Essence: Les Gilets Jaunes: Qui paralyse qui?

En France, la hausse des prix du baril de pétrole et les nouvelles taxes sur les carburants ont initié la vague de gilets jaunes. Paradoxalement, dans un pays où laisser son moteur allumé pour aller chercher sa baguette de pain est un sport national, la transition énergétique se heurte à la réalité du terrain.

La France n’est pas seule à avoir mis tous ses œufs dans le panier du pétrole et de tenter, même maladroitement, de s’en extraire. La grogne illustre la difficulté d’effectuer cette transition en embarquant tous les citoyens.


La paralyse des cartels

Paris perçoit plus de € 30 milliards de taxes sur l’utilisation du pétrole, dont à peine 10% sert à soutenir une transition de la mobilité et du chauffage.

De plus, quand cette minuscule quote-part sert à offrir des subsides au pétrolier Total pour l’aider à générer de l’essence à partir d’huile de palme, la perplexité est de rigueur.

Dans les faits, les présidents successifs, de droite comme de gauche, ont laissé la stratégie énergétique du pays dans les mains des multinationales dont les intérêts divergent totalement de l’intérêt public.

Comment expliquer les choix de relier les grandes villes par TGV en abandonnant le transport dans les régions périphériques, d’ériger 19 sites nucléaires au lieu de disséminer les centres de production, de favoriser systématiquement EDF ou Engie afin de freiner les PME innovantes et l’efficience énergétique, de favoriser le diesel pour écouler les voitures des constructeurs nationaux ou de ne pas imposer le kérosène des compagnies d’aviation ou de transports maritimes.

Dénoncer cette méthodologie ne peut être corrélée à une idéologie de droite ou de gauche d’autant que l’on découvre petit à petit que ces faveurs résultent souvent d’avantages financiers à des élus ou des partis des deux bords.

Bref, le sentiment que l’argent collecté va directement dans les poches d’élus ou des géants de l’économie n’est peut être pas étranger à ces manifestations.

 

Indépendance énergétique

La France n’est pas un cas isolé. L’Allemagne, l’Angleterre où les USA font face aux mêmes défis même si les approches diffèrent.

En Allemagne, le gouvernement Merkel a saisi l’opportunité de débuter par une transition électrique en abandonnant le nucléaire et demain le charbon. Sur cette base, elle peut maintenant électrifier son industrie automobile, bien aidée par les scandales des moteurs truqués.

Les années sont comptées pour effectuer une passation en douceur. Plus on attend, plus elle sera ardue et violente. Elle sera de toute façon imposée par la conjonction de la pénurie pétrolière et de la crise climatique.

La France va devoir fortement investir, et par ricochet, créer des emplois, afin de proposer des alternatives à la voiture thermique, aux camions et aux avions, d’isoler et de chauffer différemment les bâtiments.

Des cartels et des oligopoles, peut agile, vont disparaître et être remplacés par des acteurs inattendus. Uber, Amazon, Tesla ou Goole montrent le potentiel disruptif. (pour autant, du point de vue social, ces entreprises sont souvent exécrables.)

 

Générer et garder la valeur dans l’économie locale

Une fois n’est pas coutume, nous pourrions recopier l’exemple chinois. Solaire, éolien, construction de voitures électriques ou à hydrogène, Pékin a créé des millions d’emplois et a fortement réduit ses émissions polluantes et freiné la hausse de sa consommation pétrolière. Aujourd’hui, plus de 400 producteurs de voitures électriques chinoises se battent pour conquérir le monde.

Cette démarche peut irriter les fervents croyants de la main invisible qui équilibre les marchés. Si en pratique, cette théorie n’a fonctionné que dans les livres, le pragmatisme chinois ou américain l’a balayée.

Le gouvernement français, comme les autres pays, a intérêt à diminuer le temps passé sur la création d’articles de presse et à augmenter l’implémentation de solutions et d’alternatives pour les citoyens.

Non seulement, ces solutions sont funs et améliorent la qualité de vie, mais en plus elles créent des emplois et gardent la valeur dans les communautés et les entreprises locales. Annuellement, la France offre et exporte plus de 40 milliards € aux pays producteurs de pétrole.

Imaginez le potentiel de ce montant s’il restait dans l’économie locale.

Laurent Horvath

Géo-économiste des énergies, Laurent Horvath, propose des analyses et des réflexions dans les énergies fossiles et renouvelables avec un objectif principal: "ne pas vous dire ce que vous devez penser, mais dire ce qui se passe. A vous de vous forger votre propre opinion." En 2008, il a fondé le site indépendant 2000Watts.org. Vous le retrouvez dans la version papier du journal Le Temps un jeudi sur trois.

7 réponses à “Essence: Les Gilets Jaunes: Qui paralyse qui?

  1. “La grogne illustre la difficulté d’effectuer cette transition en embarquant tous les citoyens.”

    La “grogne”, c’est ceci:

    [] Le revenu médian des foyers et de 55k EUR aux USA, contre env. 21k EUR en F, soit un rapport de 2.5x.

    [] Dans ces conditions, le résident US paie le litre d’essence, à mêmes prix mondiaux, 45 centimes par litre [1], contre plus de 1.50 EUR en F ou CH.

    Le rapport pouvoir d’achat est dès lors de quasiment 10x en défaveur du Français, 20x en défaveur du grec. La crispation est fondée, motivée par le matraquage fiscal en Europe, qui ne fait que s’accentuer, notamment sur la mobilité individuelle motorisée, alors que finalement, ce sont les américains, non méprisés par leur gouvernement, qui commercialisent Tesla.

    [1] entre autres : https://amp.usatoday.com/amp/1998466002 (1 gallon = 4.5 litres)

  2. Article très orienté ! Je ne savais pas qu’il y avait pénurie de pétrole aujourd’hui ? Les gilets jaunes cher monsieur sont des français qui n’habitent pas en ville ????? Vous comprenez ??? L’essence il faut en mettre et elle coûte trop chère . C’est une fronde pour avoir de l’argent pour vivre et non survivre . La transition énergétique ne passe pas par de l’esclavagisme des gens ? Si ? Ça devrait vous posez un problème ?? Trop égoïste pour comprendre ? Ou trop confortablement installé à regarder la télé ? Ou la misère par la fenêtre ?

    1. L’article est orienté vers la transition énergétique et vers la sortie du pétrole.

      Plus longtemps un pays attend pour effectuer ces transitions, plus elles deviendront douloureuses, compliquées et violentes à implémenter. En retard, la France ne fait que de découvrir ce phénomène.

      Relisez calmement cet article et vous y trouverez peut-être des réponses à vos questions.

  3. Bravo pour le cliché de l’introduction. On peut le ranger sur l’étagère à côté du béret, de la baguette sous le bras et de l’accordéon.

  4. L’article est intéressant notamment par les données qui appuient le propos. Dommage que dans un texte aussi pertinent l’on recourt, dans le même temps, au stéréotype (“dans un pays où laisser son moteur allumé pour aller chercher sa baguette de pain est un sport national”), ce qui décrédibilise ce propos.

    1. Ce n’est pas un stéréotype, mais une réalité qui se vérifie tous les jours.

      Ce comportement apporte la question: si l’on choisi de laisser son moteur allumé, est-ce que l’essence est trop bon marché?

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