Midterms 2018: les Américains prêts à se mobiliser pour les élections de mi-mandat

Deux ans après la victoire surprise de Donald Trump, les Américains sont rappelés aux urnes pour les élections de mi-mandat appelées “midterm elections” aux Etats-Unis. Si cet exercice est un peu moins connu que la course à la maison blanche en Europe, il est également moins populaire en Amérique. Cette année semble toutefois être une exception, avec une participation qui s’annonce importante. La personne de Donald Trump n’est d’ailleurs certainement pas étrangère à tout cela. Petit tour d’horizon de l’humeur et des enjeux à quelques jours du vote.

Qu’on le soutienne ou qu’on le déteste ouvertement, le président américain Donald Trump a au moins le mérite de ne laisser personne indifférent. Pour lui, les midterms du 6 novembre prochain sont le premier grand test avant une éventuelle campagne pour sa réélection. Soit les républicains gardent le pouvoir au congrès et il pourra très certainement continuer à mener sa politique actuelle, soit les démocrates parviennent à renverser la table et une toute autre constellation politique se profilera à lui pour les deux dernières années de son mandat présidentiel.

Un renouvellement (partiel) du congrès chaque deux ans
Comme évoqué en préambule, le système électoral américain est ainsi fait, que ses concitoyens sont appelés chaque deux ans à renouveler leur congrès constitué de deux chambres. La chambre des représentants (House of Representatives, chambre basse) est complètement recomposée, alors que le Sénat (Senate, chambre haute) ne l’est qu’à un tiers puisque les sénateurs sont élus pour 6 ans. De ce fait, une nouvelle assemblée est à chaque fois élue soit lors de l’élection présidentielle, soit lors du scrutin de mi-mandat comme ce sera le cas le 6 novembre prochain. En résumé, l’élection du congrès a ainsi lieu chaque mardi suivant le premier lundi du mois de novembre des années paires.

Vous l’aurez compris, outre le renouvellement de l’assemblée, les midterms sont aussi une occasion pour les Américains d’approuver ou non la politique du gouvernement en place. Un air de “mini référendum présidentiel”, en quelque sorte. Il est d’ailleurs de coutume que le parti du président en place perde ce scrutin et qu’il doive plus ou moins gouverner avec un congrès moins favorable que lors de la première moitié de son mandat. Dans l’histoire, seuls Bill Clinton (1998) et George W. Bush (2002) sont parvenus à faire gagner leur camp lors de cette épreuve.

Une occasion en or pour les démocrates 
Avec un Donald Trump très populaire dans sa base mais tout aussi décrié par le reste de la population, les démocrates ont donc de très grandes chances de remporter une voire les deux chambres du congrès. Selon les dernières projections, ils devraient ainsi s’emparer de la chambre des représentants alors que leur probabilité de remporter le Sénat paraît beaucoup plus incertaine qu’il y a six mois. En cause, quelques succès “passagers” de Trump sur la scène internationale, et les accusations finalement sans conséquences prononcées contre le nouveau juge fédéral Brett Kavanaugh qui ont eu le mérite de regonfler et mobiliser la base la plus solide et conservatrice de l’électorat républicain. Dans ces conditions, le parti de Barack Obama semble capable de gommer les 23 sièges de différence à la chambre des représentants. Cependant, au Sénat avec 26 sièges à gagner dont 24 remis en jeu (contre 11 à défendre mais 8 seulement à conserver pour les républicains) la tâche s’annonce très ardue et sera certainement déterminée par la participation du jour.

Les artistes se mobilisent pour les inscriptions sur les listes électorales: Taylor Swift vs Kanye West
La participation, parlons-en. L’une des excuses des démocrates pour la défaite d’Hillary Clinton à la présidentielle était le manque de moyen pour se déplacer le jour du vote. Cette fois-ci, plusieurs artistes ont donné de la voix pour appeler les américains à se mobiliser. Phénomène très ordinaire pour l’élection présidentielle, cette incitation au vote l’est moins pour des midterms. Ainsi, Taylor Swift a ouvertement demandé à ses “followers” d’aller voter, et pour le camp démocrate si possible. Kanye West a lui préféré s’offrir un mono-dialogue incroyable avec Donald Trump. Quoi qu’il en soit, les résultats sont là, avec plus de 170’000 nouveaux inscrits (en 4 jours) suite aux posts de Taylor Swift, beaucoup en comparaison des 70’000 sur tout le mois d’août. Ses fans étant plutôt jeunes et ayant tendance à être contre Donald Trump, cela laisse présager une course serrée le 6 novembre prochain. Reste encore à voir la mobilisation des 45-75 ans qui semblent dans leur majorité pencher très légèrement en faveur du parti du président pour le vote au Sénat.
La bataille du Texas et les county de Californie
Comme mentionné plus haut, la voie des démocrates pour récupérer la majorité aux deux chambres passe par des succès voire des exploits dans quelques états stratégiques. Ainsi, qui aurait cru voici encore deux ans que le Texas, terre républicaine, patrie de la famille Bush et base solide pour Donald Trump pourrait vaciller en mains démocrates? Le sénateur Ted Cruz tente en tous les cas de sauver sa tête face au challenger Beto O’Rourke. Le président en personne a appuyé la candidature de Cruz après l’avoir pourtant personnellement attaqué à maintes reprises lors de la présidentielle. Preuve que l’heure est à la vigilance du côté d’Austin.
Du côté de la chambre des représentants, l’attention se porte vers la Californie avec plusieurs comtés ( county en anglais) à tendance républicaine qui vont très certainement passer chez les démocrates. L’un des meilleurs exemples est celui d’Orange County, une région riche et privilégiée située entre Los Angeles et San Diego (voir aussi l’article sur la ville d’Irvine).
Cette enclave républicaine au pays des démocrates semble lassée par son représentant de la ligne pro-Trump et tout porte à croire que le modéré Harley Rouda remportera la partie. Un professeur de l’Université de Califonria se réclamant des républicains confiait d’ailleurs: ” Je suis républicain, mais rien ne m’oblige cette fois-ci à voter pour eux. Cette ligne n’est pas celle historiquement défendue ici. Je voterai pour l’autre candidat”. En d’autres termes, il votera démocrate. D’autres sons de cloches auprès de femmes blanches de la communauté de Newport Beach laissent penser que le candidat démocrate est plus proche des vraies valeurs républicaines notamment sur l’économie et le libéralisme. Elles aussi miseront sur lui pour sortir de la ligne trumpiste. Ces cas isolés mais assez nombreux pour pouvoir faire pencher la balance feront-ils le jeu des démocrates ? On ne demande qu’à voir.
La baie de Newport Beach (Orange County, California)

 

Trump se posera en vainqueur

En conclusion et en attendant la décision des Américains, l’ampleur de la participation devrait être le juge de paix. Les derniers midterms de 2014 avaient vu 36% de participation (dans la moyenne basse) contre près de 60% pour la présidentielle de 2016. Nous devrions pour 2018 être très certainement au-dessus de 45% soit une vraie prouesse pour des élections de mi-mandats américaines. Une autre donnée cruciale sera la réaction des démocrates en cas de victoire. Iront-ils jusqu’à tenter de voter l’impeachment contre Donald Trump ou attendront-ils l’heure de la présidentielle comme Joe Biden, l’ancien vice-président de Barack Obama, le conseille. Tout dépendra de la marge de manœuvre et des rapports de force des futurs candidats à la primaire. Si l’aile gauche emmenée par Bernie Sanders et Elizabeth Warren sort renforcée, l’impeachment est probable. Si, par contre, les modérés comme le Texan O’Rourke et la jeune Californienne Kamala Harris à qui l’on prédit un grand destin prennent le pouvoir, ils devraient normalement laisser le président terminer son mandat pour mieux attaquer ensuite

Une seule chose paraît toutefois certaine. Donald Trump maniera la victoire ou la défaite avec opportunisme comme il sait le faire. Si les républicains gardent leur majorité, il  aura la voie libre et se posera en grand vainqueur et sauveur de la nation. Il n’aura ainsi plus qu’à lancer sa campagne pour 2020 assortie d’un “keep America Great again”. Si les démocrates gagnent à une courte majorité, il se présentera en grand rassembleur et “roi du deal” comme il se vend si bien. Et non content de pouvoir nommer de nouveaux juges conservateurs à la cour suprême, il utilisera cet argument et ses promesses électorales tenues lors de la première partie de son mandat pour se tourner vers 2020.