Héros malgré lui |
Peut-être que dans quelques années nous nous souviendrons en fin de compte de Yannick Buttet comme d’un Conseiller national qui a fait avancer la cause des femmes – malgré lui.
Penchons-nous un instant sur les circonstances uniques qui pourraient en faire un héros malgré lui de l’égalité des sexes et du respect des femmes.
Une conjonction d’affaires particulière |
L’impact de cette affaire est due à la combinaison unique entre un contexte momentané favorable (Weinstein, #MeToo & Co), et un amalgame inadapté entre deux situations : une plainte pour harcèlement qui relève à priori du domaine privé, et un comportement public à Berne totalement inadapté.
Ou plutôt, un comportement public à Berne SOUDAINEMENT considéré comme inadapté. Car soyons honnêtes, personne, dans le petit cercle des parlementaires fédéraux, lobbyistes et journalistes n’ignorait les attitudes du Conseiller Buttet (et semblerait-il, de plusieurs autres).
Après un article du Temps, en une nuit, un comportement toléré, minimisé, est subitement devenu inadmissible. La fuite vaudevillesque sur la plainte pénale valaisanne a mis le Conseiller Buttet dans une lumière suffisamment scandaleuse pour rendre attaquables ses actes bernois. Sans son affaire privée, ce comportement public inacceptable serait resté celui d’un gros lourd gênant, comme nous en connaissons bien trop, tout juste qualifié d’un haussement d’épaule, de sourcil, ou pire, d’un sourire amusé.
La nocivité sociale des « gros lourds » |
Ce que nous entendons aujourd’hui dans les témoignages de politiciennes courageuses déclenchés par les révélations du Temps, c’est que ce comportement de « gros lourd » fait des victimes. Le machisme et le harcèlement sexiste ont un prix social. D’un côté celles qui refusent un tel traitement se tiennent à l’écart de la politique ; de l’autre celles qui s’y frottent doivent régulièrement s’en défendre, elles sont usées, rabaissées (et cela sans pouvoir en parler, pour ne pas passer pour ce qu’elles ne sont pas: des faibles femmes) utilisant à chaque fois de l’énergie qu’elles ne peuvent investir dans le jeu politique.
Dépasser l’affaire et le cas isolé – du #MeToo au #WeToo |
Laissons de côté l’élément déclencheur qu’est «l’affaire Buttet», la justice en traitera le pan valaisan ; pour le côté politique, un lynchage ne servira aucune cause, si ce n’est celle de ses adversaires politiques, probablement tout aussi concernés par certains collègues.
Nous devons ensemble faire notre Glasnost phallocrate et lutter contre les signes de machisme que nous rencontrons. Gardons les projecteurs sur ces comportements déviants. Réagissons systématiquement en présence d’un dérapage, et si la chose se répète, cherchons une solution.
Les langues doivent se délier, les personnes qui dysfonctionnent doivent s’en rendre compte et le cas échéant, être recadrées, accompagnées, voire soignées.
Les victimes doivent pouvoir en parler, être prises au sérieux, et ne plus devoir accepter cette situation parce que c’est le jeu. Les pulsions sexuelles n’ont rien d’attirant, lorsqu’elles servent d’arme de pouvoir envers des tiers non consentants.
J’attends le moment où quelqu’un osera passer des #MeToo des victimes au #WeToo de celui qui demande d’être excusé – et ceci spontanément, avant-même d’être dénoncé…
Ou alors faut-il être beaucoup plus réaliste, et commencer par élire davantage de femmes au Parlement pour en changer la culture?
Plasticienne engagée, j’ai réalisé une oeuvre intitulée « Phallocratie » sur le sujet de la domination sociale, culturelle et symbolique exercée par les hommes sur les femmes.
Quand l’art permet de parler toutefois avec humour de cette prégnance virile !
A découvrir :https://1011-art.blogspot.fr/p/phallocratie.html