Le film "Starship Troopers" de Verhoeven (1997) est un chef-d'oeuvre d'ironie, inutile de le rappeler. Mais a-t-on lu "Etoiles, garde-à-vous !", le roman duquel le film est inspiré ? Savait-on même qu'il existait ? Pas sûr. Par conséquent, si on a oublié cela, on a aussi oublié Robert Heinlein, l'auteur de cette fiction. Et là, c'est sûr, mais c'est surtout dommage.
Bon, en fait, je ne vais pas vous parler de "Starship Troopers", ni de Heinlein. Ou plutôt, j'ai envie de citer quelques lignes d'un de ses textes, peu connu lui aussi : "L'Enfant de la science" ("Beyond This Horizon"), paru en 1942 (aux Etats-Unis) et en 1953 (en France). Nous sommes dans un récit se passant dans un monde utopique où les humains, policés, ont quitté maladies et souffrances grâce à un eugénisme non racial : chaque couple a la possibilité de sélectionner dans son patrimoine génétique les gènes les plus "performants". A la fin du texte, en guise d'épilogue, nous trouvons un "Extrait du Serment mendélien", rédigé vers 2075 après Jésus-Christ. Le voici :
A ceci nous nous engageons sur l’honneur sacré et sur notre vie :
A ne détruire aucune vie féconde ;
A garder un secret solennel sur tout ce qui peut nous être révélé directement ou indirectement par les techniques de notre art, touchant la vie privée de nos clients ;
A ne pratiquer notre art qu’avec le libre et plein consentement des zygotes que nous traitons ;
A nous considérer, au surplus, comme entièrement responsables et gardiens du bien-être à venir des zygotes enfants, et à ne faire que ce que nous croyons fermement et clairement être au mieux de leurs intérêts ;
A respecter scrupuleusement les lois et les coutumes du groupe social à l’intérieur duquel nous exerçons ;
A cela nous nous engageons au nom de la Vie Immortelle.
Drôle, non ? En tout cas, il est surprenant de voir l'homme considéré soit comme un "client" soit comme un "zygote" (premier stade de la vie d'un individu, lorsque l'ovule et le spermatozoïde ont décidé de s'unir) ! Pour moi, le plus étonnant, c'est quand même de constater que ces deux termes – relevant des deux grands métarécits de notre temps que sont le capitalisme et la science – sont mis en relation avec la "Vie immortelle".
Heinlein est un romancier. Mais dans son texte, il nous rappelle cette évidence : le capitalisme et la science sont, pour reprendre les mots du physicien Werner Heisenberg, "des formes spécifiquement chrétiennes d'impiété". Ou comment l'homme semble ne pas pouvoir s'empêcher de croire en un Dieu.