Le lobby des multinationales gagne au Parlement

Les multinationales peuvent continuer à violer les droits humains ou à polluer l’environnement, notre Parlement s’en moque. Le Conseil des États a décidé le 12 mars dernier de saborder le contre-projet élaboré pourtant durant de nombreux mois et accepté – sur le principe – par le Conseil national l’an dernier. La population suisse aura le dernier mot : l’initiative « pour des multinationales responsables », soutenue par plus de 110 organisations, sera soumise au vote sans doute en 2020.

Combien faudra-t-il encore de scandales pour qu’enfin notre pays se dote de normes contraignantes pour réguler les activités des entreprises suisses et de leurs filiales ? Pollution causée par l’exploitation minière, exportation d’un produit hautement toxique non autorisé à la vente chez nous, travail des enfants dans des plantations, conditions de travail inhumaines dans les industries textiles…

Une étude de Pain pour le prochain recense qu’au cours des six dernières années, 32 entreprises suisses ont été impliquées à l’étranger dans 64 violations de droits humains et de dégradations de l’environnement.

On pouvait penser que la multiplication de ces exemples frappants convaincrait notre Parlement de fixer enfin des règles pour obliger les entreprises à respecter les droits humains et l’environnement. Il n’en est rien. Le Conseil des États, après 15 séances et une année et demie de discussion, a finalement décidé le 12 mars dernier de saborder le contre-projet qu’il était en train d’élaborer. Il a également recommandé de rejeter notre initiative. Bref : il refuse de fixer des règles et tolère que des entreprises suisses comme Glencore, Syngenta et Novartis continuent à faire des affaires de manière irresponsable sans que cela ne porte à conséquence. C’est navrant.

Cette décision est clairement le résultat d’un lobbying intense mené par les faîtières économiques, EconomieSuisse et SwissHoldings, qui s’opposent depuis toujours à des normes contraignantes. Selon elles, les mesures volontaires, appliquées au bon vouloir des entreprises, sont largement suffisantes. Or, comme le fait remarquer l’ancien conseiller aux Etats PLR Dick Marty, co-président du comité d’initiative pour des multinationales responsables : « Personne ne voudrait que la circulation routière repose sur des principes volontaires et soit dictée par la loi du plus fort. De la même manière, les activités des sociétés à l’étranger doivent être encadrées par des règles claires.»

Gageons que ces mêmes faîtières économiques ne vont pas tarder à regretter d’avoir fait capoter ce compromis. En moins de 3 jours, après le vote négatif du Conseil des États, 17’000 personnes avaient ainsi signé notre annonce et payé pour sa publication dans Le Temps, samedi dernier, ainsi que dans des journaux alémaniques. La campagne en faveur de l’initiative est lancée !

Manon Schick

Manon Schick est depuis 2011 la directrice d’Amnesty International Suisse et s'engage en faveur de la défense et la promotion des droits humains.

4 réponses à “Le lobby des multinationales gagne au Parlement

  1. Bah, il ne sert à rien de menacer les multinationales, ces gens là sont hyper-super-supérieurs aux gouvernements, même des US.
    Et même si une loi est votée, qui vous dira qu’elle est respectée?

    Il faut adopter d’autres stratégies, non la loi, mais la révélation des forfaits sur la toile qui tachent les marques et en revenir au consommateur-roi, à mon avis beaucoup plus efficace.

    Bon, comme ils maîtrisent aussi les réseaux et les médias, c’est un peu la quadrature du cercle, mais…

  2. Il s’agit en effet d’une opportunité manquée de la part du parlement. Néanmoins la position est cohérente avec le cadre légal suisse actuel qui ne n’oblige pas les entreprises suisses à la publication d’informations non-financières de type RSE (responsabilité sociale des entreprises) (contrairement à l’Europe). Et ne soyons pas dupe, un cadre légal au niveau suisse n’aurait que peut d’effet sur ces mastodontes internationaux qui peuvent se permettre de payer des milliards d’amende. Je pense que la solution passe par les initiatives privées encourageant la transparence volontaire en matière de responsabilité sociale et de gouvernance des entreprises du type CDP, GRI, UN Global Compact, UN PRI. Ces systèmes offrent des cadres de reporting qui permettent de comparer les performances des entreprises sur des thèmes sociaux et environnementaux et il serait bon que les ONG s’engagent plus pour les faire connaître auprès du grand public afin que les entreprises qui les adoptent puissent être récompenser pour leur transparence et que celles qui s’y soustraient soient misent sous pressions directement par les consommateurs.

  3. Bonjour Mme,
    Voici une personne née en Espagne il y 62 mais séjournant en Val d’Hérens six mois par anée et qui suit le milieu politique et médiathique de votre pays qui veut(je parle de ce milieu) toujours se montrer MODELE pour le reste des pays et plutôt pour ceux qui l’entourent.
    Il y quelques années j’ai acheté en Plain Palais à un bouquimiste un livre “Le Patriotisme Suisse”,écrit par un prof d’un Lycée de Laussanne.C’était la trasncription d’une conférence ,dont on pouvait lire qu’il y avait deux façons d’agrandir artificiellement le PATRIOTISME,d’une parte en enjolivant les atouts propres,d’autre part en dénigrant les Pays voisins,et ce ça que pratiquent pas mal de moyens politiques et de communication.
    Je vous suis aussi depuis longtemps, sur les moyens de communication de la Suisse Romande et c’est pour vous encourager à suivre cette bataille contre ce milieu (je parle surtout de l’extrême droite qu’en SUISSE MODELE et son HYPOCRISIE MODELE,s’appelle UNION DEMOCRATIQUE DU CENTRE,et du parti qui represente dans le Parlement Fédéral les lobbys de matières premières,banques,farma,etc,donc le PLR,et assez souvent le PDC,majoritaire au Conseil des Etats..)
    Il y a quelques semaines,à Evolène,je lisais le livre de la Declaration de Berne “Swiss Trsading S.A”. et “Une certaine idée de la justice” de Dick Marti.Sans doute vous les avez déjà lu.Il ne faut que lire la conclusion de la DECLARATION DE BERNE pour savoir de quoi je parle
    Pour moi ce refus du Conseil des Etats peut être une aubaine car,si le comité d’initative réussi à passer son message à la population (en tout cas on va beacoup parler de ces violations de droits humans,de la tragédie du DEUXIEME barrage qui s’efondre de la Multinationale VALE,etc)on peut s’attendre à que,d’une fois,comme dans l’initiative Weber,la population Suisse plebiscite cette initiative et non celle,toujour édulcorée,du Conseil National
    Je suis réaliste..il le faut,on la vue en pas mal d’ocassions,un premier sondaxe (le dernier en date sur le Mitage du territoire)une claire majorité se prononce en faveur,mais,on le sait bien,si Papa Conseil Fédéral et Mama SECO,me dissent que ça va me coûter quelques sous,il faut changer mon avis,ils ont toujours raison (cela veut dire,l’extrême droite populiste et xenophobe et le capital financier et especulatif representés par l’UDC et ler PLR,respectivement),mais aussi optimiste,car,avec le concours,entre autres,de Dick Marti,ça peur arriver.

    Bon courage,Mme Schick

    Rafael

  4. Intéressant d’apprendre que la chambre des cantons (conseil des états, Ständerat) avec ses 2 représentants par canton (1 pour les demi-cantons) a pris cette décision. Le calcul, exclusivement économique, des lobbys énumérés montre les limites de leur raisonnement, inspiré par le dogme de l’ultra libéralisme en cours en Suisse et en Europe depuis des décennies. Les intéressantes propositions avancées dans les commentaires me semblent effectivement des voies à privilégier dorénavant.

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