Le confinement : un temps pour s’aimer.

Confinement.

Selon nos situations, points de vue et contextes de vie, ce mot éveille différentes réactions et provoque différentes réalités. Exagéré. Insuffisant. Isolement. Ennui. Télétravail. Privation de liberté. Solitude. Maladie pour beaucoup, hélas.

Situation inédite à laquelle nous ne sommes pas habitués et à laquelle nous n’avons pas pu nous préparer, qui interrompt brutalement nos activités et bouscule nos habitudes.

Jeunes ou vieux, à risque ou non, tous nous sommes soumis à la même contrainte : éviter tout contact avec les autres, non pas par rejet ou par égoïsme mais justement pour les protéger ; pour ne pas être les « connards à virus » du coronavirus. Trois exceptions à cette obligation : aller travailler pour ceux qui le doivent encore ; aller faire ses propres courses ; rendre service.

Rendre service. Aujourd’hui, en dehors de nos besoins impératifs, il n’y a plus que l’autre qui compte. L’autre qu’il ne faut pas contaminer ; l’autre qui a besoin de notre aide pour ses courses ou promener son chien, qui a besoin de notre sang ; l’autre qu’il faut soigner. Il y a désormais plus important que « soi » qui s’impose. Il y a « nous ».

Face à cette pandémie mondiale, la hiérarchie des besoins se redéfinit. Annulés les congrès politiques et les votations à venir. Fermés les commerces non essentiels à la survie. Interdits les déplacements inutiles. Nous entrons à nouveau en possession d’une denrée rare qu’on ne sait plus très bien manipuler : le temps. Voilà ce qu’impose à nombreux d’entre nous cette pandémie.

Alors on se remet à penser à ces amis qu’on n’a plus vus depuis longtemps, on prend de leurs nouvelles. On se retrouve avec ses enfants et son conjoint la journée faite, mais sans pouvoir organiser de multiples activités distrayantes : ne reste que la relation. On s’inquiète d’une fièvre naissante chez le voisin et on fait ses courses pour lui éviter d’avoir à sortir. On apprend à renoncer à nos désirs et projets individuels pour une nécessité supérieure et commune. On lit « le Temps » plutôt que le « 20 minutes » 😉 . Les traits d’humour et jeux de mots se multiplient sur les réseaux sociaux. On réalise qu’il fait beau et combien le quartier est vivant quand les enfants y sont.

Et si finalement, loin de nous isoler, le confinement nous rapprochait les uns des autres ? Si la mise au second plan de notre économie face à une urgence sanitaire nous permettait de nous recentrer sur ce qui est finalement l’essentiel de notre vie et la seule chose qui nous construise vraiment : notre famille, nos amis, l’humain.

Puissions-nous tous sortir de cette pandémie avec des besoins redéfinis et des priorités mieux hiérarchisées, des relations mieux travaillées et des placards triés, avec un baby-boom prochain révélateur de cette période de rapprochement, avec un souci des autres et du vivre-ensemble amélioré. L’humanité est assez géniale pour sortir grandie de cette épreuve commune.

Libre circulation. Entre chiffres et population : un rééquilibrage nécessaire.

 

« In varietate concordia ». Unie dans la diversité. Telle est la devise de l’Union européenne, fortement révélatrice de l’ambition sociale et pacifique qui l’a engendrée. Née du désir de paix qui a saisi notre continent au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, elle prend sa source dans le cri de l’Europe endeuillée de 1945 : “Plus jamais ça !”.

Force est de constater, plus de septante ans après le traité de Bruxelles, que ce rêve d’une Europe unie et fédérée s’est effrité et commence, à l’heure du Brexit, à se conjuguer à l’imparfait. On ne crée pas une identité commune sans une histoire commune. Et si Paul Valéry, ardent militant de l’unité continentale, a pu dire qu’il serait « indigne de l’esprit européen de s’abandonner, même à la réalité », la réalité rattrape le rêve hélas et si l’on refuse d’accepter les faits, ils finissent toujours par s’imposer à nous.

« Le poétique a fondu » écrit Régis Debray dans L’Europe fantôme, « mettant l’économique à nu. Classique revanche du moyen sur la fin, et du denier du culte sur la finalité du culte. Délestée de son aura, celle des fins dernières, l’Europe réduite à ses astreintes budgétaires ne fait plus soupirer mais grincer. Les chiffres ont pris les commandes, le Livre des comptes devient le Livre Saint, et l’expert-comptable, un haut dignitaire. »

Les premiers débats relatifs à l’initiative de limitation laissent clairement apparaître ce que M. Debray pointe si justement du doigt : les chiffres ont pris les commandes. Economie, prospérité, importation, échanges commerciaux sont les maîtres-mots des opposants à l’initiative. En face les initiants tentent de recentrer le débat sur l’humain : affaiblissement du pouvoir d’achat, paupérisation, difficultés d’accès au marché du travail, pollution, bétonnage, loyers exorbitants, surcharge du trafic…

Certes l’économie et la population sont des vases communicants qui s’alimentent l’un l’autre mais la finalité ultime de l’économie doit incontestablement rester l’humain. Si l’humain sert l’économie, ce ne doit être que pour qu’elle lui profite en retour, non seulement à lui en tant qu’individu mais également à tout le système sociétal dont il fait partie. L’inverse ne doit pas être vrai. Pas dans un monde éthique.

Or l’homme est passé au second plan du projet européen. Libre circulation des personnes, des biens et des capitaux, réclame-t-on, rangeant les personnes au niveau des produits et des éléments constitutifs de l’économie plutôt que du côté de sa finalité.

 

L’Europe n’est pas humaine

La gauche a pu rêver un temps d’une Europe sociale où l’individu serait mieux traité et mieux favorisé qu’en Suisse, d’une globalisation qui avantagerait chaque individu, surtout le plus faible. Elle y a rêvé tellement fort qu’elle peine à rouvrir les yeux. « Résilier la libre circulation reviendrait à fragiliser les mesures d’accompagnement » crie-t-elle les yeux fermés, pendant que les attaques les plus virulentes contre ces mesures d’accompagnement nous viennent de l’UE elle-même. En 2007 déjà la Cour de justice de l’Union européenne les a déclarées partiellement illicites, et Bruxelles tente désormais d’imposer à la Suisse un accord-cadre qui nous force à renoncer à ces mesures de protection des conditions de travail au nom du marché unique. Prétendre qu’il faut maintenir la libre circulation pour sauver les mesures d’accompagnement, c’est accorder à l’Union européenne une confiance qui confine à la naïveté. N’en déplaise aux eurotopistes.

L’Europe n’est pas sociale. L’Europe n’est pas humaine. Elle n’est qu’économique. Et la population suisse n’a pas profité de la libre circulation.

Si le PIB suisse de ces vingt dernières années montre les signes d’une santé qui se maintient, le PIB par habitant marque une inquiétante rupture entre la prospérité économique de notre pays et ses répercutions sur ses habitants. Jamais, de 1949 à 2001, nous n’avions connu de baisse du PIB par habitant ; au contraire, notre pays a fièrement affiché des augmentations de 6 à 8 %, voire même de 10 à 12%. Tout a changé depuis 2002 : 18 ans de libre circulation nous ont imposé quatre années de PIB par habitant négatif et cinq années d’évolution inférieure à 1%. Pendant ce temps le taux de chômage des plus de 55 ans a plus que doublé, les loyers ont augmenté de plus de 33% dans les régions frontalières, le chômage a explosé dans les domaines du tourisme, de la construction et de la vente. Derrière ces chiffres, plus de pauvreté, plus de souffrance, plus d’inquiétude, moins de qualité de vie.

 

Et après le 17 mai ?

Résilier la libre circulation ne nous empêchera pas de faire venir la main d’œuvre qui nous est nécessaire. La Suisse a toujours su le faire, et elle le fait encore aujourd’hui avec les ressortissants de pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne. Cela permettra au contraire de limiter l’importation de cette main d’œuvre aux domaines souffrant pénurie, tout en supprimant une discrimination qui n’a pas lieu d’être et qui force aujourd’hui les entreprises suisses à pratiquer une préférence européenne à l’embauche. Résilier la libre circulation n’est pas se replier sur soi, c’est au contraire regarder au-delà de l’Europe et ouvrir notre économie au reste du monde.

Les syndicalistes intègres, soucieux du bien-être de la population qu’ils ne veulent pas subordonner aux besoins de l’économie, doivent soutenir cette initiative.

Les écologistes cohérents, qui ont vraiment à cœur de ne pas voir notre pays bétonné de partout et nos autoroutes doublées, doivent soutenir cette initiative.

Les économistes ambitieux mais éthiques, capables de lever les yeux non seulement sur l’Europe mais aussi au-delà, et conscients de la richesse de main d’œuvre compétente que nous réservent les Etats-Unis ou la Chine, doivent soutenir cette initiative.

Les patriotes philanthropes, amoureux de leur propre souveraineté comme de celle de leurs concitoyens, doivent soutenir cette initiative.

L’inconfort politique qui résultera des nouvelles négociations à entreprendre avec l’Union européenne n’est rien à côté du bien-être de notre population et d’une possibilité retrouvée de replacer l’humain au centre de tout projet politique.