La taxe de 1% sur l’innovation continuera d’être payée par les PME. Comment corriger l’erreur ?

La suppression du droit de timbre sur l’émission de capital propre vient d’être refusée par le peuple qui n’a pas été informé que trois quarts de cette taxe continuera d’être payés par les PME et des start-ups. Il faut corriger cette absurdité sans tarder.

 

Une victoire de la gauche basée sur le mépris des PME et des start-ups qui investissent dans l’innovation et leur croissance

Le projet d’abolition du droit de timbre concerne uniquement les compagnies augmentant leurs fonds propres a été combattu avec succès par la gauche et des syndicats. Ils viennent de gagner avec un clair non à plus de 60%. Les arguments fourbis par les référendaires ont été de deux ordres : « une fragilisation des services publiques » et une « arnaque du droit de timbre ».

L’argument de l’impact négatif sur le financement de l’Etat par la suppression de l’imposition des augmentations de capital propre a mis en avant par la gauche. Une perte de 250 millions pour un 0.3% du budget fédéral a été clairement énoncée et sans tromperie.

Au contraire, l’argument de la soi-disant « arnaque du droit de timbre » a été habilement mise en scène dans un contexte de « plan à plus long terme consiste à exonérer totalement le capital et à taxer uniquement le travail et la consommation » (SPS_Stempelsteuer_Factsheet_FR.pdf). Cet argument est évidement contestable car chaque changement d’imposition a de fortes chances de passer aux urnes.

Les référendaires ont simplement ignoré les PME et les start-ups qui ont besoin de capital afin d’investir dans l’innovation et leur croissance. Ils ont concentré leur argumentation sur les « grands groupes » en n’évoquant qu’à peine les starts-ups et nullement l’innovation. Où est le problème ?

 

Méprise des votants sur l’identité des compagnies payant le droit de timbre lors d’augmentation de capital propre

Les faits sur cette forme de droit de timbre sont têtus :
une majorité des augmentations de capital en Suisse dépasse 1 million et est de fait soumise à cette taxe (l’exonération n’a lieu que pour le premier million et sous certaines conditions lors d’assainissements)
90% des investissements taxés sont le fait de PME qui sont des entreprises de moins de 250 employés
– environ trois quarts du produit de cette proviennent même de PME (selon une analyse détaillée publiée dans mon blog le 6 février 2022)
– aucune augmentation de capital par une multinationale suisse n’a pu être trouvée par les référendaires qui ont utilisé le terme de « grands groupes » ou de « grands groupes d’entreprises » qui n’est en rien défini dans le droit fiscal fédéral
– le produit de cette taxe n’est pas attribué pour promouvoir l’innovation mais le produit entre simplement dans le budget général de l’Etat fédéral

Le problème est donc que le référendum a donc été lancé et gagné pour résoudre une soi-disant arnaque qui n’existe pas : un cadeau fiscal à des multinationales !

Pour enlever tout doute aux lectrices et lecteurs, cette méprise sur le dos des PME et des start-ups continue d’être soutenue becs et ongles par la gauche : au résultat du refus de la réforme de la taxation à 1% sur l’émission de capital propre, « l’investissement dans les services publiques a été préféré ..à des cadeaux à quelques entreprises et à des multinationales » déclarait Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale écologiste (émission spéciale info, RTS la première, 13/02/2022). Quant aux représentants romands PS, ils se réjouissent cette victoire « cela va être une super occasion pour rebondir et décoller » (interview de Samuel Bendahan, vice-président du PS; RTS1, 19h30, 13/02/2022).

 

Comment à la fois respecter le verdict populaire et corriger cette taxe absurde de 1% sur l’innovation qui n’existe quasiment plus qu’en Suisse ?

Le rejet de la réforme partielle du droit de timbre est clair avec 63% de non et un seul canton acceptant la réforme. La taxe de 1% sur les augmentations de capital propre va donc rester. Toutefois, le problème est que les PME et les start-ups vont continuer d’en payer les trois quarts. PME et start-ups que la gauche et les syndicats affirment ne pas vouloir viser et au contraire vouloir soutenir.

Le problème de ce droit de timbre est significatif pour les PME et start-up suisses qui vont continuer à perdre 1% de leurs investissements dans l’innovation et leur croissance, à agir dans un contexte difficile avec l’Union Européenne et à vivre dans un écosystème plus compétitif avec des multinationales suisses qui seront bientôt soumises au taux de taxation des bénéfices à 15% selon les règles de l’OCDE.

Il y a un chemin clair et possible pour résoudre le problème de cette taxe du droit de timbre touchant plus de 90% des PME innovantes et concernant peu les grandes entreprises et très rarement les multinationales. Il faut augmenter le niveau d’exonération de la levée de fonds propres pour permettre aux PME de pouvoir mener à bout des projets d’innovation tout en ne créant pas de mailles fiscales pour les entreprises multinationales.

 

A quel niveau devrait l’exonération de la levée de fonds propres ?

Avoir en tête le type d’innovation et d’exportation qui a lieu en Suisse permet de fournir une première estimation. Les secteurs les plus exportateurs suisses comprennent les industries pharmaceutiques, chimiques et horlogères. Dans ces secteurs, il faut souvent investir au minimum 100 millions de francs avant de pouvoir être bénéficiaire. Parfois bien plus. Les augmentations de capital des start-ups suisses en 2019, 2020 et 2021 permettent de valider cette limite avec les plus grands tours d’investissement dépassant 100 millions*. Une exonération à 100 million d’augmentation de capital permettrait d’épargner les PME et start-ups comme finalement le désire l’Economie et le prétend la Gauche.

Pour autant, il ne faut pas créer de trous dans la maille fiscale et pour cela les entreprises matures générant des revenus importants et les compagnies internationales doivent continuer d’être soumises au droit de timbre sur l’émission de fonds propres. Dans un effort de lisibilité, une limite de 100 millions de revenues dans l’année précédente ferait que le droit de timbre serait toujours appliqué.

 

Cette double limite de 100 millions pourrait être acceptable et mérite un examen rapide lors des débats sur la future révision de fiscalité en ligne avec l’OCDE

Une telle révision du droit timbre sur les augmentations de capital aboutirait à une importante réduction des revenus de cette taxe. Parmi les 250 millions, peut-être 75 millions seraient toujours perçus. Cette perte de 175 millions soit 0.2% du budget fédérale serait absolument supportable à la vue de l’augmentation de la taxation des bénéfices des « grands groupes » et des revenus futurs liés aux investissements dans l’innovation par les PME.

 

Cette correction de la taxe de 1% sur l’innovation serait en conformité avec le verdict populaire, devrait rassurer les partis de gauche et les syndicats et ne pas provoquer d’opposition chez les associations économiques qui affirment –avec raison- que les «grands groupes » ne lèvent que très rarement du capital. Cette discussion doit avoir lieu en même temps que la révision du droit fiscal des entreprise qui doit et va être entrepris afin d’appliquer une taxation à 15% des grands groupes en accord avec l’OCDE.

*Les PME et start-ups qui effectuent de « mega-round » ont toutes effectué de précédentes levées de capital et donc les augmentations cumulatives de capital dépassent largement 100 millions. Ce sujet est évoqué dans mon post du 6 février sur le même sujet.

L’initiative dite 99% est un poison contre l’innovation

Le 26 septembre nous voterons aussi sur l’initiative lancée par la Jeunesse socialiste, visant à taxer à 150% les revenus du capital en dessus d’un seuil à définir. Cette initiative est un poison contre les entrepreneurs et les entrepreneuses, les propriétaires des PME et les créateurs de start-up. Il faut résolument rejeter cette initiative injustifiée et dangereuse pour la prospérité commune et pour l’innovation dont celles en sciences de la vie, ce qui me motive à écrire cette rubrique.

Les promoteurs de cette initiative mentionnent les inégalités croissantes, la réduction des taxes avec des cadeaux aux riches ces dernières années et le besoin de financement du secteur publique face au COVID-19, l’urgence d’agir contre les changements climatiques et les inégalités contre les femmes. Un simple regard sur les très sérieuses statistiques de l’OCDE sur la Suisse balaient les arguments économiques :
– l’inégalité en Suisse est stable depuis 10 ans (score 0.298 et 0.299 ; 0 = égalité totale, 1 = inégalité totale) et son score est situé entre celui de l’Allemagne (0.289) et la France (0.301)
– les dépenses publiques en % du PIB restent stables depuis 10 ans entre 32% et 33%
– les taxes sur les entreprises en % du PIB tendent à augmenter depuis 10 ans de 2.7% à 33%
– les recettes fiscales en % du PIB augmentent légèrement depuis 10 ans de 26.7% à 28.5%
Quant à l’argument écologique et féministe, il est difficile de comprendre comment une taxation augmentée des 1% permettrait de lutter contre le réchauffement climatique ou réduirait les inégalités de revenus homme-femme.

Comme expliqué par plusieurs dirigeants de PME, cette initiative concerne bien les entreprises y compris les PME. Il faut y ajouter les start-ups de haute technologie qui seront pénalisées à plusieurs niveaux. Avant de détailler les difficultés qui seraient engendrées par l’acceptation de l’initiative dite 99%, il faut rappeler que les start-ups de haute technologie peuvent nécessiter d’importants besoins en capital avant d’éventuellement devenir profitables ou d’être acquises. Dans ces deux cas favorables de développement, le gain en capital arrivera typiquement pendant une seule période fiscale. La part aléatoire et typiquement rare de ces revenus est donc très différente de salaires réguliers ou de dividendes annuelles. Sans de possibles gains futurs, les start-ups ne bénéficieront pas des investissements nécessaires.

Au-delà des ultra-riches qu’aime à citer la Jeunesse socialiste, quelles sont les personnes qui seront affectées par cette initiative dite 99% ? Ce sont les femmes et les hommes qui font l’économie d’aujourd’hui et de demain:
– les investisseurs privés qui sont d’indispensables soutiens initiaux des start-ups et qui sont le plus actifs pour aider et guider les jeunes dirigeants
– les dirigeants des start-ups en cas de vente ou de transmission de leur entreprise
– les employés des start-ups qui auront acheté des actions ou des options de la start-up qu’ils aident à devenir un succès
– les investisseurs, les dirigeants et employés actionnaires de PME lors de vente et de transmission de leur entreprise

Cette initiative dite 99% n’a pas de justification économique spécifique et rate visiblement sa cible. Cela fait poser la question pourquoi la Jeunesse socialiste veut taxer à 150% le revenu du capital. Cela fleure bon l’idéologie de Max avec la dénonciation du capital et dénote aussi une profonde méconnaissance du monde des PME et des start-ups. Dans ces entreprises, la vision des travailleurs qui seraient simplement exploités alors que les dirigeants et les actionnaires profiteraient passivement du fruit du travail des premiers est une vision caricaturale de la lutte des classes. A voir les initiateurs et soutiens de cette initiative dite 99%, cette vision irréaliste se trouve chez des personnes bénéficiant de la sécurité des emplois fournis par l’Etat ou de grands syndicats, une stabilité multi-annuelle de revenus et une recherche de capital social plus que monétaire aboutissant à une optimisation fiscale naturelle.

Cette initiative dite 99% montre où mènent l’ignorance du monde des entreprises et le romantisme de la lutte sociale. Pour maintenir une Suisse que nous serons fiers de laisser aux générations futures, votons tous NON avec conviction à cette initiative 99% qui rate sa cible !