En attendant qu’une investisseur anglaise ne m’achète le concept des ironing clubs, qu’on me nomme Président d’honneur du comité d’initiative #SwissIn ou que la Chancellerie fédérale m’engage pour rénover la procédure d’initiative populaire, je continue à consacrer mon temps de repassage au développement d’idées révolutionnaires, humanistes et gratuites.
Ô Tempora Ô Mores
On ne compte plus les contributions se lamentant sur le fait que le temps (sans majuscules) accordé à l’information manque tant du côté de celui qui la produit que de celui qui la reçoit. Au final, le flot d’informations fait que nous ne digérons plus l’information, ne la métabolisons plus, ne connaissons plus son histoire ni son origine; nous ne la goûtons plus; nous ingurgitons, nous boulimiquons, nous anorexons ; l’information est aujourd’hui instantanée, massive, souvent anonyme ou amateure, disséminée au travers de tweets, de blogs, de journaux et de pages internet, et nous avalons l’info comme dans un fast-food où elle doit être commode (“convenient”), colorée, pas chère et servie bien chaude.
Et pour poursuivre sur le mode “c’était mieux avant”, presque plus personne ne se retrouve une fois par semaine au bistrot pour débattre de l’actualité et digérer toutes ces matières. Sans compter que le nec le plus ultra a disparu depuis bien longtemps, à savoir le salon que certaines tenaient au XVIIIème ou XIXème siècle (dans une autre vie, j’aurais aimé être Germaine de Staël, mais laissons là ce fantasme inassouvi).
Aujourd’hui, le débat n’a plus lieu que sur les réseaux sociaux (les politiciens et expertes ne faisant que de la confrontation d’idée). Mais là aussi, il est fortement soumis au règne de l’immédiateté et de l’émotion (cela ne veut pas dire qu’il soit mauvais, cet échange reste essentiel à notre société), il est trop souvent désincarné (laissant libre cours à tous les excès et bassesses) ou alors tourne court .
Les médias traditonnels sont tous en train de se positionner plus ou moins activement dans ce nouveau contexte, mais là n’est pas mon propos (voir notamment l’exemple récent de Radio Canada (VIA Damien Van Achter et Magali Philip sur Facebook).
SlowThoughts: un lieu, un livre, un bon café ou une bonne bière, une plume et des réflexions
Ce qu’il nous manque aujourd’hui avant tout est du temps, de la réflexion, de l’implication personnelle, des lieux de vie et de débat. Il nous faut redonner de la durée, de la profondeur et de l’espace à l’information et la réflexion. Et cela, un media à lui tout seul ne le peut pas, n’ayant que peu d’impact sur le contexte de consommation de ses productions.
L’idée de SlowThoughts veut pousser plus loin le temps de métabolisation de l’information et des idées, en utilisant des lieux, un support et un rythme adéquats:
- un lieu convivial et local, qui se veut lieu de rencontre et de réflexions (par exemple un café, une librairie, une bibliothèque, une école, la salle d’attente d’un médecin, la cafétéria d’un média traditionnel,…), où une diversité de personnes passent durant la semaine en cherchant un moment de calme ou d’échange;
- un support papier, sous forme d’un carnet ou “livre d’or”, ou chacun peut rédiger librement un texte, déposer une réflexion, ou commenter une production précédente;
- le rythme étant libre et au gré des envies, du rythme de vie, des habitudes et du temps à disposition des contributeurs potentiels, occasionnels ou réguliers.
Le contenu (analyse, information, réflexion sur un sujet d’actualité longue, de portée humaniste (sciences philosophie, lettres, politique, arts, etc.) ou production artistique) et la forme (prose, poésie, dessin, etc.) seraient entièrement libres.
Les supports seraient divers et variés (en accord avec le lieu), en demandant néanmoins une mise en page et quelques métadonnées minimales (rédaction sur page de gauche, page de droite pour commentaires, texte signé (pseudo ou non), date de rédaction, un titre pour l’accroche). Quelques règles pour des citations ou références internes permettraient d’en augmenter le potentiel d’échange et de discussion (et oui, un format électronique serait idéal pour cela; mais WordPress existe déjà, et mon propos est précisément de forcer l’intimité sur un support papier).
Au fil du temps, les pages, les cahiers et les commentaires s’accumuleraient, devenant un recueil plein de vie et moteur de réflexions. Avec un peu de chance, quelques plumes deviendraient des habituées du lieu, ou des habitués du lieu, des plumes; on aurait en chaque endroit un objet unique à consulter avec un bon café, une bonne bière ou que sais-je, une absinthe, loin de la soupe de micro informations non contextualisées des journaux gratuits habituels.
En chaque lieu il faudrait un hôte, qui mettrait en place le premier recueil, introduirait la démarche à de nouvelles personnes et s’assurerait du respect des règles minimales. On pourrait aussi imaginer que une à quatre fois par année, chaque hôte sélectionnerait les contributions les plus intéressantes, qui seraient alors publiées sous une forme ou une autre (recueil distribué dans les différents lieux d’accueil, publication sur un blog (pourquoi pas ici sur les blogs du TEMPS ?), etc.). Libre à chacune d’organiser ensuite des rencontres in vivo entre contributeurs, ou de laisser les échanges se faire de manière impromptue autour du café.
Il suffit de peu pour mettre l’ouvrage sur le métier
Ce microréseau local ne demande pas de financement (si ce n’est l’achat du “livre” et d’une plume), et est organisable de manière autonome, décentralisée et indépendante. Lorsque le succès immense l’exigera, une association pourra toujours émerger pour gérer la curation des meilleures contributions. Pour le nom, tout est imaginable, de SlowThoughts à ScribiteLente, ou BradeoPteron (les héllénistes me corrigeront en commentaire).
Bref, tout ce qu’il faut, c’est un premier lieu qui se dira intéressé à lancer la démarche. En connaissez-vous un?
(merci de commenter sur ce blog directement plutôt que sur Twitter ou Facebook, à moins que vous ne souhaitiez une totale discrétion #hum).
Mente ferroque