Non, agir avec empathie ne vous empêche pas d’être une bonne leader! (C’est même tout le contraire)

Alors l’empathie, atout ou faiblesse pour une leader? Comme n’importe quel outil, tout dépend de la façon de l’utiliser! De mon côté, j’ai pu constater à plusieurs reprises que bien appréhendées, la bienveillance et l’empathie sont très précieuses : elles facilitent la compréhension, la confiance et la motivation et je dirais même l’implication de vos équipes. Vous serez sûrement d’accord avec moi pour dire que ce sont des éléments essentiels à un bon leadership.

 

«Maddalena? Elle n’a aucune chance d’être désignée leader la plus inspirante. Elle est trop
empathique.» Cette remarque, c’était à propos d’une évaluation qui doit permettre à un groupe de femmes entrepreneures d’identifier la plus inspirante de ses membres. Bien sûr, elle n’était pas censée arriver à mes oreilles. Mais ça ne change rien: je l’ai entendue quand même.

Il y a quelques années, ça m’aurait blessée. Je me serais remise en question. Est-ce que mon leadership est efficace? Est-ce que je me fais suffisamment respecter? Est-ce que je dois changer quelque chose? Est-ce que je dois devenir une «warrior à l’américaine», une de ces femmes dures et distantes qui reproduisent une vision très masculine du
management?

Cette remarque m’aurait blessée il y a quelques années, mais plus maintenant. Par contre, ça m’a énervée. Ce que cette personne me reprochait en fait, c’est d’être «trop gentille». L’empathie serait incompatible avec le fait d’être une bonne leader? N’importe quoi!

Il y a tout un tas de gens très intelligents, très bien formés qui se sont penchés sur la question. A commencer par Raphaël H Cohen, dont j’ai eu la chance de pouvoir suivre les enseignements à HEC Genève. Dans son livre Les leviers de l’engagement, ce précurseur du leadership équitable et bienveillant explique de manière très convaincante pourquoi et comment ces qualités permettent de maximiser les profits et la performance.

Ça me paraît tellement évident que je me suis même demandé si ça valait le coup d’en reparler ici. Et j’ai décidé que oui. Car cette qualité de bienveillance est peu considérée dans les soft skills. Et comme cette remarque était dirigée contre moi, ça me donne le droit d’y répondre avec mes mots, en me basant sur ma propre expérience.

 

Une qualité essentielle chez le personnel soignant

L’empathie, je connais bien: comme vous le savez, j’ai été infirmière avant de devenir entrepreneure. Et lorsque vous êtes infirmière, vous passez par tous les états au cours d’une journée de travail.

Vous allez devoir tenir la main d’une patiente en fin de vie, puis écouter une personne se plaindre de sa prothèse de hanche, avant d’enchaîner sur l’annonce d’un décès à des proches. Et si le patient suivant a des problèmes de constipation, ça vous paraît bien futile!

Mais pas pour lui.

Et une bonne prise en charge, ça nécessite d’écouter et de comprendre le patient. Pas de le juger. Il faut rester objectif et ne pas se laisser guider par ses propres sentiments. C’est ainsi que j’ai appris à maîtriser mon empathie, et non pas à la subir.

 

L’empathie dans mon expérience de dirigeante

Et puis un jour, «je suis passée du côté obscur», comme j’aime le dire. Je suis devenue une dirigeante d’entreprise. A ce moment-là, j’ai eu le choix. Je pouvais être une patronne: autoritaire et cassante, ou même «plus dure», comme on me l’a suggéré. Bref, un comportement inspiré par l’imaginaire masculin du manager.

Ou je pouvais rester qui j’étais. Me servir de ce que mon métier d’infirmière m’avait enseigné et le transposer dans mon nouveau rôle. C’est cette voie que j’ai décidé de suivre et je ne le regrette pas. Mes collaboratrices et mes collaborateurs non plus, je crois.

J’ai pu constater qu’être une leader bienveillante et empathique offre de nombreux avantages pour la vie et la réussite de l’entreprise. L’empathie vous permet de mieux comprendre votre équipe, de gagner leur confiance et de mieux les motiver.

 

L’empathie vous aide à comprendre votre équipe

Quand j’ai repris Firstmed, j’ai ressenti le besoin de faire connaissance avec l’équipe. Après tout, c’était eux, l’entreprise. J’avais besoin de savoir à qui j’avais affaire avant tout. Qui sont-ils? Et en dehors du bureau? Pourquoi est-ce qu’ils sont là? Quelle est la motivation derrière leur action?

J’ai d’abord décidé de laisser ma porte ouverte, de ne pas instaurer une barrière physique entre eux et moi. Je les vois, ils me voient. Ils ont librement accès à moi. J’apprends à les connaître et eux découvrent le contexte de mon rôle de leader. Ils comprennent les enjeux, je prends en compte leurs besoins et leurs attentes dans mes décisions.

Cette compréhension mutuelle est essentielle pour le bon fonctionnement de l’équipe. C’est ce qui les pousse à s’entraider. Et même si aujourd’hui la plupart des collaborateurs travaillent sur le modèle nomade, je sais qu’on tire tous à la même corde car on se connaît et on se comprend. On la même vision et on partage les même valeurs.

 

L’empathie crée la confiance

Ce qui est très important, c’est de ne pas instrumentaliser l’empathie. De ne pas s’en servir pour manipuler l’autre. Si vous êtes proches de vos collaborateurs et que vous commencez à utiliser leurs faiblesses contre eux, ou à votre profit, c’est fini. Si au contraire ils voient que vous utilisez ce que vous savez pour les soutenir, alors ils vous suivent et ils vous font
confiance.

Au bout du compte, ce sont les engagements qui font la différence. Si vous tenez les vôtres, vous aurez la confiance de votre équipe. Il y a quelques mois, ma sœur était hospitalisée au CHUV. J’étais très inquiète et très stressée, je passais mes nuits à l’hôpital. Mais j’ai toujours donné l’attention requise aux collaborateurs et à leurs soucis plus ou moins importants. Pour moi, il était essentiel d’assumer ma fonction, mes devoirs et ma vie privée, tout en étant transparente avec mon équipe.

Ça m’a permis de garder leur confiance.

 

L’empathie permet de mieux motiver vos équipes

A partir du moment où le collaborateur se sent appartenir à un groupe, qu’il voit que son rôle est important et qu’il est considéré non pas seulement comme membre de l’équipe mais comme personne à part entière avec toutes ses émotions, alors il sera plus impliqué.

Comme le dit Richard Branson, «si vous vous occupez bien de vos employés, ils s’occuperont bien de vos clients.» C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, Firstmed obtient un taux de satisfaction client qui atteint 100%, malgré la rotation des formateurs.

Et c’est ce qui explique la très bonne relation que j’ai avec mes collaborateurs, que ce soit en tant que membres de l’équipe ou comme personnes, tout simplement.

 

Une approche d’avenir

Au fond, ces histoires d’empathie, de modèle féminin ou masculin, c’est un peu du vent. C’est très subjectif. Ce qui compte, ce sont les résultats. Mon parcours démontre que l’empathie n’a jamais été un frein dans mes performances de dirigeante ou dans la gestion de mon entreprise.

Mais bon, je suis une femme. Alors vous allez peut-être vous dire que je prêche pour ma paroisse. Eh bien non. Il y a bien d’autres exemples: je pense spontanément à Christophe Barman chez Loyco et Pascal Meyer chez Qoqa.

 

Même les hommes s’y mettent

«En tant que manager, j’aime être au cœur de ce qui se passe. J’aime sentir le pouls de mon équipe. Je crois à un management collaboratif, qui mise sur l’intelligence collective. C’est pourquoi je laisse mes équipes définir le cadre de travail. Chez Qoqa, les collaborateurs ont la liberté d’entreprendre au sein de la société. L’essentiel, c’est qu’on partage les mêmes valeurs et qu’on y adhère», explique Pascal Meyer.

Christophe Barman a suivi une approche similaire. «Chez Loyco, nous nous sommes concentrés sur le plaisir de nos Loycomates en mettant en place un environnement favorable à l’autonomie et à la recherche de sens. A titre d’exemple, nous n’avons pas d’horaire ni de lieu de travail obligatoire, chacun peut monter des projets qui font du sens pour lui et nous avons supprimé notre structure hiérarchique en mai 2018.»

Pascal et Christophe sont des hommes, et «pourtant» ils ont su faire preuve d’une grande empathie en mettant le bien-être, la quête de sens et la responsabilité individuelle de leurs collaborateurs au cœur de leur modèle de management.

Si même les hommes s’y mettent, c’est bien que l’empathie et la bienveillance fonctionnent, non? Alors n’hésitez plus, optez vous aussi pour le management bienveillant!

On ne naît pas entrepreneur !

Dans ce blog, je souhaite donner la parole à toutes ces femmes qui m’inspirent, ces entrepreneuses – souvent inconnues du grand public – qui m’ont motivée à me surpasser. Mais permettez-moi d’abord de me présenter, de raconter ces barrières qui jalonnent la vie d’une femme, infirmière de formation, et qui m’ont donné envie de me battre.

 

“Tu devrais rester au chevet des patients”. Ce message, je l’ai reçu, senti ou deviné plus d’une fois. J’étais prédestinée à passer ma vie en blouse blanche dans les couloirs des hôpitaux, et pourtant je suis devenue directrice d’une société de 92 employés, élue femme entrepreneure de l’année en 2016.

Le miroir social n’a cessé de me renvoyer à ma condition de femme, fille d’immigrés italiens, de classe ouvrière, tout au long de ma vie. A l’école enfantine déjà, la maîtresse avait décidé de modifier mon prénom qu’elle jugeait trop exotique: Exit Maddalena, “tu seras Madeleine”. Mes parents, qui ne souhaitaient que mon bien, ne se sont pas opposés à cette décision de l’institution. Ils avaient trop de respect pour les enseignants, ces personnes qui détiennent le “savoir”.

 

Adolescente, j’ai quitté après une année le gymnase huppé qui me semblait réservé à de meilleures familles et j’ai entamé un stage d’aide-infirmière. Je suis sortie de mon cocon protecteur – réveil à 05h30, fin de journée à 20h. J’ai beaucoup appris auprès des patients, mais j’étais encore trop jeune pour réussir à ignorer les préjugés.
 

L’incompréhension de mon entourage

Bien des années plus tard, j’ai décidé de suivre un cursus postgrade (un DAS) en Entrepreneurship & business development à HEC Genève, à côté de mon travail d’infirmière. Je venais d’obtenir un diplôme en management social et culturel au Sawi (une école de marketing & communication). Et j’avais réalisé que les outils économiques étaient fort utiles pour venir en aide aux plus démunis, comme envoyer un bloc opératoire à Yaoundé (mon travail de diplôme). Je voulais aller plus loin, par curiosité et soif de découvertes. N’ayant pas le luxe de diminuer mon temps de travail, je continuais mon activité à l’hôpital à 80% pour assumer mes factures, mon loyer, etc.

 

 

J’ai dû faire face à l’incompréhension de mon entourage. “Tu as un si beau métier, que cherches-tu à faire ?”, m’a demandé ma famille. Dans mon milieu professionnel, la plupart de mes collègues m’ont manifesté du soutien et de la compréhension  – merci Dominique et Monique d’avoir toujours été à mes côtés ! – mais je n’ai pas eu droit qu’à de la bienveillance. J’ai eu un clash assez violent avec un professeur d’orthopédie qui, en plein couloir, a déversé sa colère sur moi, me rappelant que je n’étais qu’une exécutante. Pour qui je me prenais pour donner cet élan à ma carrière ?

 

J’ai ravalé mes larmes. J’ai continué à avancer. Rien ni personne ne pouvait décider de mes rêves. Un livre, Les 1000 soleils splendides de Khaled Hosseini , m’a servi de guide, me rappelant que j’étais libre de mes choix. J’avais peur de ne pas être à la hauteur ou à ma place dans ce DAS. Et alors ? Si je ratais ce diplôme… je me relèverais. Ce ne serait qu’une leçon de vie.

 

« Qui étais-je sur le marché? »

Mais une fois mon DAS en poche, j’ai eu encore 6 mois de doutes et de peur. J’avais 30 ans, j’avais vidé mon compte en banque. Pour quoi ? Qui étais-je sur le marché ? Je n’étais pas rassurée par l’image qui m’était renvoyée. J’ai finalement posé ma candidature pour un poste de directrice… histoire de me tester, sans vraiment y croire.  A ma plus grande surprise, les fondateurs de Firstmed, eux, ont cru en moi. Et je me suis lancée dans l’aventure avec bonheur et émotion.

 

Je me rappellerai toujours des sensations qui ont accompagné mes premières semaines à Firstmed. Moi qui étais habituée au son des sonnettes de “l’appel malade”, je me retrouvais seule devant un écran d’ordinateur, face à de grosses responsabilités. Cela m’a pris deux ans pour oser prendre complètement possession de ma nouvelle fonction et donner ma couleur à Firstmed. Aujourd’hui, j’ai le courage de me faire confiance, en apportant mon vécu et ma vision dans le management. Je suis sortie du moule. Je me suis affranchie des attentes et des peurs de décevoir, toujours prête à me lancer de nouveaux défis. C’est ainsi que j’ai créé le livre-CD “Il faut sauver grand-maman” avec Henri Dès, pour apprendre aux enfants à composer le numéro d’urgence 144.

Aujourd’hui, j’ai le droit d’être qui je suis. Mon ancien stéthoscope accroché à ma salle de bain me le rappelle tous les jours. Si mon parcours avait été tracé dans les plus grandes écoles, assuré par une famille bien établie, aurais-je eu la « niaque » indispensable à mon activité actuelle ?  Le quotidien d’une cheffe d’entreprise est semé d’embûches. Chaque jour, on pourrait abandonner, baisser les bras, face à l’ampleur des difficultés rencontrées. Il faut se battre, contre l’image que nous renvoie la société, mais surtout contre nos propres barrières et angoisses. Nous devons être prêts à oser prendre des risques… ne dit-on pas que la vie commence hors de sa zone de confort ?

J’espère que les femmes que je vous présenterai ces prochains mois dans ce blog vous donneront, à vous aussi, l’envie de vous battre.