Retour sur le projet pilote « Discussion philosophique autour de la danse contemporaine » spectacle D’à côté de Christian Rizzo
Un article écrit par Cécile Simonet de l’ADC
Les réactions que suscitent les spectacles de danse contemporaine auprès des spectateurs qui découvrent ce domaine artistique relèvent souvent de l’étonnement, de la surprise. « C’est bizarre ! » « C’est la première fois que je vois de la danse comme ça ! ».
Comment revenir sur la réception d’une œuvre pour aller au-delà du bizarre, le déconstruire? Par quoi commencer ? Comment organiser les diverses réactions des spectateurs ?
Curieuse, en tant que médiatrice culturelle, des différentes pratiques de discussion à l’issue d’un spectacle et de la circulation des points de vue des spectateurs, j’ai sollicité l’association proPhilo à Genève pour mener un projet pilote autour de l’accueil d’un spectacle jeune public : D’à côté du chorégraphe Christian Rizzo, programmé en mai 2019 à l’ADC.
Est-ce que les discussions philosophiques peuvent donner une plus grande envergure à l’expérience d’un spectacle ? Quels sont les outils de ces discussions ?
Observatrice des 4 séances dans deux écoles, menées par Isabelle Rémy et Eva Rittmeyer, coutumières de ces échanges dans les classes d’école primaire, j’ai été impressionnée et touchée par plusieurs aspects. Tout d’abord, l’écoute entre les enfants, générée par les animatrices. Dès la première séance, elles ont en effet instauré un climat bienveillant entre les élèves en les incitant à s’entraider lorsqu’un camarade est en difficulté dans son raisonnement. Par leur modération habile, elles les accompagnent habilement dans leur cheminement de pensée. Ce qui exige une certaine patience, parfois délicate pour les élèves, mais absolument nécessaire pour ne pas altérer leur prise de parole. Et surtout elles les considèrent comme des êtres autonomes et sensibles à part égale.
La qualité de ces échanges a fait émerger au fil des séances des réflexions qui ont largement dépassé le spectacle de danse en tant que tel. Après avoir exprimé leurs interrogations sur la pièce, les élèves ont su verbaliser des questionnements plus profonds sur notre besoin de nous raconter des histoires, de l’existence des légendes et des diverses mythologies. Lors de la dernière séance, en évoquant des questions auxquelles il n’y a pas de réponse, les enfants ont exprimé leur opinion avec beaucoup d’intérêt sur la mort et les diverses croyances de l’au-delà. L’enseignante souligne d’ailleurs que les enfants « ont tenté d’analyser le spectacle plus en profondeur, ils recherchaient à comprendre « l’histoire », ils sont allés plus loin dans leur compréhension en échangeant leur point de vue lors de la discussion. »
Pour clore chaque rendez-vous, les animatrices invitent les enfants à donner leur avis sur l’échange qu’ils viennent de partager, de relever ce qu’ils ont apprécié ou ce qui leur a déplu. Fréquemment, ils soulignent le plaisir qu’ils ont d’entendre le point de vue de leurs camarades qui diffèrent de leurs propres idées. Ces témoignages sont l’expression d’une qualité d’écoute qui ne peut avoir lieu qu’en respectant une certaine temporalité que les discussions philosophiques permettent. De cette manière, les préjugés sont démantelés.
On dépasse le seuil du bizarre.