ; il arrive aussi qu’elle se dissimule plus profondément dans l’inconscient », précise Valéry Comte. Comment peut-on l’atteindre dans ces cas-là ?

L’échec comme levier
Si les expériences de vie peuvent produire des croyances d’apparence arbitraire, elles permettent également de les remettre en question. Un évènement marquant ébranle parfois un système entier d’idées, imposant l’élaboration d’une nouvelle représentation du monde. Néanmoins, les évènements d’apparence plus ordinaire peuvent également servir de lanterne, à condition que l’on adopte la mentalité nécessaire pour les accueillir comme tels : « la première croyance à adopter, c’est de prendre conscience que tout ce que l’on croit peut être faux (ce qui n’est pas facile vu que le sentiment que nous vivons est réel) et d’être ouvert à ce que l’environnement peut exprimer ». À partir de là, il s’agit d’adopter un état d’esprit de développement, notamment en interprétant les échecs comme des révélateurs d’une erreur de stratégie au niveau de ses comportements, et non comme une remise en question de son identité7. Cette responsabilisation implique de bannir les réactions défaitistes telles que « Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ? » ou « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter ça ? ». En effet, des questions plus constructives permettent de transformer une défaite en un véritable propulseur :

  • En quoi mon comportement a-t-il contribué à ce que j’en arrive là ?
  • Qu’est-ce que j’apprends de cette situation ?
  • Qu’est-ce que j’ai perdu ?
  • Qu’est-ce que j’ai gagné ?
  • Qu’est-ce que cela confirme sur moi ?

Ces questions permettent de prendre conscience des conséquences de ses propres actes. Il est alors possible de les adapter pour des résultats plus souhaitables, en avançant pas à pas, comme l’indique le fondateur de l’école de PNL de Lausanne : « si des croyances posent un problème de timidité, on peut commencer par parler de soi pendant cinq minutes lors d’une soirée ». Cela permet de modifier pendant quelques minutes son ressenti ainsi que les différentes réactions extérieures déclenchées par son nouveau comportement, qui peuvent servir de boussole pour la suite. L’entourage constitue un excellent guide pour modifier ses croyances, raison pour laquelle il peut être très enrichissant de partager avec lui ses expériences et de lui demander son avis. Certaines croyances peuvent être profondément enfouies dans l’inconscient au point d’être inaccessibles par soi-même ; un accompagnement extérieur est alors nécessaire, via les commentaires de ses proches ou à travers une thérapie brève. Un esprit ouvert, une mentalité de remise en question et un petit peu de courage pour passer à l’action offrent un accès à des croyances de plus en plus aidantes pour une vie pleine de succès.


En savoir plus
– École de PNL de lausanne : https://www.pnl-lausanne.com


1 Robert Rosenthal & Lenore Jacobson, Pygmalion à l’école : l’attente du maître et le développement intellectuel des élèves. Paris : Casterman 1978.

2 Daniel E. Moerman, Meaning, Medicine, and the Placebo Effect”. Cambridge University Press 2002.

3 Donald C. Greaves, Phillip E. Green & Louis Jolyon West, Psychodynamic and Psychophysiological Aspects of Pseudocyesis.Psychosomatic medicine 22.1 (1960) : 24-31.

4 Epictetus, Le manuel d’Epictète. Paris : L. Hachette 1847.

5 « Ce que nous observons, ce n’est pas la Nature en soi, mais la Nature exposée à notre méthode d’investigation […] La séparation nette entre l’univers et le Moi est impossible. »
Werner Heisenberg & J. Wahl, « Physique et Philosophie : La Science moderne en révolution. » Revue de Métaphysique et de Morale 3 (1961) : 326-333.

6 « Bohm’s theory makes concrete and mathematically precise Bohr’s intuition about the impossibility to separate the system and the apparatus. »
Jean Bricmont, « What is the meaning of the wave function ? » Fundamental Interactions : From Symmetries to Black Holes, edité par J.-M. Henneaux, A. Sevrin & Ph. Spindel. Conference held on the occasion of the Eméritat of François Englert, Université Libre de Bruxelles 1999 : 53-67.

7 Carol S. Dweck, Osez réussir ! Ixelles : Mardaga 2017.

Les limbes des bonnes intentions

Lorsque le désir d’aider son entourage s’avère autodestructeur, une remise en question et un travail sur soi s’imposent. Comment une volonté protectrice peut-elle forger les barreaux d’une prison ? Quels mécanismes se mettent en place et comment déjouer les pièges ? Voyage au cœur de la codépendance.

Son timbre dramatique lui vaut une place de choix dans les films : le fameux « après tout ce que j’ai fait pour toi ! » s’inscrit mélodieusement dans les scènes de disputes et de rupture, remuant les spectateurs, pimentant la séquence et donnant un nouvel élan au scénario. Ce type de reproches qui peut paraître anodin est révélateur, lorsqu’il est observé quotidiennement, d’un dysfonctionnement relationnel peu connu, celui de la codépendance.

Me sauveras-tu ?
Pour mieux comprendre ce phénomène, les théories de Stephen Karpman s’avèrent révélatrices. En 1968, ce psychiatre élabore un modèle d’analyse transactionnelle résumant le fonctionnement qui peut amener une relation d’entraide à voler en éclats. Pour ce faire, il établit trois rôles formant un triangle : le sauveur, le persécuteur et la victime. Selon lui, ce schéma s’installe, par exemple, lorsqu’une personne adopte la position du sauveur et « intervien[t] pour offrir de l’aide sans avoir les moyens d’aider ou sans avoir été invitée »[1]. C’est là le rôle qu’adopte régulièrement la personne codépendante. Par la même occasion, elle pose son interlocuteur en victime incapable de gérer une situation et la démunit de ses responsabilités. Le sauveur-codépendant offre ses efforts de tout cœur jusqu’au moment où il sentira un manque de reconnaissance quant aux services qu’il a rendus, ce qui le mettra en colère et l’amènera à reprocher à l’autre d’être ingrat. C’est à ce moment que le triangle entre en mouvement, car le sauveur se perçoit alors lui-même en victime et place l’autre dans une position de persécuteur. La victime initiale, quant à elle, se sent également persécutée par les reproches de son ancien sauveur, ce qui donne finalement lieu à des conflits où chacun se sent négligé et incompris.

Origines dans l’enfance
La personne codépendante se retrouve donc régulièrement (et souvent inconsciemment) au cœur d’une danse de rôles dont aucun-e participant-e ne sort gagnant-e. Ce schéma peut prendre place dans des situations anodines, telles qu’un service rendu à un-e collègue, mais peut également s’opérer à un niveau supérieur et à long terme, notamment dans des relations abusives ou malsaines. Cette conséquence de la codépendance s’avère également en être l’origine, puisque selon plusieurs théoricien-ne-s de la question, « la famille dysfonctionnelle […] mène à la codépendance. C’est un univers ou les responsabilités envers les autres sont assumées au détriment des responsabilités envers soi-même »[2]. En effet, l’un des dénominateurs communs des différent-e-s codépendant-e-s est une enfance passée auprès d’un-e proche souffrant d’une addiction, qu’il s’agisse de substances biochimiques, de nourriture, d’alcool, du jeu ou de tout autre type de dépendance. Cela entraîne l’enfant à adopter un comportement de sauveur qu’il conserve jusqu’à l’âge adulte. Comme l’explique Daniela Danis, psychologue spécialisée dans les questions de dépendance, « la personne codépendante est obsédée par le désir d’aider une personne dépendante à sortir de son addiction, sans en avoir les moyens et sans tenir compte de ses propres limites ». Une intention louable, mais dont la mise en œuvre s’avère finalement contreproductive.

Rôle de barrage
« Le codépendant se positionne en sauveur car il essaie d’éviter le pire : il est habité par des peurs tout à fait justifiées. Mais les actions qu’il met en place empirent la situation » souligne la psychologue. En cherchant à contrôler l’autre, à le protéger de l’addiction, à cacher les substances en question pour éviter qu’il en consomme et en mentant au patron de leur proche pour l’abriter du contre-coup de ses actes, les codépendants se posent en barrage entre la personne souffrant d’une addiction et les conséquences de ses comportements, ce qui lui facilite la démarche. Pourtant, une confrontation avec le fruit de ses agissements permettrait à la personne dépendante de se remettre en question et peut-être, si elle en a la volonté, de démarrer un programme de sevrage. Cette notion échappe à la personne codépendante, pour qui le concept de responsabilité est flouté par ses croyances.

Les profondeurs de la codépendance
Selon les différents spécialistes du sujet, le comportement de sauveur que les codépendant-e-s adoptent s’explique par un ensemble de failles dans la construction de leur identité. Entre leur manque de confiance en soi, leur perfectionnisme et leur habitude inconsciente de refouler leurs émotions, les codépendant-e-s font difficilement la distinction entre leurs propres sentiments et ceux des autres. Enfermé-e-s dans l’impression que tout ce qui se passe est leur faute, « toujours en exil de soi-même, penché-e-s vers l’autre, à la recherche de reconnaissance via le sacrifice », ajoute Daniela Danis. Selon la spécialiste, il s’agit d’une forme de dépendance affective se concrétisant par une interminable volonté d’aider les autres. C’est notamment ce qui émane du témoignage d’un de ses patients ayant vécu avec un proche alcoolique dans son enfance, qu’elle rapporte dans son livre Au cœur de la codépendance :

« Aujourd’hui je n’ai aucune estime de moi et je me demande si c’est lié à ce que j’ai vécu quand j’étais petit ? J’ai le sentiment de devoir vivre caché, de ne pas montrer mes sentiments, sinon personne ne va m’aimer. Si on me demande quelque chose, je n’arrive pas à dire « non » et ensuite j’ai l’impression de me faire avoir. D’un autre côté, si je refuse, je ne me sens pas bien. Je culpabilise, je me dis : « Tu pourrais quand même… » Je ne trouve pas la paix. Ou je m’isole ou je pense que je dois faire tout ce qu’on me demande. C’est tout ou rien. »[3]

Cette souffrance est accompagnée d’une incapacité à différencier les problèmes des autres des leurs. A cela peut s’ajouter la conviction d’être les seul-e-s capables d’endosser une charge sans réaliser qu’elle est trop lourde pour leurs épaules. Cet ensemble de croyances est renforcé par les conséquences de leurs comportements, qui facilitent l’enfermement de leur proche dans leur addiction ; ce qui les entraîne dans un cercle vicieux de plus en plus nocif pour l’estime de soi. Les personnes codépendantes, inconscientes de leur problème, se retrouvent fréquemment embarquées dans des relations avec un-e conjoint-e souffrant d’un type d’addiction, ce qui les renvoie dans le schéma auquel elles sont habituées. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une fatalité : plusieurs moyens permettent aux personnes souffrant de codépendance d’en sortir.

Le calme après la tempête
Comme dans toute habitude d’auto-sabotage, la première étape vers le mieux est la prise de conscience. Puis, selon la psychologue, emprunter le chemin vers des relations saines nécessite de s’écouter, de savoir reconnaître ses limites, de les exprimer et de les respecter. Au terme d’un travail sur soi, l’idée est d’adopter le concept de réciprocité dans ses rapports aux autres, ainsi que d’offrir son aide seulement lorsqu’elle est explicitement demandée et qu’elle n’implique pas d’oublier ses propres besoins. Il est également important de questionner les idées reçues concernant le don de soi qui enveniment la réflexion en laissant croire qu’il serait égoïste de ne pas se sacrifier pour les autres. Pour beaucoup, ce disfonctionnement de codépendance se répète et se légitime par leurs valeurs et leur éducation. Il est pourtant primordial de penser d’abord à soi dans chacun de ses choix, ainsi que de respecter ceux des autres, comme le dit si bien Lise Bourbeau : « être responsable, c’est assumer les conséquences de nos décisions, ce qui veut aussi dire laisser les autres assumer les conséquences de leurs propres choix. »[4] Une vision des choses nécessaire pour entreprendre les différentes étapes vers une meilleure prise en main de sa vie.


En savoir plus
– Le site de Daniela Danis : http://www.codependance.ch/
– Le site de Stephen Karpman : https://www.karpmandramatriangle.com/


[1] Karpman, Stephen. Le Triangle Dramatique. Traduit par Jérôme Lefeuvre et Pierre Agnèse. Malakoff : Dunod Éditeur, 2017, p. 14.

[2] Ribeyre, L. « La codépendance : nouvel outil clinique ou flou conceptuel ? Une revue de la littérature ». Pratiques psychologiques 2014, vol. 20, p. 269.

[3] Danis, Daniela. Au coeur de la codépendance. Genève : Éditions du Tricorne, 2013, p. 205.

[4] Bourbeau, Lise. La puissance de l’acceptation. Malesherbois : Écoute ton corps, 2007, p. 104.

 

L’édition suisse revisitée par Paulette

Paulette éditrice combine une originalité littéraire, une diversité de genres, un rapport aux lecteurs privilégié et un système éditorial respectueux de l’environnement. Quelle est la recette d’un tel équilibre ?

Noémi Schaub et Guy Chevalley, co-directeur-trice-s de Paulette éditrice

Ce ne sont ni des livres, ni des romans, ni des nouvelles, mais bel et bien des « pives » que Paulette éditrice publie régulièrement depuis bientôt trois ans. À l’image de la pomme de pin, ces fictions courtes de huitante pages s’avèrent à la fois mignonnes et piquantes. Au-delà de la qualité de ses œuvres, la maison d’édition a su trouver un format qui lui est propre, non seulement dans la dénomination de ses publications, mais également au niveau de son système d’impression et de distribution unique en son genre.

Impression adaptée aux lecteur-trice-s
Première originalité qui la démarque dans le paysage éditorial dense de la Suisse Romande, son fonctionnement d’abonnement qui permet de lutter contre la consommation inutile de ressources : « Nous voulons éviter le sur-tirage de la chaîne du livre habituelle, dans laquelle beaucoup d’ouvrages sont imprimés pour répondre à la demande initiale ; ce qui implique un grand nombre d’exemplaires restants qui finissent leur vie au pilon », explique Guy Chevalley, codirecteur de la maison d’édition. Paulette adapte les impressions à la demande des lecteur-trice-s qui se sont inscrit-e-s en leur envoyant, selon leur désir, trois ou six pives par année. Ils et elles se laissent alors séduire par des œuvres qui n’auraient pas forcément attiré leur attention dans le contexte de vente classique d’une librairie, mais que ce système de distribution permet de découvrir avec gourmandise. À cette diversité généreusement offerte aux abonné-e-s s’ajoute une dimension locale dans la production des pives qu’ils reçoivent.

La Suisse omniprésente
L’helvétisme sciemment adopté pour désigner les ouvrages de Paulette se réfère non seulement aux nombreux auteurs romands publiés (Matthieu Ruf, Julie Guinand, Bruno Pellegrino, Jeanne Perrin, Elodie Glerum, Céline Zufferey, etc.) mais également à la matérialisation des exemplaires tous imprimés en Suisse « par soucis de responsabilité environnementale et afin d’encourager une économie locale », précise le codirecteur. Bien qu’une impression à l’étranger pourrait réduire ses coûts entre quatre et cinq fois, Paulette relève courageusement le défi, sans que les enjeux ne soient forcément clairs pour tou-te-s les abonné-e-s, comme le précise Noémi Schaub, codirectrice du projet : « Il y a une tendance vers de plus en plus de conscience vis-à-vis de l’alimentation, mais on sensibilise beaucoup moins les gens par rapport à la culture. » La majorité des lecteur-trice-s est donc plutôt séduite par d’autres aspects du projet, dont la qualité de sa ligne éditoriale. En témoignent Les hôtes, le tout premier recueil de poésie que la maison d’édition va prochainement publier.

Le lac Léman différemment

Dans cette nouvelle pive, Anne-Sophie Subilia nous emmène au cœur de sa longue expérience de méditation, de réflexion et d’observation effectuée au bord du lac, qu’elle a délicatement coloré de son imagination. La forme précise, à la fois simple et très travaillée de ses vers, alliée à l’empathie et la fascination qu’elle consacre aux figures qu’elle décrit, confèrent au texte une humanité saisissante. Des destins individuels, qui pourtant parlent à tout-e lecteur-trice, se mêlent à celui du visage si présent dans l’imaginaire collectif romand du lac Léman. L’auteure aura su capturer l’authenticité de l’étendue bleue, permettant aux timides de la trempette lacustre de se plonger dans ses poèmes. « Elle-même déclare qu’elle n’a probablement pas fini de régler tout ce qu’elle a à dire sur le lac » rajoute Guy Chevalley. Une très belle lecture à découvrir le 30 septembre, lors du vernissage. L’occasion de faire la connaissance d’une œuvre touchante et d’un projet éditorial qui cultive, dans toute sa concrétisation, un rapport au livre très poétique.


Évènements
26 septembre : Greta Gratos inaugurera Poésie en Ville avec la lecture de sa pive Lina à 19 heures à la Bibliothèque de la Cité (Genève)
30 septembre : Anne-Sophie Subilia vernira Les hôtes en lecture à 10 heures aux Bains des Pâquis (Genève)

En savoir plus
http://www.paulette-editrice.ch/

Saype : une fresque de l’avenir

Comment orienter les questions de développement durable vers une vision positive tout en soulignant la nécessité de l’effort humain ? Un défi relevé avec brio par l’artiste Saype à travers ses fresques géantes peintes à même le sol.

Jusqu’au 30 septembre se tiendra le Festival Vevey Image, l’édition de cette année se concentrant sur le thème « Extravaganza ». Parmi les invités, Saype, artiste peintre passionné de développement durable, a dessiné une fresque de plus de 1500 m2 dans le parc du Château de La Tour-de-Peilz, dont l’inauguration aura lieu demain.

Dans sa symbolique, sa forme et sa concrétisation, l’image sert de pôle de réflexion quant au futur réservé aux prochaines générations. Une petite fille imaginée comme emblème de l’enfance est portée dans une piscine par une bouée de sauvetage, cette dernière représentant l’évolution actuelle de l’humanité. L’œuvre souligne la fragilité de notre avenir en évoquant, à travers cette bouée, le besoin de nous protéger d’un danger impalpable auquel nous sommes confrontés. Néanmoins, elle rappelle aussi le pouvoir que nos actes du présent peuvent avoir sur notre progéniture, en dépeignant l’insouciance de cette enfant, confortablement installée dans une invention humaine qui garantit sa sécurité. « L’idée, c’est de montrer que si on donne vraiment de soi et qu’on prend le temps de bien réfléchir, on peut réussir à faire de belles choses en respectant la nature », explique l’artiste.

Un message que la fresque délivre également à travers sa matérialisation, étant donné qu’au terme de nombreux essais, Saype a réussi à fabriquer lui-même une peinture 100% biodégradable afin d’œuvrer dans le respect de l’environnement. Au-delà des questions que pose l’image, elle offre également une réponse, illustrant la possibilité de minimiser son impact sur l’environnement dans chacun de ses actes, toutes dimensions comprises. Si beaucoup d’artistes ont à cœur de représenter et dénoncer la crise environnementale, Saype se démarque en poussant la réflexion jusque dans la concrétisation de l’œuvre. Selon ce peintre engagé, « le rôle de l’art est de servir à l’écologie et à l’humain dans le réel. »

C’est sur cette ligne directrice qu’il réalise, en parallèle de ses autres projets, sa série de Land Art, voyageant avec son matériel pour dessiner des fresques géantes, dont en France et en Russie cette année. Image notamment intéressante parmi beaucoup d’autres, celle qu’il a réalisée au Luxembourg en 2017 : pour le Kufa’s Urban Art Festival, Saype a rassemblé les générations autour de l’écologie en dessinant un grand-père qui plante un arbre avec une petite fille. La valeur esthétique, morale et originale de cette représentation a beaucoup attiré l’attention, ce qui a permis aux organisateurs de vendre des graines, non seulement dans l’idée de planter des arbres, mais dont les bénéfices ont également été versés à des associations de lutte contre la déforestation. L’objectif de l’artiste, qui se renouvelle continuellement, est d’orienter l’attention portée à son œuvre sur les éléments positifs de notre évolution, permettant ainsi de cultiver une énergie favorable au changement. Ce qu’il conclut par sa vision responsable de l’être humain : « Nos vies et nos actes sont voués à être les traces de notre passage en ce monde. À nous de savoir quoi en faire. »


En savoir plus

Festival Vevey Image

Saype

Réchauffement climatique : à qui de jouer ?

La situation environnementale alarme de plus en plus la sphère scientifique, obligeant les différents acteurs à réévaluer leurs responsabilités. Gouvernements, industriels et citoyen·ne·s, dans quel camp se situe aujourd’hui la balle ?

« La fonte du pourtour de l’Antarctique, qui a commencé il y a plusieurs années, était prévue par les scientifiques pour la fin du siècle. » Dominique Bourg, Professeur à la faculté des géosciences et de l’environnement à l’Université de Lausanne et président du conseil scientifique de la Fondation Nicolas-Hulot, rappelle l’urgence actuelle de la crise environnementales. Les conséquences de l’exploitation polluante et effrénée de ressources épuisables se font de plus en plus ressentir, soulignant la nécessité d’une transition écologique accélérée. Les gouvernements, les citoyen·ne·s et les industriels se renvoient volontiers la balle concernant la responsabilité de ce changement radical mais nécessaire. Néanmoins, chacun de ces acteurs joue un rôle important, bien que différent, dans cette réorganisation de l’activité humaine sur la planète.

Des politiciens qui regardent ailleurs
Au niveau des gouvernements, dont la fonction dans cette transition serait d’encadrer les activités économiques lorsqu’elles deviennent dangereuses pour l’environnement, la plupart des dirigeant·e·s sont aux abonnés absents, trop occupé·e·s à faciliter la transition du commerce international et à défendre des intérêts qui riment rarement avec l’écologie. En témoigne la démission de Nicolas Hulot au gouvernement français, mardi 28 août, confronté à de nombreuses résistances des lobbies dans les cercles de pouvoir et incapable d’agir de manière adaptée face à l’ampleur des problèmes environnementaux. Le règne international du néo-libéralisme permet aux industriels les plus cyniques de poursuivre en toute indifférence leur course vers plus de productivité, satisfaisant les besoins d’un modèle économique basé sur la croissance infinie. Néanmoins, un bouleversement d’ampleur risque de changer la donne, le réchauffement climatique ne se résumant plus à des prévisions abstraites pour un futur lointain. La crise environnementale est maintenant visible, comme l’indique Dominique Bourg : « nous sommes aujourd’hui très probablement dans ce qui sera la quatrième année consécutivement la plus chaude jamais enregistrée[1] et de nombreuses personnes ont directement souffert des canicules. La contradiction entre l’inaction des grands acteurs et la détérioration de la situation va devenir sensible et risque de susciter des réactions différentes. » Autrement dit, les citoyen·ne·s ne laisseront plus les gouvernements se croiser les bras.

Le citoyen comme levier
Potentialité d’autant plus riche en Suisse, où la démocratie semi-directe offre aux individus une emprise incomparable sur les décisions politiques. A cette responsabilité s’additionne la nécessité de servir, en tant qu’habitant·e·s d’un pays sur-développé, de modèle pour les pays en voie de développement, qui se calquent inévitablement sur les systèmes des nations les plus privilégiées. Selon l’OFS, si tou·te·s les terrien·ne·s vivaient comme un·e suisse moyen·ne, il faudrait les ressources de trois planètes pour alimenter le mode de vie de la population mondiale[2]. Ce à quoi le Professeur ajoute : « 50% des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont dues à 10% de la population[3], ce qui accroît la responsabilité des populations les plus riches ». Bien que les progrès actuels ne soient pas encore assez rapides pour répondre à l’urgence de la crise environnementale, les citoyen·ne·s suisses font des efforts salutaires dans leur mode de vie, notamment en termes d’alimentation. Selon bio-suisse.ch, la consommation de nourriture biologique est en augmentation et représente 9% des denrées alimentaires vendues sur le territoire helvétique[4]. Par ailleurs, le nombre de végétarien·ne·s s’est multiplié par six en quinze ans[5], représentant 11% de la population d’après le site de Swissveg[6]. Pour 58% d’entre eux, cette décision est motivée par une volonté de réduire leur émission de gaz à effet de serre. Enfin, au-delà des choix individuels de consommation, des projets collectifs centrés sur le développement durable voient le jour.

Se réunir autour de l’environnement
En prenant l’exemple de Lausanne, de plus en plus de personnes s’investissent bénévolement ou se contentent de salaires basiques pour consacrer leur temps à des entreprises écologiques. Des épiceries favorisant le vrac voient le jour, diminuant la quantité de déchets ménagers produits par ses client·e·s (Chez Mamie) ; d’autres visent même une consommation exclusivement bio et locale (La Brouette) ; différentes entreprises promeuvent la Slow-Fashion, s’opposant ainsi aux désastres environnementaux produits par l’industrie de la mode (Fair’Act) ; des « plantages » voient le jour afin d’offrir à tout·e citadin·e la possibilité de se faire la main verte ; des Disco-Soupes s’organisent pour lutter contre le gaspillage alimentaire, mais encore… Qui plus est, ces projets ont un avantage commun, celui de permettre aux lausannois·es de se réunir autour d’un but collectif et d’accéder à des groupements de taille humaine, favorisant un contact que les modèles de consommation classiques ont perdu. Face à l’ampleur des problèmes environnementaux, rien de plus sage et sécurisant que de passer à l’action dans le cadre de mouvements désireux d’avancer de manière durable.


[1] « 2015, 2016 and 2017 have been confirmed as the three warmest years on record »
https://public.wmo.int/en/media/press-release/wmo-confirms-2017-among-three-warmest-years-record

[2] « Près de trois planètes Terre seraient nécessaires si tout le monde vivait comme la population suisse »
https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/developpement-durable/empreinte-ecologique.html

[3] « environ 50% de ces émissions [de gaz à effet de serre] sont imputables aux 10% des habitants de la planète les plus riches »
https://www.oxfam.org/sites/www.oxfam.org/files/file_attachments/mb-extreme-carbon-inequality-021215-fr.pdf

[4] https://www.bio-suisse.ch/media/Ueberuns/Medien/BioInZahlen/JMK2018/bio_in_zahlen_17_f_final.pdf (p. 11)

[5] 1992 : 1,8% https://www.swissveg.ch/statistiques?language=fr
2017 : 11% https://www.swissveg.ch/veg-umfrage

[6] https://www.swissveg.ch/veg-umfrage