Je crois donc je suis

Comment la réalité modifie-t-elle notre perception, et surtout : quelle influence notre représentation du monde a-t-elle sur l’environnement ? Une exploration du mécanisme des croyances permet d’accéder aux moyens de les améliorer afin d’atteindre ses objectifs de vie.

Photo : Geralt

Quels sont les véritables critères d’une réussite scolaire ? Après avoir fait passer un examen en début d’année à plusieurs classes de la Oak School à San Francisco, Robert Rosenthal et Lenore Jacobson ont aléatoirement attribué un QI exceptionnel à vingt pourcents des élèves, puis communiqué cette information erronée au corps enseignant. Ils sont revenus à la fin de l’année avec le même examen, pour lequel les élèves initialement surévalué·e·s ont montré des améliorations significatives dans leurs résultats. Rosenthal et Jacobson en ont conclu que la perception des enseignant·e·s modifiait les compétences de leurs étudiant·e·s et ont nommé leur expérience « l’effet Pygmalion1 ». Ce phénomène de croyance autoréalisatrice, loin d’être isolé, se révèle déterminant dans de nombreux domaines.

Symptômes de croyances
En effet, les attentes des individus peuvent également modifier leur état de santé dans le cas des placebos, médicaments dépourvus de principes actifs, mais dont l’efficacité est avérée2. Par ailleurs, les grossesses nerveuses influencent physiquement le corps des femmes, qui subissent les symptômes d’une véritable grossesse : nausées, vomissements et absence de règles3. Dans l’Antiquité déjà, le stoïcien Épictète partait du principe que les malheurs des êtres humains ne provenaient pas des évènements qu’ils vivaient, mais de la façon dont ils les percevaient4. Aujourd’hui, il s’avère que la représentation de l’environnement modifie non seulement le ressenti, mais également la réalité : dans le cadre de la physique quantique, l’Ecole de Copenhague5 et le physicien David Bohm6 s’accordent sur le fait qu’il y a « une interaction entre ce qui est mesuré et le dispositif de mesure ». Ces principes concernant les croyances forment l’une des bases de la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) ; thérapie brève développée dans les années septante aux États-Unis. « On ne croit pas ce qu’on voit, on voit ce qu’on croit » commente Valéry Comte, fondateur de l’École de PNL de Lausanne, qui place les croyances au niveau du fondement même de l’identité.

Protection par la généralisation
« Les expériences sont vécues émotionnellement, puis généralisées au niveau du sentiment ; la croyance en est l’expression verbale », explique le formateur. Si une personne est convaincue qu’elle n’est pas capable de réussir ses études, cela peut provenir entre autres d’une série d’évènement que son cerveau a interprété comme indicateurs d’une inaptitude globale. Il peut s’agir d’un échec répété à un certain examen ou d’un moment difficile de sa scolarité ; dans tous les cas, la croyance la poussera inconsciemment à adopter des stratégies qui diminueront ses chances de réussite, ce qui risque de valider l’idée qu’elle se faisait d’elle-même et de la renforcer. Cela s’applique à d’autres situations : une grande timidité peut avoir comme cause une enfance durant laquelle la discrétion était génératrice de compliments. « Le sentiment positif vécu pendant l’enfance à cet égard va par exemple être traduit par une croyance telle que : « être discret permet d’être apprécié », ce qui s’avère positif dans certaines situations, mais peut également engendrer des problèmes relationnels et sociaux », commente le praticien. Quelle que soit la croyance en jeu, le cerveau l’a créée soit dans un souci de protection face à un sentiment qui, lui, est réel, soit dans l’intention d’obtenir de la reconnaissance ou de l’amour. « Par définition, une croyance cherche toujours à se confirmer. Le sentiment sous-jacent, bien qu’incompréhensible pour certains, est toujours réel pour la personne qui le vit : il n’y a pas de vraies ou de fausses croyances ». L’idée de la PNL n’est pas de détruire cette croyance, mais de l’améliorer, c’est-à-dire lui permettre d’être un moteur plutôt qu’un frein. En effet, si certaines croyances dites limitantes empêchent l’atteinte d’un objectif, d’autres sont aidantes et propulsent leur propriétaire vers leurs désirs. « Se poser les bonnes questions permet d’identifier la croyance, voire d’en déterminer la source, ce qui suffit parfois pour la modifier ; il arrive aussi qu’elle se dissimule plus profondément dans l’inconscient », précise Valéry Comte. Comment peut-on l’atteindre dans ces cas-là ?

L’échec comme levier
Si les expériences de vie peuvent produire des croyances d’apparence arbitraire, elles permettent également de les remettre en question. Un évènement marquant ébranle parfois un système entier d’idées, imposant l’élaboration d’une nouvelle représentation du monde. Néanmoins, les évènements d’apparence plus ordinaire peuvent également servir de lanterne, à condition que l’on adopte la mentalité nécessaire pour les accueillir comme tels : « la première croyance à adopter, c’est de prendre conscience que tout ce que l’on croit peut être faux (ce qui n’est pas facile vu que le sentiment que nous vivons est réel) et d’être ouvert à ce que l’environnement peut exprimer ». À partir de là, il s’agit d’adopter un état d’esprit de développement, notamment en interprétant les échecs comme des révélateurs d’une erreur de stratégie au niveau de ses comportements, et non comme une remise en question de son identité7. Cette responsabilisation implique de bannir les réactions défaitistes telles que « Pourquoi ça n’arrive qu’à moi ? » ou « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour mériter ça ? ». En effet, des questions plus constructives permettent de transformer une défaite en un véritable propulseur :

  • En quoi mon comportement a-t-il contribué à ce que j’en arrive là ?
  • Qu’est-ce que j’apprends de cette situation ?
  • Qu’est-ce que j’ai perdu ?
  • Qu’est-ce que j’ai gagné ?
  • Qu’est-ce que cela confirme sur moi ?

Ces questions permettent de prendre conscience des conséquences de ses propres actes. Il est alors possible de les adapter pour des résultats plus souhaitables, en avançant pas à pas, comme l’indique le fondateur de l’école de PNL de Lausanne : « si des croyances posent un problème de timidité, on peut commencer par parler de soi pendant cinq minutes lors d’une soirée ». Cela permet de modifier pendant quelques minutes son ressenti ainsi que les différentes réactions extérieures déclenchées par son nouveau comportement, qui peuvent servir de boussole pour la suite. L’entourage constitue un excellent guide pour modifier ses croyances, raison pour laquelle il peut être très enrichissant de partager avec lui ses expériences et de lui demander son avis. Certaines croyances peuvent être profondément enfouies dans l’inconscient au point d’être inaccessibles par soi-même ; un accompagnement extérieur est alors nécessaire, via les commentaires de ses proches ou à travers une thérapie brève. Un esprit ouvert, une mentalité de remise en question et un petit peu de courage pour passer à l’action offrent un accès à des croyances de plus en plus aidantes pour une vie pleine de succès.


En savoir plus
– École de PNL de lausanne : https://www.pnl-lausanne.com


1 Robert Rosenthal & Lenore Jacobson, Pygmalion à l’école : l’attente du maître et le développement intellectuel des élèves. Paris : Casterman 1978.

2 Daniel E. Moerman, Meaning, Medicine, and the Placebo Effect”. Cambridge University Press 2002.

3 Donald C. Greaves, Phillip E. Green & Louis Jolyon West, Psychodynamic and Psychophysiological Aspects of Pseudocyesis.Psychosomatic medicine 22.1 (1960) : 24-31.

4 Epictetus, Le manuel d’Epictète. Paris : L. Hachette 1847.

5 « Ce que nous observons, ce n’est pas la Nature en soi, mais la Nature exposée à notre méthode d’investigation […] La séparation nette entre l’univers et le Moi est impossible. »
Werner Heisenberg & J. Wahl, « Physique et Philosophie : La Science moderne en révolution. » Revue de Métaphysique et de Morale 3 (1961) : 326-333.

6 « Bohm’s theory makes concrete and mathematically precise Bohr’s intuition about the impossibility to separate the system and the apparatus. »
Jean Bricmont, « What is the meaning of the wave function ? » Fundamental Interactions : From Symmetries to Black Holes, edité par J.-M. Henneaux, A. Sevrin & Ph. Spindel. Conference held on the occasion of the Eméritat of François Englert, Université Libre de Bruxelles 1999 : 53-67.

7 Carol S. Dweck, Osez réussir ! Ixelles : Mardaga 2017.

Marion Marchetti

Marion Marchetti est hypnothérapeute. Son accompagnement et ses réflexions se focalisent sur l'hypersensibilité et l'environnement.

2 réponses à “Je crois donc je suis

  1. Madame,
    Félicitations pour cet article ! Intellectuellement ça paraît bien. J’ai une suggestion, pour compléter votre article, c’est d’examiner ce que vous avancez, ou plutôt les actions des personnes du point de vue des biais cognitifs, et de l’aveuglement causé par le narcissisme.
    Moi qui viens de la science et de l’industrie, j’ai été choqué, en terminant à 65 ans, de constater à quel point les gens agissent en se basant sur leurs croyances et leurs convictions, parfois fausses et en contradiction avec les faits. M. Neyrinck a un peu plus tard exprimé la même chose à propos de ses confrères conseillers nationaux. Bien avant je disais “Pourquoi y a-t-il si peu de scientifiques au Conseil national? c’est que les politiciens sont des hommes de convictions, et les scientifiques (idéaux) des hommes de doute”.
    Sans parler du marketing ! Vous êtes jeune, imaginez un monde dans lequel le marketing était 2 fois moins envahissant, et plus tôt, 4 fois moins, 7 fois moins, encore plus tôt 10 fois moins. On pourrait en faire l’histoire par les dépenses marketing, et ça a complètement changé en une décennie.
    Meilleures salutations

    1. Monsieur,
      Merci beaucoup pour votre commentaire ! Votre point de vue est très intéressant. En effet, cela serait un excellent sujet pour un prochain article !
      Belle journée à vous

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