Un panneau solaire doit-il toujours ressembler à un panneau solaire ?

Il existe aujourd’hui de nombreux moyens de capter et d’utiliser l’énergie solaire permettant ainsi de contribuer à nos besoins tout en réduisant les émissions nocives de CO2. Le photovoltaïque en fait partie et a récemment attiré beaucoup d’attention en raison de son caractère hautement technologique et des progrès impressionants de ces dernières années qui ont permis une drastique diminution de son coût et en conséquence une forte croissance du marché mondial. Les partenaires du projet européen Be-Smart, qui a débuté en octobre 2018 pour une durée de 4 ans, travaillent ensemble dans le but de démocratiser encore plus cette technologie en se basant sur des technologies dites « transformatives ». Ces nouvelles solutions solaires réinventent la manière dont les systèmes photovoltaïques sont utilisés dans les bâtiments et ne ressemblent en rien à des modules solaires typiques !

Le soleil est une source d’énergie sans fin qui fournit environ 1 000 W / m2 d’énergie à la surface de la Terre. La valeur de cette puissance est instantanée et l’énergie ainsi obtenue est par définition sa puissance multipliée par le temps. Par conséquent, 1000 à 2000 heures de soleil par an peuvent nous fournir 1000 à 2000 kWh (en fonction de l’emplacement) d’énergie par m2. Ceci équivaut à un baril de pétrole (159 litres) donc environ 1 700 kWh d’énergie. Un mètre carré au sol reçoit près de l’équivalent d’un baril de pétrole par an, c’est beaucoup!
Quelle quantité d’énergie utilisons-nous chaque année?
Conduire 15 000 km en voiture nécessite environ 900 litres d’essence (pour une voiture brûlant 6 l / 100 km) ou 5 à 10 m2 de panneaux photovoltaïques avec une voiture électrique! Une maison correctement isolée nécessite 100 à 150 kWh par m2 de surface pour le chauffage, le refroidissement et l’électricité. Si l’énergie du soleil pouvait être capturée avec une efficacité de 100%, il est alors facile de calculer que 10-15 m2 de panneaux solaires seraient suffisants pour couvrir tous les besoins en énergie d’un seul ménage. Il existe aujourd’hui une multitude de possibilités de capter et d’utiliser l’énergie du soleil, ce qui permettrait à de nombreuses maisons de devenir des producteurs d’énergie indépendantes.
Le photovoltaïque est souvent choisi pour sa simplicité d’utilisation et d’installation. Des panneaux photovoltaïques peuvent être ajoutés à un toit existant (BAPV building applied photovoltaic), ou peuvent être intégrés de manière plus élégante à un toit ou à une façade (BIPV building integrated photovoltaic). Adaptables et modulables à pratiquement tous les types de bâtiments, de nombreuses solutions existent permettant de produire de l’électricité à très bas coût! Plusieurs projets BIPV couronnés de succès ont déjà été réalisés ces dernières années en Suisse, en Europe et dans le monde entier. En effet, de nouveaux exemples spectaculaires sont apparus ces dernières années, notamment la possibilité de créer des modules blancs ou de différentes couleurs. Il est même possible aujourd’hui d’intégrer aux panneaux solaires des images à hautes résolutions ( technologie du CSEM) pour des applications plus artistiques tel que l’installation e-mersion présentée par Compáz dans le parc du Musée du Laténium à Hauterive (NE). Les possibilités semblent infinies, chaque élément de construction devenant en théorie une source potentielle de production d’énergie.
Pour les applications en toiture, la technologie la plus mature commercialisée aujourd’hui est un module couleur terra-cotta spécialement conçu pour les zones architecturalement sensibles tels que les centres villes historiques ou zones protégées par leurs valeurs patrimoniales. Le module solaire devient alors en premier lieu un élément de construction de toiture remplaçant la tuile originale qui doit garantir une robustesse mécanique élevée conforme aux normes de la construction. En addition de ses propriétés constructives et architecturales, il est aussi fournisseur d’électricité, ce qui n’est pas moindre !
Les façades solaires intégrées ont un potentiel particulièrement élevé dans les centres urbains à forte densité, où leur rapport surface sur toit augmente avec la hauteur du bâtiment. Pour l’application en façade, plusieurs techniques de coloration et de texturation ont été développées pour transformer l’aspect visuel des modules photovoltaïques standard en réels éléments de façade, élégants et architecturalement intéressants.

Les partenaires du projet européen Be-Smart qui regroupe 15 membres issus d’instituts de recherche et industries travaillent ensemble pour concevoir et fabriquer de nouveaux produits et solutions afin de créer une nouvelle génération de produits photovoltaïques qui changera la façon dont les gens perçoivent et pensent l’intégration des panneaux solaires dans les bâtiments. Des éléments de construction actifs, intelligents car producteurs d’énergies !

Quels sont les défis pour permettre une implémentation à grandes échelles de ces technologies ?

D’un point de vue architectural, l’intégration au bâtiment des technologies solaires nécessite un concept d’éléments actifs modulaires, disponibles dans une grande variété de tailles, de formes et de couleurs pour satisfaire les contraintes architecturales à la fois esthétiques et techniques. Cela implique un changement de paradigme nécessaire qui consiste à ne plus essayer d’imposer la mise en œuvre d’un panneau photovoltaïque standard, conçu et optimisé pour les grandes centrales solaires comme élément de construction mais de l’envisager en premier lieu comme élément de construction architectural. La référence d’un panneau solaire dédié au bâtiment devient alors l’élément de construction traditionnel tel que la tuile ou l’élément de façade en aluminium et non plus l’élément photovoltaïque standard. On passe donc d’un élément de construction passif à un élément actif, producteur d’électricité.

De nombreuses études ont montré que le «coût élevé» de ces technologies était l’un des principal obstacle à la mise en œuvre de telles installations. Cet argument n’est plus valable aujourd’hui. En effet, grâce aux nombreuses améliorations récentes de la technologie PV, les cellules solaires ne coûtent presque plus rien! Cela ouvre d’énormes possibilités, magnifiées par l’ajout de couleurs, ainsi que par des formes et des tailles personnalisables. Les installations BIPV sont aujourd’hui compétitives par rapport aux matériaux de construction traditionnels. Il est évident que les barrières commerciales ne sont pas seulement économiques et techniques, mais surtout politiques, sociales et culturelles. Une prise de conscience des avantages offerts par les panneaux solaires et ces nouveaux éléments de construction actifs doit être prise par toutes les parties impliquées dans de tels projets, des premières esquisses de l’architecte au soutient et la volonté d’agir de nos politiciens et collectivités publiques ainsi que des citoyens pour qui le choix est possible aujourd’hui. Ceci demande, tout au long de la chaîne de valeurs, de nouvelles compétences nécessitant de nouveaux réseaux de collaboration, voire même la création de nouvelles professions pour combler les lacunes éventuelles. De plus, il est de la plus haute importance de faire connaître ces produits au-delà du monde professionnel de la construction mais à tout citoyen désireux et demandant de solutions durables. Une communication à 360 degrés prend tout son sens ici.

Le défi des partenaires du projet Be-Smart est de contribuer à la mise sur le marché de technologies qui démontrent aujourd’hui qu’il est possible de s’affranchir des combustibles fossiles et que ceci ouvre même la porte à une économie nouvelle et possible dans ce domaine en forte compétition, asiatique notamment. L’énergie solaire comme un véritable matériau de construction, dans une vision de construction durable est une opportunité unique pour l’industrie suisse et européenne. Le consortium Be-Smart, composé de tous les acteurs de la chaîne de valeur du bâtiment producteur d’énergie, prend ce défi très au sérieux et est convaincu que seule une collaboration multidisciplinaire active permettra d’atteindre ces objectifs.
Let’s be-smart together !

Laure-Emmanuelle Perret
Christophe Ballif

www.thebesmartproject.eu
Le projet Be-Smart a reçu un financement de l’Union Europénne pour le programme de recherche et innovation Horizon 2020 (grant agreement No 818009)

Laure-Emmanuelle Perret-Aebi

Laure-Emmanuelle Perret-Aebi est experte des technologies photovoltaïques pour l’intégration au bâtiment et Fondatrice de COMPÁZ. Elle se considère comme une chercheuse passionnée et engagée. Les questions liées aux implications des technologies dans notre société sont autant d'inspirations qui alimentent ses projets, scientifiques et artistiques.

6 réponses à “Un panneau solaire doit-il toujours ressembler à un panneau solaire ?

  1. Bonjour Madame,

    Votre article est très intéressant.
    A quand des panneaux photovoltaïques imitation lauzes.
    Auriez vous des informations à ce sujet ?
    Je vous remercie.

    Bien cordialement.

    pH GIRAUDET

    1. Merci pour votre message et votre question! Il est tout à fait possible aujourd’hui de faire des panneaux solaires imitant les lauzes, plusieurs technologies le permettent et certains industriels en Europe peuvent fabriquer de tels éléments complètement sur mesure. Par contre, ceci amène à une discussion que nous avons très fréquemment avec les architectes: ” Faut-il faire du trompe l’oeil, ou du “faux lauze” ou faut-il mieux assumer le matériau solaire, donc en verre et faire en sorte qu’il s’intègre bien avec les matériaux traditionnels?”. Je n’ai pas la réponse mais d’un point de vue technologique tout est possible dans ce domaine!

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