Covid-19 : Le dangereux jeu de Donald Trump

Après avoir longtemps sous-estimé, voire négligé l’importance du Coronavirus Covid-19, Donald Trump semble enfin prendre conscience du vrai danger en ce début avril. Toutefois, plusieurs répercussions de sa tardive réaction risquent d’entraver ses prochaines actions. Tour d’horizon sur ces différentes menaces.

Gouverner n’est pas jouer. Et encore moins en ces temps sensibles. Alors que la manière dont Donald Trump a dirigé les Etats-Unis jusqu’ici a plus ressemblé à une partie de poker (parfois gagnante) qu’à une stratégie, il est aujourd’hui l’heure qu’il se comporte en “commander in chief” que tout un pays attend. Fini les calculs politiciens, le business ou la stratégie de campagne. La situation est grave, avec au soir du 2 avril plus de 250’000 personnes infectées et près de 5’900 morts sur le territoire américain. Et ce n’est malheureusement qu’un début, le pays tout entier ayant réagi bien trop tard.

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Des actions et prise de conscience bien tardives
Si l’on peut reprocher à la Chine d’avoir caché le véritable visage du Covid-19, on ne peut pas s’empêcher de penser que les Etats-Unis auraient dû et pu se préparer de meilleure manière à la future vague de contagion. En voyant ce qui se passait en Italie, puis ailleurs en Europe, l’administration américaine se devait de prendre les devants. Et de protéger sa population. Il a toutefois fallu attendre que plusieurs états (dont Washington à l’ouest et New York à l’est) soient gravement atteints pour que le président réagisse. Les Américains ne sont eux pas non plus exempts de tout reproche. La population a également mis trop longtemps à se rendre compte du danger et à pratiquer le social distancing. Le prouvent, les images de la fin mars, avec un nombre incroyable de personnes se pressant sur les plages de Californie (Orange County) ou de Floride (plusieurs comtés n’ont fermé que des parkings). Des habitants mal informés et des gouverneurs hésitants, de quoi rendre la situation encore plus complexe pour la suite. Trump avait pourtant (peut-être à raison) fermé dès le 12 mars ses frontières avec l’Europe pour protéger le pays et ses concitoyens.

 

Clivages et affrontements
Si Donald Trump n’est pas le seul responsable, il a toutefois totalement manqué son diagnostic présidentiel. Qualifiant cette pandémie de “petite grippe” fin février, (comme le président brésilien Jair Bolsonaro ou le conseiller d’état vaudois Philippe Leuba d’ailleurs), il a indirectement fait diminuer le respect qu’avait les gens face à ce virus. Voici dix jours, il s’amusait encore en conférence de presse. Blaguant sur une poussée de fièvre d’une de ses conseillères ou se vantant de ne pas avoir été dans un premier temps testé au virus.

D’autres ont clairement mieux affronté la situation et pris les devants. On pense au gouverneur de l’Etat de New York Andrew Cuomo qui a combattu et agi avec vigilance dès le début, ou à celui de Californie Gavin Newsom qui a été un des premiers à déclarer le confinement (ce qui n’empêchera pas certains de se pavaner sur la page). Problème : ces deux gouverneurs sont démocrates. Vous l’aurez compris, le coronavirus ne soigne malheureusement pas toutes les divisions. Les uns reprochant aux autres de n’aider que les états républicains, les autres renvoyant leur manque de préparation à l’impeachment démocrate. Une telle tension est d’ailleurs aussi palpable entre ruraux et urbains ou entre gouverneurs avec les républicains (Texas, Floride) opposés aux démocrates (Californie, New York). Au-delà de savoir qui a raison, le manque de collaboration pourrait être désastreux. L’Europe, pourtant souvent divisée a su montrer une meilleure solidarité.

Les premiers confinement en Californie (orange County, @KTLA)

La santé américaine fébrile
De la solidarité, le Américains risquent d’en avoir besoin. Dans un pays, où plus de 27.5 millions d’habitants n’ont pas d’assurance maladie (voir le très juste article du Temps), nombre sont ceux qui se demandent comment ils pourront payer leurs frais d’hospitalisation. Pire, en guerre ouverte contre l’Obamacare, Donald Trump feint et menace de se servir de cette crise afin de prouver que la loi promulguée par l’ancien président démocrate pourrait être un gouffre pour le système américain. Pourtant, certains de ses concitoyens risquent de devoir renoncer à se faire soigner et diagnostiquer à temps, en raison de l’énormité des coûts et du peu de ressources financières à disposition. Certaines associations caritatives existent bien, mais elles seront trop peu nombreuses pour couvrir tous les besoins.

Soins intensifs à New York (Photo Le Temps, Keystone)

Cependant, un autre mal ronge la population des Etats-Unis. Celui de la différence de qualité des soins et de l’iniquité des services. Selon que vous résidiez dans un comté riche californien (comme l’Orange County) ou dans le Bronx new-yorkais, les hôpitaux et le nombre de ventilateurs seront très disparates. Rajoutez une santé  générale des Américains assez moyenne et bien plus mauvaise que celle des Suisses, et vous comprendrez le défi. En effet, un nombre alarmant d’habitats du pays de George Washington souffre de diverses maladies chroniques comme le diabète, l’hypertension ou l’obésité. Soit, près de 40% de la population selon certains chiffres officiels. Additionnez ceci au service de santé inégal et vous comprendrez la fébrilité du système et du danger guettant.

Les catastrophes économiques et naturelles menacent
Enfin, n’oublions pas les conséquences économiques qui pourraient affaiblir la première puissance mondiale. Près de 7 millions de travailleurs se sont déjà inscrits au chômage et un des pires scénarios prévoirait plus de 30 millions, c’est à dire environ 20% de la population active. Les signes ne trompent pas: certaines PME fabriquent des masques en tissus pour survivre malgré le confinement, et l’administration américaine a honteusement racheté à la Chine des masques en partance pour l’Europe.

Au delà de l’humain, il faut parfois savoir écouter la nature. Et les Etats-Unis ne sont malheureusement pas à l’abri d’une catastrophe naturelle. Ouragans et tornades sont légions entre mai et août dans le centre et l’est du pays. Sans oublier les feux de forêt et les tremblements de terre en Californie. Quid alors d’un pays touché tant économiquement que physiquement ? Le jeu économique en vaut-il vraiment la chandelle ? Ou ne vaudrait-il pas mieux entendre cet avertissement sanitaire pour mieux repartir ?

Donald Trump n’aura peut-être pas le choix. Et le pays sera-t-il d’ailleurs encore la plus grande puissance après cette probable crise qui s’annonce ? La Chine pourrait bien profiter de son avance sur la maladie pour dicter le ton de la relance économique. Presque un comble devrait-on dire. Car au-delà de l’origine de la maladie que surnomment certains républicains “The Chinese virus”, l’Empire du Milieu devra un jour rendre des comptes. Comment le virus s’est-il véritablement développé à l’origine, et à quel rythme ? L’interdiction mondiale des marché sauvages va-t-elle enfin être respectée ?

Alors, oui Donald Trump sera en partie jugé par le Covid-19 comme le rappelle Le Temps dans son éditorial du 12 mars. Mais il aura beau jeu de dénoncer ses meilleurs ennemis : la Chine, Obama et les démocrates.
Car rappelons-le, aux Etats-Unis, pas besoin d’avoir la majorité de la population à ses côtés pour être élu. Le nombre le plus élevé de grands électeurs (du collège électoral) suffit, demandez à Hillary Clinton. Espérons tous que d’ici là, tous les Américains et surtout toutes les populations mondiales seront guéries. Le choix du président nous paraîtra alors peut-être un peu plus secondaire.