Une cuillière en or dans la bouche…

Chaque année, l’Institut national de recherche sur les politiques alimentaires à Washington calcule un Global Hunger Index (GHI) ou indice de la faim dans le monde, s’appuyant sur les taux de sous-alimentation, de sous-alimentation et de mortalité infantiles mondiaux. Le taux de 2019 est de 20.0, ce qui indique que le niveau mondial de faim et de dénutrition se situe à la limite des catégories « grave » (de 10 à 20) et « alarmant » (20 à 30). Plus de deux milliards de personnes souffrent de malnutrition. La prévalence de l’insécurité alimentaire grave ou modérée est, quand à elle, de plus de 34% contre moins de 31% en 2017. Autrement dit, la situation alimentaire de notre planète est loin d’être rassurante et nos productions sont de plus en plus insuffisantes pour nourrir l’entier de la population mondiale.

Face à ces constats, le bon sens voudrait à la fois que l’on gaspille moins les aliments produits et que l’on travaille à en produire davantage, afin de parvenir dans quelques années à couvrir les besoins alimentaires de tous les habitants de notre planète. Ceci devrait être la préoccupation de quiconque cesse de ne considérer que soi-même pour jeter un regard solidaire sur l’ensemble des habitants de notre planète.

C’est probablement trop en demander aux Verts suisses.

Non contents d’habiter un pays où la nourriture de qualité ne manque pas, ceux-ci proposent au travers de leurs deux initiatives « Pour une eau potable propre » et « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » de réduire massivement notre production locale sous prétexte qu’elle ne serait pas assez bonne pour nous. La Suisse ne produit déjà que 60% de ce dont elle a besoin pour se nourrir et ces deux initiatives nous rendraient encore davantage dépendants de nos importations. Les paysans, aux premières loges sur cette question, estiment que l’initiative sur l’eau potable provoquera une diminution d’au moins 30% des denrées alimentaires suisses. Quand à l’initiative sur les pesticides de synthèse, elle engendrerait un gaspillage alimentaire massif en empêchant l’utilisation de produits visant à protéger nos cultures contre les maladies, les ravageurs et les adventices. Nos coûts de production étant élevés, la conséquence directe en sera l’importation massive de produits biologiques.

La production agricole suisse est déjà protégée par de nombreux règlements visant à en surveiller la qualité. Les produits phytosanitaires sont utilisés en dernier recours et de manière ciblée et la recherche fait constamment avancer l’agriculture vers un mode de fonctionnement toujours plus durable et respectueux de nos sols et de nos consommateurs. Notre situation alimentaire est très enviable et il est plus que déplacé en regard de la situation mondiale d’oser sous-entendre que notre eau potable ne serait pas assez propre ou que notre alimentation serait dangereuse.

L’heure n’est pas aujourd’hui à cet individualisme exacerbé qui voudrait que l’on gaspille notre production en vue d’accéder à une nourriture de qualité encore supérieure. L’heure est aujourd’hui à l’accroissement de la sécurité alimentaire mondiale et cela passe par un accroissement de chaque sécurité alimentaire nationale. Le 14 mars 2017, 78,7% du peuple suisse acceptait l’arrêté fédéral sur la sécurité alimentaire qui prônait « une utilisation des denrées alimentaires qui préserve les ressources » (Article 104a de la Constitution fédérale). Les deux initiatives vertes sur lesquelles nous sommes appelés à nous prononcer vont clairement à l’encontre de cette récente volonté populaire et il convient de ne pas se laisser aveugler par ces promesses d’un « encore mieux pour nous » quand la situation alimentaire planétaire est aussi grave. La seule réponse solidaire à ces propositions individualistes est un NON clair aux initiatives « Pour une eau propre » et « Pour une Suisse libre de pesticides de synthèse » le 13 juin prochain.

Lucie Rochat

Lucie Rochat est actuellement présidente des femmes UDC romandes. Titulaire d'un master ès lettres de l'UNIL, enseignante au secondaire II, elle entreprend un 2ème master auprès d'Unidistance en psychologie avec mineure en économie politique. Ce parcours lui permet à la fois de manier la plume avec élégance et de mener en parallèle des réflexions mêlant et opposant sociologie et économie.

6 réponses à “Une cuillière en or dans la bouche…

  1. Vous avez parfaitement raison. Mieux vaut produire plus maintenant et continuer notre gaspillage alimentaire, en rendant stérile nos sols à un horizon déjà mesurable. C’est un beau programme.

    1. Quelque chose me dit que pour oser ce commentaire désinvolte face au problème alimentaire mondial, vous ne faites très probablement pas partie des deux milliards de personnes souffrant de malnutrition… Mais corrigez-moi si je me trompe.
      Si vous lisez correctement ce que j’ai écrit, vous verrez que je parle du gaspillage alimentaire. Devoir jeter 50% de la production parce que l’usage de produits phytosanitaires à valeur médicamenteuse est interdite, c’est probablement le plus gros gaspillage alimentaire programmé et soutenu par une initiative. Ce qui relève du scandale au vu de l’insécurité alimentaire mondiale actuelle.

      1. Bien sûr que non vous ne vous trompez pas, et nous sommes tous deux dans ce cas. Par contre, mon avis est que la poursuite des chimères chimiques pour des gains de production alimentaire à court terme n’est pas tenable sur la durée, et participe du mode de pensée qui exclu les limites physique de notre monde. En tant que scientifique (sciences exactes) j’ai l’habitude de considérer un problème dans sa globalité et sa temporalité, sans que quiconque ne me dicte mon opinion, et en tout cas pas un parti politique. Les baisses de rendement par le passage à une agriculture avec moins d’intrants chimiques que vous indiquez dans votre texte sont provisoires, alors que la disparition de la biodiversité et l’épuisement des sols, eux sont permanent et en croissance.
        J’ai voté en faveur de l’arrêté du 14 mars 2017 précisément pour préserver les ressources de notre pays, pas les ressources financières de l’agro-chimie.

        1. Vous le dites vous-mêmes: “une agriculture avec moins d’intrants chimiques”. Ce sur quoi je serais d’accord avec vous et sur vers quoi nous nous rendons déjà depuis des années.
          Ici, il s’agit d’agriculture avec plus d’intrants chimiques du tout, avec baisse drastique de notre production nationale comme conséquence directe. Ces initiatives sont extrêmes et n’abordent pas le problème dans sa globalité. L’extrémisme des Verts les fera chuter aussi vite qu’il les a fait grimper, c’est au moins le bon côté de ces masques qui tombent et qui montrent qu’ils n’ont en réalité aucune solution réelle et de long terme à aborder aux problèmes qu’ils ne savent que pointer du tout.
          Votre commentaire ne parle donc tout simplement pas du sujet, puisqu’il ne s’agit pas de “moins” utiliser de produits phytosanitaires.
          Quand à se faire dicter son opinion par un parti politique, je ne vois pas pourquoi vous dites cela, il n’en est tout simplement pas question ici. De plus, être scientifique dans une seule branche ne fait de personne un sage avec vision globale et éternelle; je pense que personne sur terre ne peut prétendre cela. Nos opinions sont toujours dictées par un vécu, un passé, des opinions, et les limites de nos connaissances. Qui sont toutes limitées.

  2. C’est un peu comme si vous disiez que pour lutter contre la pauvreté, il faut que la banque centrale augmente la masse monétaire et imprime plus de billets de banque: ça ne marcherait pas. La pauvreté est structurelle et provient de la société inégalitaire et libérale. Les banques privées qui recevraient cette argent ne le donneraient pas aux pauvres, mais spéculeraient avec sur les marchés financiers.

    L’insécurité alimentaire mondiale, c’est pareil: la planète peut produire bien assez d’aliment pour nourrir tout le monde. Mais c’est structurellement que c’est mal foutu: les dirigeants des pays pauvres, corruption aidant, réservent une grande partie de leurs terres pour des cultures d’exportation au lieu des cultures vivrières.

    J’ajoute que sécurité alimentaire ne veut pas seulement dire alimentation en abondance, mais aussi alimentation de qualité et donc, non-toxique.

    1. Votre comparaison est tronquée. Le fait est, et c’est un fait démontré, que notre planète, si elle a effectivement les capacités de produire suffisamment pour nous nourrir tous, ne le fait pas. Il n’y a aujourd’hui tout simplement pas assez de production, ce n’est pas simplement un problème structurel de répartition.

      Notre alimentation est déjà une alimentation de qualité, déjà surveillée. Entre ne pas manger et manger des aliments sains mais non bio, le choix de ceux qui ont faim serait vite fait je pense. Les initiatives des Verts sont des initiatives de bourgeois nantis qui ne voient qu’eux-mêmes et souhaitent encore plus et mieux pour eux-mêmes.

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