Les EMS genevois vraiment trop chers?

Au mois de décembre 2018, les journaux de toute la Suisse ont relaté que les tarifs des établissements médico-sociaux (EMS) posent problème, suite à une enquête nationale du surveillant des prix qui a critiqué les fortes disparités des tarifs à payer pour les résidant-e-s. D’un point de vue genevois, il me semble important de relativiser ces affirmations.
Tout d’abord il faut rappeler la composition des frais dans les EMS :
Il y a d’une part les soins (avec l’ergothérapie) pris en charge à hauteur de 49% par l’assurance maladie de base. Cette même assurance assume, selon le degré de dépendance de la personne âgée calculé sur la base d’une méthode intercantonale (outil PLAISIR), une partie du coût des soins (21%). Le forfait PLAISIR est une méthode de mesure de la charge en soins requis, spécialement développée pour les institutions de long séjour. Pour chaque résidant, elle permet d’obtenir une représentation en trois dimensions : bio-psycho-sociale (maladies, déficiences, incapacités et handicaps), soins requis pour répondre à ses besoins bio-psycho-sociaux et ressources requises (mesurées en temps) pour dispenser les soins requis. Ce forfait doit surtout permettre aux résidant-e-s de vivre au mieux leurs vieux jours. La personne âgée participe à raison de 8 francs par jour aux frais de soins (ce qui correspond aux franchises que nous payons toutes et tous quand nous allons chez le médecin).
Passons aux frais socio-hôteliers composant le prix de pension pour les résidant-e-s des EMS : ces frais paient notamment la restauration, le nettoyage du linge personnel, de la literie et des linges de bain, le nettoyage des locaux, l’animation proposée, l’administration, l’intendance et la maintenance des structures.
Si tout le monde s’accorde sur la nécessité de la transparence des coûts dans les EMS, la hauteur de ce prix n‘est pas partout le fait des EMS eux-mêmes. A Genève, ce sont les autorités qui fixent le prix de pension. Certes il est plus élevé qu’en Valais ou en Appenzell notamment, ce qui s’explique en comparant les prix du logement, des hôtels ou encore des autres frais (soins de beauté, etc.). Si vous dormez une nuit en pension complète dans un hôtel genevois avec excursion et accompagnement, vous payerez probablement davantage que ce que les EMS reçoivent des pensionnaires.
Ensuite, le surveillant des prix prétend que les résidant-e-s ne peuvent pas choisir leur EMS. Ce qui pour Genève est faux. La liberté de choix existe dans la mesure des lits disponibles. Le contrat d’accueil-type de la Fédération genevoise des EMS (FEGEMS, dont je suis la présidente) rappelle que, conformément à la loi genevoise sur la santé, le choix de l’établissement médico-social doit correspondre à la volonté du résidant. Quant à la surcapacité également mentionnée par l’étude du surveillant, rappelons que le taux d’occupation des EMS à Genève est de quasiment 100%.
Selon l’article du Temps, les bénéfices excessifs des EMS réalisés sur le prix de pension sont parfois utilisés pour subventionner les soins déficitaires, ce qui constitue une pratique illicite. C’est parfois le cas, mais cela signifie qu’il y a un manque de financement du côté des soins ; à Genève, c’est ce que la Cour des comptes a dénoncé dans l’audit de gestion des EMS : le canton demande une restitution des bénéfices, qui va au-delà du raisonnable. Si les soins ne sont plus correctement financés et assumés en partie via le prix de pension, c’est que le canton manque clairement à ses obligations, au sens du droit social fédéral et de la LAMal. Ce n’est donc pas de la responsabilité des EMS, comme le laisse entendre l’article.
En dernier lieu, à Genève, rappelons que la surveillance des coûts est stricte, car le canton fixe beaucoup de choses : le prix de pension, la hauteur de la subvention et même la restitution des bénéfices. De plus, les EMS genevois appliquent par analogie les mécanismes salariaux de l’Etat, y compris l’attribution des annuités sans que cela se traduise par une augmentation automatique de la subvention.
L’EMS est un lieu de vie, souvent la dernière étape de la vie par ailleurs. Après avoir visité plusieurs EMS membres de la FEGMS, je peux affirmer que nos aîné-e-s y sont très bien accueilli-e-s et accompagné-e-s avec beaucoup d’engagement et de motivation. Merci à toutes ces bonnes volontés et belle et heureuse année 2019 à toutes et tous !

Maria Bernasconi

En tant que députée au Grand-Conseil genevois puis conseillère nationale PS, Maria Bernasconi a défendu l'égalité entre femmes et hommes, la justice sociale et le service public. Née en 1955. Elle est mariée, deux enfants et 3 petits-enfants, elle est infirmière et juriste de formation. Elle a fini son parcours professionnel en tant que secrétaire générale d'un syndicat et est à la retraite depuis 2018.

3 réponses à “Les EMS genevois vraiment trop chers?

  1. Merci de ce point de vue positif. N’oubliez pas aussi les rentes d’impotent que les EMS s’attribuent puisqu’ils s’occupent entièrement de la personne atteinte.

  2. Merci d’avoir remis les pendules à l’heure en terme de coût dans les maisons accueillantes (je déteste le terme EMS qui rabaisse les résidents/résidentes) pour prendre congé de sa vie en douceur !

    En revanche, il y a une chose déplaisante et c’est presque partout la même chose : trop de médicaments sont prescrits aux personnes résidentes : on n’a jamais su – avec mes sœurs – ni pourquoi ni à quoi servait la collection que feue ma mère prenait chaque jour. La seule chose remarquée a été qu’elle perdait de sa vivacité dans les mois qui ont suivi son changement d’appartement protégé en résidence. Avant d’y arriver, elle avait deux médicaments par jour et un mois plus tard il y en avait plus que le double et question posée – j’aurai pu écrire “question osée” – aucune réponse.

    1. Merci pour votre remarque. Je suis désolée si c’est arrivé à votre mère. Dans les EMS de Lancy que je préside nous ne faisons pas le même constat. On en discutera à la FEGEMS.

Les commentaires sont clos.