L’initiative dite 99% est un poison contre l’innovation

Le 26 septembre nous voterons aussi sur l’initiative lancée par la Jeunesse socialiste, visant à taxer à 150% les revenus du capital en dessus d’un seuil à définir. Cette initiative est un poison contre les entrepreneurs et les entrepreneuses, les propriétaires des PME et les créateurs de start-up. Il faut résolument rejeter cette initiative injustifiée et dangereuse pour la prospérité commune et pour l’innovation dont celles en sciences de la vie, ce qui me motive à écrire cette rubrique.

Les promoteurs de cette initiative mentionnent les inégalités croissantes, la réduction des taxes avec des cadeaux aux riches ces dernières années et le besoin de financement du secteur publique face au COVID-19, l’urgence d’agir contre les changements climatiques et les inégalités contre les femmes. Un simple regard sur les très sérieuses statistiques de l’OCDE sur la Suisse balaient les arguments économiques :
– l’inégalité en Suisse est stable depuis 10 ans (score 0.298 et 0.299 ; 0 = égalité totale, 1 = inégalité totale) et son score est situé entre celui de l’Allemagne (0.289) et la France (0.301)
– les dépenses publiques en % du PIB restent stables depuis 10 ans entre 32% et 33%
– les taxes sur les entreprises en % du PIB tendent à augmenter depuis 10 ans de 2.7% à 33%
– les recettes fiscales en % du PIB augmentent légèrement depuis 10 ans de 26.7% à 28.5%
Quant à l’argument écologique et féministe, il est difficile de comprendre comment une taxation augmentée des 1% permettrait de lutter contre le réchauffement climatique ou réduirait les inégalités de revenus homme-femme.

Comme expliqué par plusieurs dirigeants de PME, cette initiative concerne bien les entreprises y compris les PME. Il faut y ajouter les start-ups de haute technologie qui seront pénalisées à plusieurs niveaux. Avant de détailler les difficultés qui seraient engendrées par l’acceptation de l’initiative dite 99%, il faut rappeler que les start-ups de haute technologie peuvent nécessiter d’importants besoins en capital avant d’éventuellement devenir profitables ou d’être acquises. Dans ces deux cas favorables de développement, le gain en capital arrivera typiquement pendant une seule période fiscale. La part aléatoire et typiquement rare de ces revenus est donc très différente de salaires réguliers ou de dividendes annuelles. Sans de possibles gains futurs, les start-ups ne bénéficieront pas des investissements nécessaires.

Au-delà des ultra-riches qu’aime à citer la Jeunesse socialiste, quelles sont les personnes qui seront affectées par cette initiative dite 99% ? Ce sont les femmes et les hommes qui font l’économie d’aujourd’hui et de demain:
– les investisseurs privés qui sont d’indispensables soutiens initiaux des start-ups et qui sont le plus actifs pour aider et guider les jeunes dirigeants
– les dirigeants des start-ups en cas de vente ou de transmission de leur entreprise
– les employés des start-ups qui auront acheté des actions ou des options de la start-up qu’ils aident à devenir un succès
– les investisseurs, les dirigeants et employés actionnaires de PME lors de vente et de transmission de leur entreprise

Cette initiative dite 99% n’a pas de justification économique spécifique et rate visiblement sa cible. Cela fait poser la question pourquoi la Jeunesse socialiste veut taxer à 150% le revenu du capital. Cela fleure bon l’idéologie de Max avec la dénonciation du capital et dénote aussi une profonde méconnaissance du monde des PME et des start-ups. Dans ces entreprises, la vision des travailleurs qui seraient simplement exploités alors que les dirigeants et les actionnaires profiteraient passivement du fruit du travail des premiers est une vision caricaturale de la lutte des classes. A voir les initiateurs et soutiens de cette initiative dite 99%, cette vision irréaliste se trouve chez des personnes bénéficiant de la sécurité des emplois fournis par l’Etat ou de grands syndicats, une stabilité multi-annuelle de revenus et une recherche de capital social plus que monétaire aboutissant à une optimisation fiscale naturelle.

Cette initiative dite 99% montre où mènent l’ignorance du monde des entreprises et le romantisme de la lutte sociale. Pour maintenir une Suisse que nous serons fiers de laisser aux générations futures, votons tous NON avec conviction à cette initiative 99% qui rate sa cible !

Luc Otten

Luc Otten est médecin et biologiste. Après 15 années de recherche académique, il a travaillé 7 ans comme analyste financier puis comme venture capitaliste dans le domaine des sciences de la vie. Depuis 2015, il travaille dans le monde des start-ups en biotechnologie dans des positions opérationelles le plus souvent.

3 réponses à “L’initiative dite 99% est un poison contre l’innovation

  1. Peut-être qu’au romantisme de la lutte sociale, vous ne faites qu’opposer un autre romantisme : celui de l’économie providentielle et toute puissante.
    Comme les jeunes socialistes, vous vous accrochez à vos illusions.

    Extraits d’un ouvrage fort intéressant, même si je n’en partage de loin pas toutes le conclusions : « FUCK WORK! (pour une vie sans travail)» de James Livingston, Préface de Paul Jorion (aux éditions « Champs actuel » 2016)

    « Les économistes d’Oxford qui étudient les tendances du marché de l’emploi nous disent que, dans les vingt ans à venir, l’informatisation risque de faire disparaître les deux tiers des jobs existants, y compris les « tâches cognitives non-routinières » (non-routine cognitive tasks) – vous savez, penser par exemple. (…) les types de la Silicon Valley qui donnent des conférences TED ont commencé à parler des « humains en surplus » qui résulteront de ce processus – la production cybernétique. « Rise of the Robots » (« L’Ascension des robots »), le titre du livre qui cite ces sources, est de la science sociale, pas de la science-fiction.
    Bref, la crise que nous vivons est une crise morale, tout autant qu’une catastrophe économique. On pourrait même dire que c’est une impasse spirituelle, car elle nous oblige à nous demander quel échafaudage social autre que le travail permettra la construction de la personnalité – ou encore si la personnalité elle-même est quelque chose à quoi nous devons aspirer. Mais c’est aussi pourquoi c’est une opportunité intellectuelle : elle nous force à imaginer un monde où ce n’est plus le travail qui construit notre caractère, décide de nos revenus, et gouverne nos vie au jour le jour. (…)
    Que feriez-vous si vous n’aviez plus besoin de travailler pour percevoir un revenu ?
    Et à quoi ressemblerait la société et la civilisation si nous n’avions plus à gagner notre vie – si le loisir, au lieu d’être notre choix, était notre condition ? (…)
    Je ne suis pas en train de proposer une expérience mentale. Je pose des questions qui sont aujourd’hui des questions pratiques, parce qu’il n’y a pas suffisamment de jobs. (…)
    On a déjà quelques réponses provisoires, car on est déjà tous au chômage, plus ou moins. La part du revenu des ménages qui a le plus augmenté depuis 1959, ce sont les prestations sociales du gouvernement. Au début XXIème siècle, 20% des tous les revenus provenaient de cette source – qu’on parle d’ « Etat providence » ou d’ « allocations ».

    (…) la firme était bâtie sur la séparation de la propriété et du contrôle. Les capitalistes se sont ainsi condamnés eux-mêmes à la mort sociale, en confiant des décisions de base, concernant la production et la distribution, à des dirigeants salariés qui n’étaient pas propriétaires des biens de l’entreprise – exactement comme leurs prédécesseurs aristocrates avaient loué leurs terres à de simple paysans quand ils avaient dû affronter le crise sociale de la fin de la féodalité, et s’étaient ainsi condamnés eux-mêmes à une lente mort sociale.
    Ces managers salariés agissent au nom du capitalisme, mais ne sont pas eux-mêmes des capitalistes. Ces sont des employés, des serviteurs, des courtisans, qui feront tout ce que leurs maîtres invisibles décrèteront, parce qu’ils n’ont pas de dessein autonome, à part de plus gros bonus. (…)
    La fin du capitalisme tel que nous l’avons connu est déjà là parmi nous. Le nombre de gens qui bénéficient de la façon dont nous organisons la production et le distribution a chuté : il s’agit aujourd’hui d’une petite minorité choyée, les 1% comme on dit. Nous n’avons pas besoin d’eux et ils le savent. C’est pourquoi leurs courtisans et leurs laquais essaient maintenant de protéger leurs privilèges par tous les moyens législatifs possibles (…) »

  2. Pour avoir vécu l’expérience start-up, et connaissant notre parlement, vos propos me semble peu réalistes. Ainsi donc, vous trouvez normal que les salaires soient bien plus taxés que les revenus des capitaux (ce qui est le cas actuellement, et depuis de nombreuses années) ?
    Monsieur O.C. soulève une problématique effectivement de plus en plus prégnante – le “job à tout prix” (pour les non rentiers) est un élément participant de la surexploitation des ressources naturelles, entre autres problèmes posés – il y a là un modèle économique à revoir – mais ce n’est pas tout à fait l’objet de cette votation.

  3. Max… Havelaar ??? Encore un qui veut l’equite.
    Vous etes tres drole.
    Comme si toute la reussite passait par les star-ups. On connait le romantisme start upers qui se fracasses bien souvent contre de dures realites. On utilise les jeunes en captant leur energies juveniles au profit du patron tellement cool en t-shirt. Une start-up c’est souvent 10 qui rament pour le benefice d’une ou deux personnes. Ca se veut frais et moderne, dans open-space avec table de ping-pong et siege design, mais en bout de course ce decorum n’est la que pour faire passer la pillule d’une exploitation qui existe reellement.

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