Et si le jazz pouvait nous aider à relever les défis d’aujourd’hui…

Le printemps en Suisse romande remet chaque année le jazz à l’honneur (et les culs sur les i). C’est en me plongeant dans les délices des boeufs, jam session et autres improvisations jazzistiques du moment que je me suis demandé si l’approche jazz n’était pas une piste sérieuse pour aborder les défis de notre temps.

Quel miracle permet-il à trois ou quatre musiciens (souvent davantage), qui ne se connaissent parfois pas encore, de faire émerger en quelques minutes la magie de cette musique, sans partitions ni chef d’orchestre ?

Le jazz, mode d’emploi

Ils jouent – dans tous les sens du terme – ensemble ; chacun amène sa note à l’édifice ; ils découvrent, expérimentent, cherchent et font émerger pour quelques instants un rythme entraînant, un mouvement qui nous questionne, une mélodie qui nous emporte, et qui ne se reproduira plus jamais à l’identique.

La liste des ingrédients est simple pour que cela fonctionne (et je ne parle pas du talent). Chaque musicien apporte avec lui les éléments suivants :

  • la maîtrise de base d’un instrument (ou de sa voix)
  • la maîtrise d’un alphabet commun : les gammes, leurs modes et les harmoniques
  • la connaissance d’une culture commune sur laquelle construire et jouer ensemble, que sont entre autres les thèmes du jazz (pensons à summertime* par exemple)
  • une sensibilité, une culture et une identité propre (stylistique, rythmique)

A partir de là c’est tout l’art du jazz qui prend vie. En se basant sur les quelques éléments connus (gammes, thèmes, motifs rythmiques), les artistes se lancent ensemble dans l’improvisation et l’exploration, avec deux conditions essentielles : l’écoute réciproque et la réactivité. Un fil invisible relie les protagonistes, dont chacun des mouvements est ressenti par les autres, qui s’adaptent, puis entraînent à nouveau le suivant. Cette danse subtile demande attention, écoute, respect et réactivité, en acceptant de ne pas savoir quels seront les prochains pas, avec un élan commun pour guide.

Résoudre nos défis comme on jouerait du jazz

A notre époque ces compétences sont déterminantes : le monde est trop complexe pour pouvoir le maîtriser comme une marche militaire, il n’est pas prévisible pour pouvoir suivre la partition comme un orchestre symphonique, et simplement jouer plus fort que les autres comme dans une fanfare carnavalesque ne fonctionne pas plus longtemps qu’une élection de Trump.

Aujourd’hui plus que jamais chacun de nous doit maîtriser son instrument, son métier de base; il doit apprivoiser avec l’expérience les thèmes connus pour improviser avec et surtout, il doit savoir composer avec des instruments de registres très différents pour faire émerger la musique du moment. En s’y prenant bien, cela peut swinguer, groover, et l’action de chacun se mêlera dans une mélodie unique au sein du trio, du quatuor ou du septuor, voir même du big band (dans ce dernier cas, on aura besoin d’un directeur).

Observez bien les gouvernements de votre commune ou de votre canton, votre parlement, ou la direction de votre entreprise. Savent ils jouer du jazz ?

 

*Summertime : en tapant « Summertime » dans le moteur de recherche de spotify ou Youtube, on est surpris de la variété des interprétation, et de la très grande différence de qualité ; le jazz, ça reste difficile (mais ne ratez pas Billie Holiday, Sarah Vaughan, Ella Fitzgerald, Sidney Bechet, Mungo Jerry, et surtout pas Chet Baker, Nina Simone, Janis Joplin ou encore le George Benson Quartet).