Pourquoi les fusillades au Texas et au Nevada ne changeront en rien la situation sur les armes à feu aux États-Unis

Comme souvent, la population est choquée, assommée et les messages de prières et de courage affluent de toutes parts du pays et du monde. Après la fusillade la plus meurtrière des États-Unis en octobre dernier (58 morts et 550 blessés dans l’hôtel Mandala Bay), c’est au tour du paisible hameau de Sutherland Springs au Texas de connaître l’effroi avec une nouvelle tuerie (26 morts) en ce début de mois de novembre. Pourtant, ni le président américain Donald Trump, ni une large majorité des citoyens ne semblent prêts pour un grand changement.

Des gestes, des larmes et de prières
A chaque fusillade, et ce fut encore le cas en octobre et ce dimanche au Texas, des voix s’élèvent afin de mieux légiférer et durcir ce qui est devenu un véritable fléau aux États-Unis. En effet, chaque année, plus de 12’000 personnes meurent dans une fusillade dans le pays et on ne compte que 109 jours sur 365 sans une tuerie de ce genre par année. Trop, beaucoup trop, comme le scandent les anti-armes et milieux proches des démocrates. Et sur les seuls cinq premiers jours de novembre, trois exemples criants et révoltants sont à prendre en compte : Chicago (restaurant 2 morts), Colorado (supermarché 3 morts) ou Texas (église 26 morts). Néanmoins, nous aurions tort d’accabler toute la population et les instances politiques américaines.
La population fait à chaque fois preuve de courage et de solidarité envers les victimes et des messages de prières sont envoyés de toute part, en passant par les républicains de Donald Trump aux démocrates de Barack Obama. Et ce dimanche au Texas, les habitants étaient justement en train de prier dans l’église avant d’être abattu, d’où le choc et la révolte des militants anti-armes. Réaction toutefois sans action majeure à suivre comme nous avons pu le constater par le passé et aujour’dhui encore.

Le puissant lobby pro-armes NRA et le deuxième amendement
Deux principales raisons et piliers de la société et de l’histoire américaine expliquent cette inaction et situation inchangée. La puissante National Rifle Association (lobby pro-armes) fondée en 1871 et dont de nombreux acteurs et politiques sont connus pour en être proches est le premier garant des armes à feu et au maintien de la situation actuelle. Crée dans le but de protéger les détenteurs de fusils, les sports de tirs et l’entraînement des citoyens, elle ne manque jamais de rappeler que son principal objectif est la mise sur pied de programmes de sûreté par l’usage et l’éducation des armes à feu. Double hypocrisie, un peu banale au pays de la bannière étoilée devrait-on presque avouer. De plus, en citant entre autres les pourtant pacifistes Clint Eastwood ou Bruce Willis, nombre d’acteurs de Hollywood se déclarent en faveur des armes si elle garantit leur sécurité. Son de cloche similaire du côté républicain avec Donald Trump et Paul Ryan (homme fort du sénat) qui se posent en fervents partisans et dont les campagnes ont été en partie financées par la NRA.

La deuxième raison de cet attachement aux armes, est-elle bien plus historique encore. Il s’agit bien sûr du deuxième amendement de la constitution américaine. Il est dit que nul ne pourra attenter au droit des citoyens de porter une arme. Cet amendement profondément ancré dans l’histoire et les lois américaines a de plus été renforcé par le passé, la Cour Suprême déclarant l’autodéfense comme un élément central de ce droit. Si ni les républicains, ni les démocrates d’aileurs  ne contestent ce texte, ils sont cependant en désaccord sur leur interprétation. Le parti de Barack Obama et Hillary Clinton arguant par exemple depuis fort longtemps que le port d’armes ne devrait être autorisé qu’en cas de milice organisée et n’est pas un droit illimité. On comprend toutefois ainsi mieux pourquoi près de 40% des foyers américains possèdent une arme à feu et que 47% des citoyens estiment que c’est une liberté et un droit essentiel.
Barack Obama avec ses discours pourtant remplis de larmes s’était ainsi « cassé les dents » et resté bien malgré lui impuissant sur ce dossier.

« Si plus de personnes avaient été armées …»

Dernier argument et non des moindres qui me fait penser que le temps du changement n’est pas venu aux États-Unis, c’est bien la pensée assez répandue que l’on est jamais mieux protégé contre « les fous et les méchants » que par son arme. Au lendemain de la tuerie de Sutherland Springs, le procureur républicain de l’état demandait ainsi plus d’armes afin de contrer les « méchants ».
S’appuyant comme bon nombre d’américains sur ces héros qui auraient permis d’éviter un plus grand massacre, en se précipitants dans l’église avec leur armes et pourchassant Devin Patrick Kelley l’homme qui avait déjà abattu 25 personnes. A tort ou à raison, ils ont en effet réussi à mettre fin à cette tuerie au prix d’une course poursuite digne d’un film de farwest. Difficile de contrer ses arguments appuyés par le président Donald Trump en personne pour qui « le problème ce ne sont pas les armes mais la santé mentale des tireurs ». Compliqué pour les démocrates et les groupes anti-armes de faire passer un message de changement face au président et à tant d’émotions.

Cette Amérique à deux visages et deux pensées me rappelle un peu la discussion que j’ai eue avec ma famille d’accueil Californienne, dans un état pourtant pas autant réputé pour son lobby d’armes que le Texas. La famille m’avait alors expliqué qu’ils possédaient une arme afin de nous protéger en cas d’intrusion ou d’attaque dans la maison tout en comprenant mes craintes et que cela suscite le débat. Face à mes réticences, ils avaient alors sorti la constitution américaine avec le deuxième amendement en me prouvant que l’arme à feu n’était pas le problème et une arme en soi mais bien la personne qui pouvait la posséder.

Malgré toutes les interventions et paroles de courage et prières, cet énième fusillade qui plus est dans une église me laisse à penser qu’elle n’est malheureusement qu’une parmi tant d’autres. Et la petite lueur d’espoir sur l’encadrement des armes ouverte par la Maison-Blanche sur une éventuelle interdiction des mécanismes de transformation des fusils semi-automatiques est pour l’instant restée sans suite. Pour l’instant…
En finalité, nul ne sait combien d’autres tueries faudra-t-il encore pour qu’un réel changement ait lieu. Preuve en est, en habitant aux États-Unis, je m’étais d’ailleurs surpris en acceptant presque cette situation comme un risque parmi tant d’autres.