Monsieur Cassis, un peu de courage, bon sang!

On a eu l’occasion d’entendre à plusieurs reprises ces dernières semaines notre ministre des affaires étrangères lâcher de petites phrases inatendues, comme des pétards à moineau (Gaza, Europe, etc). Les jeunes enfants adorent cela : cela fait beaucoup de bruit, cela effraie les plus petits et permet de faire acte de courage sans trop prendre de risques. Dans le fond cela n’est pas bien méchant – chacun son style – et le conseiller fédéral Cassis avait été élu en connaissance de cause (je laisse donc le soin au Parlement d’en gérer les conséquences).

Là où le problème est plus fondamental, c’est lorsque l’on fait de l’incapacité à être critique et à regarder la vérité en face une vertu politique. J’en veux pour preuve les coups de crayons appuyés qu’Ignazio Cassis a fait dans le dernier rapport sur l’Agenda 2030 pour le développement durable. Si vous n’avez pas suivi, Lise Bailat a très bien résumé l’histoire dans l’article suivant :

24 Heures – Lise Bailat – 20 juin 2018

Pour prendre un seul exemple, l’empreinte écologique est un calcul scientifique qui a ses approximations, mais dont les conclusions ne font aucun doute : la Suisse consomme bien plus de ressources qu’elle n’en a à disposition, et ceci sur le dos des pays en développement (importations) et des générations futures (consommation de ressources fossiles qui ne se régénèrent plus).

 

(Vous trouverez des informations détaillées sur le site de l’office fédéral de la statistique: https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/developpement-durable/empreinte-ecologique.html )

La carte ci-dessus montre bien que pour chaque pays rouge (qui consomme davantage que ce qu’il a à disposition sur son territoire), il faut un pays vert (qui ne consomme pas l’ensemble de ses ressources), car rappelons-le, la terre est ronde et non infinie.

La politique vient ensuite, sur la réponse à donner, ou non, à un tel état de fait:
Faut-il laisser les choses aller, sachant que les pays verts deviennent chaque année de plus en plus jaune/rouge ? Faut-il préparer la Suisse à être moins dépendante des ressources externes ? Faut-il soutenir les pays en développement pour se développer sans passer par la case rouge comme nous l’avons fait ? Faut-il maintenir les pays en développement dans le vert ?

On le constate, dans ce domaine, le courage n’est pas de refuser de publier un constat dans un rapport officiel, mais bien d’oser affronter la réalité en face, ou mieux encore, d’oser une réponse.

L’une des raisons que le conseiller fédéral Cassis a données pour justifier son exercice de traduction en langue de bois du rapport sur l’Agenda 2030 était que ce dernier était « trop de gauche ». C‘est bien la première fois que j’entends un membre du Parti libéral radical sous-entendre qu’être de droite, c’était pratiquer le déni de réalité.

J’en veux pour preuve que dans de nombreuses entreprises, communes ou cantons de Suisse (et dans le monde entier), de vrais décideurs, de gauche comme de droite (précision: surtout beaucoup de décideuses), n’ont pas attendu les tergiversations cassisiennes pour aller de l’avant, et travaillent non seulement sur un état des lieux en matière de développement durable ouvert et non politisé, mais surtout proposent des objectifs politiques et des actions pour aller de l’avant.

Ne vous “trumpez” pas Monsieur Cassis! Un peu de courage, bon sang! Faites de la politique, et non pas du déni de réalité!

L’avenir de la Suisse se fait en regardant le présent dans les yeux.