Innovation, diversité, parité: le renouveau des blogs du «Temps»

En mars 2017, j’ai récupéré l’administration des blogs du «Temps». Une communauté composée de 89% d’hommes et de seulement 11% de femmes, avec une majorité d’économistes, de politiciens, d’avocats. Bref, une communauté qualitative mais peu dynamique et représentative de notre société.

La transformation de la plateforme

Nous avons décidé de relancer cet espace avec une nouvelle stratégie. Tout d’abord en cessant nos partenariats avec des blogueurs inactifs ou aux propos inadaptés à un blog. Surtout, nous voulions lancer une campagne de recrutement de profils nouveaux et peu médiatisés. Notre idée: faire émerger de nouvelles voix en Suisse romande, particulièrement à propos de sujets trop peu présents dans les colonnes des médias, le nôtre compris.

Cette campagne est toujours active et nous permet de repérer et recruter des talents à haut potentiel: d’une blogueuse «zéro déchet» à une triathlète, en passant par un professeur de macroéconomie, un chroniqueur de littérature sportive, une jeune femme quittant tout pour partir au Sri Lanka, une vétérinaire, un professeur d’anglais, un SDF, un passionné de haute horlogerie et même une personne qui a décidé de mettre fin à ses jours. Un blog qui a fait polémique en France, alors que le suicide assisté est toléré en Suisse.

Ces thématiques sont des niches: elles sont peu traitées par les médias généralistes alors qu’elles intéressent pourtant un grand nombre de lecteurs.

Objectif parité

Nous nous sommes par ailleurs immédiatement engagés à atteindre la parité. Pour cela, nous avons détecté puis contacté près de 250 expertes femmes de Suisse romande. De 89% d’hommes et seulement 11% de femmes en 2016, nous sommes arrivés à un équilibre presque parfait en juin 2019: 47% de femmes et 53% d’hommes. Cela n’a pas été simple car le nombre de femmes renonçant à bloguer, ne se sentant pas assez «expertes», est bien supérieur qu’au sein de la population masculine. En moyenne, nous avons essuyé trois-quatre fois plus de refus.

Mais l’essentiel est là. Depuis janvier 2019 nous fluctuons entre une parité parfaite et quasi parfaite, ce qui démontre qu’atteindre cet objectif est tout à fait possible.

 

Autre fait intéressant: la durée moyenne des sessions. Sur nos blogs, elle dépasse les 4 minutes (données Google Analytics). Un score très élevé qui démontre la qualité de nos blogueurs et l’intérêt pour leurs écrits.

Une philosophie positive

Notre philosophie est simple, elle consiste à construire une relation «gagnant-gagnant-gagnant»: nous bénéficions, au «Temps»,  de contenus qualitatifs; le blogueur obtient une grande visibilité (sur notre page d’accueil, via nos réseaux sociaux, par l’indexation sur les moteurs de recherche liés au nom de domaine Letemps.ch); le lecteur a accès à un contenu original, complémentaire de celui de nos journalistes. 

Nous aimons aussi les belles histoires. Nous avons été ravis de voir notre blogueuse spécialisée en série télé se voir proposer une chronique à la RTS. Ou une autre remporter le Prix Nicolas Bouvier du Club suisse de la presse, saluant la qualité de ses publications.

Nos journalistes sont de plus en plus nombreux à intégrer les contributions de blogueurs qui se voient ainsi régulièrement publiés dans le journal. Dernier exemple en date: un test de la carte de crédit Revolut repris dans nos pages Economie.

Lorsqu’on nous recrutons un blogueur, nous le formons et lui transmettons un guide complet d’aide à la rédaction que nous avons réalisé. Nous lui demandons aussi, et c’est important, de se faire plaisir lorsqu’il écrit, et de ne le faire que lorsqu’il en éprouve le besoin: cela se ressentira forcément sur ses publications.

Une liste sélective, une communauté exclusive

Tout le monde ne peut pas écrire dans «Le Temps» et nous tenons à être totalement convaincus avant d’accueillir un nouveau contributeur. Nous recrutons les blogueurs nous-mêmes, en faisant notamment des recherches actives dans des universités, sur les réseaux sociaux, dans les médias locaux.

Aujourd’hui, nous comptons 185 blogueurs. C’est peu par rapport à de nombreux médias. Mais pour nous, c’est la meilleure façon de fonctionner: avec une communauté à taille réduite, nous sommes en contact permanent avec elle, pouvons lui répondre qualitativement et nous assurer que tous les membres sont actifs. 

Nous ne recrutons des blogueurs que si d’autres nous quittent, ce qui crée une certaine exclusivité à faire partie de la plateforme.

Les règles sont d’ailleurs connues dès le départ: les blogueurs inactifs depuis trois mois disparaissent de la page d’accueil, les blogueurs inactifs depuis six mois sont relancés par mes soins. Sans nouvelle, nous fermons leur blog. Oui, cela peut paraître sévère. Pourtant, cette démarche est positive car elle motive les blogueurs à proposer du contenu qualitatif à notre lectorat. Elle permet aussi de donner une chance à de nouveaux talents, qui restent sur une liste d’attente en espérant que des places se libèrent afin de rejoindre la communauté. Cela participe à conserver une communauté dynamique, qualitative et réduite. 

Améliorer ensemble notre plateforme

Tous les ans, nous réunissons nos blogueurs pour faire un état des lieux de notre plateforme. Notre démarche est participative: nous lançons toujours un brainstorming général pour que chacun nous donne ses idées pour nous améliorer.

Les nombreuses idées reçues nous permettent de progresser. Cette année, nous avons amélioré la page d’accueil des blogs, et ouvert une newsletter pour chaque contributeur. En deux ans, nous avons traité et développé plus de 40 propositions émanant de la communauté.

La monétisation est là

Il n’y a aucune publicité sur l’ensemble de la plateforme. Ces espaces sont par ailleurs gratuits et consultables librement, par tout le monde. Et pourtant, ce canal est devenu une véritable source de revenus pour notre média. 

Comment faisons-nous? Développer une communauté qualitative a attiré des organisations qui nous font régulièrement part de leur intérêt à ouvrir un espace chez nous.  Nous acceptons certains projets, à condition que ceux-ci soient conformes à notre charte: les contenus ne doivent avoir aucune vocation publicitaire, toute communication à caractère religieux ou politique est exclue, nous conservons un droit de veto, nous indiquons toujours aux lecteurs qu’un blog est sponsorisé, par souci de transparence.

Les blogs ne sont pas morts

Il y a plusieurs années, des analystes prédisaient la fin des blogs. Certains médias ont même décidé de fermer définitivement leur plateforme. Au «Temps», cet espace continue pourtant de se développer et représente aujourd’hui presque 6% de l’audience globale du site.

En apportant des points de vue pluralistes, en traitant des informations qui n’auraient jamais été traitées par nous, journalistes, en suscitant le débat et la discussion, oui, les blogueurs ont un rôle essentiel à jouer pour construire à nos côtés le journalisme de demain.

Comment «Le Temps» développe des événements pour enrichir son offre et gagner des abonnés

Cédric Garrofé est journaliste et responsable des réseaux sociaux, des événements ainsi que des blogs pour «Le Temps». Il explique le projet événementiel lancé au sein de la newsroom du média à Lausanne.

Depuis un an, notre rédaction propose des événements au sein de sa newsroom basée à Lausanne, au cœur de la Suisse romande. Un projet pour fidéliser et développer notre lectorat, qui passe par la proximité et l’exclusivité, à travers des rencontres allant de 50 à 100 personnes.

Des réseaux sociaux à la vraie vie

Cette démarche nous est venue après avoir discuté avec des étudiants en visite dans nos locaux. Ils affirmaient ne pas comprendre l’intérêt de s’abonner à un média: «Tout se trouve gratuitement sur internet.»

Mais en discutant avec eux, nous avons compris qu’ils acceptaient en réalité de payer volontiers pour un service, si celui-ci leur offrait une réelle plus-value et une image dynamique: Netflix, Spotify… Dans l’optique d’enrichir notre offre, et de la faire découvrir, nous avons décidé de développer des événements inédits et liés à notre média.

Des événements variés mais cohérents avec notre marque

Nos événements sont de toutes natures. Cela va d’une soirée zéro déchet à des concerts en passant par des cours de philosophie pour les enfants, des balades à vélo, ou encore une rencontre avec notre correspondant politique à Paris.

Nous prévoyons bientôt un bain initiatique en forêt, la visite de notre potager urbain avec un spécialiste de la permaculture et le lancement d’un club des nouveaux entrepreneurs.

Du contenu qualitatif

Lorsque nous organisons un événement, nous définissons sa thématique et son format. Un événement doit servir l’un de ces trois buts: fidéliser l’audience du Temps (les concerts classiques plaisent, par exemple, à notre lectorat traditionnel); chercher à se faire connaître de clients potentiels (quand nous invitons des start-up du jeu vidéo, nous renouvelons notre lectorat traditionnel du monde de l’entreprise); générer des revenus avec l’aide d’un sponsor.

Nous nous sommes aussi fixé trois règles: rester cohérent avec notre ligne éditoriale, imaginer des déclinaisons éditoriales pour nos supports print et digitaux et… nous faire plaisir (si c’est le cas pour nous, ce sera aussi le cas pour nos invités)!

Une vision à 360º

Ainsi, lorsque nous organisons un concert, un portrait de l’artiste invité est publié quelques jours avant dans notre journal. Nous en profitons bien sûr pour communiquer l’adresse vers le formulaire d’inscription. Et le concert en lui-même? Un extrait est diffusé en vidéo sur notre page Facebook et notre site.

Le 29 décembre, nous avons publié une enquête démontrant pourquoi Genève est devenue une référence en matière d’arômes et de parfums. Pour prolonger ce dossier, nous avons proposé à 95 lecteurs de se rendre au sein du laboratoire Aroval. L’occasion de sentir les parfums rares abordés dans l’article.

La monétisation comme prochaine étape

Nos événements affichent aujourd’hui tous complets. Notre newsletter qui leur est consacrée, lancée il y a 4 mois, s’apprête à dépasser les 1000 abonnés.

En créant une véritable demande, nous sommes maintenant en position de force pour monétiser ces opérations.

>> Restez informés de nos évènements en vous abonnant à notre newsletter

Une proposition serait de réserver nos événements à nos abonnés, et laisser la possibilité aux autres de payer pour s’inscrire, et gagner par la même occasion le bénéfice d’une offre spéciale d’abonnement.

Une donnée forte nous encourage: si seulement 10% de nos abonnés viennent à nos événements, presque 90% des invités souhaitent recevoir des informations sur nos prochaines opérations. Et près de 40% acceptent de recevoir des offres commerciales. La preuve d’un réel intérêt pour notre marque venant d’abonnés potentiels.

Répondre à la crise de la presse

Depuis le XVIIIe siècle, la presse a toujours joué un rôle d’animateur de la vie sociale. Dans un monde où nous sommes de plus en plus connectés mais de moins en moins reliés, le journalisme de demain se construit avec les lecteurs.

Alors que nous venons d’apprendre fin mai une hausse de 30% de nos abonnements digitaux, ces nouveaux services sont une réponse réelle aux attentes des citoyens. Ils sont ainsi, par la même occasion, une partie de la réponse à la crise qui secoue le monde de la presse: on s’abonnera demain au Temps aussi parce qu’il offre des événements.

Article initialement publié dans DOMO Magazine.

MAJ, janvier 2019 – Notre newsletter a dépassé les 6’300 inscrits.

MAJ 2, juillet 2019 – Selon une étude réalisée en juillet 2019 auprès de nos communautés: 98.2% des participants à nos événements se déclarent satisfaits de la prestation reçue. 64.6% de nos abonnés jugent que ces événements peuvent les «inciter à rester abonnés au “Temps”». 72.4% de nos non-abonnés affirment que ces événements peuvent les «inciter à s’abonner au “Temps”». 60.1% des répondants estiment ne pas être suffisamment bien informés au sujet des dates de nos événements. 70.7% demandent plus de compte-rendus.

MAJ 3, août 2019 – Une grande partie de notre offre pour la saison 2019/2020 sera dévoilée dès la première semaine de septembre 2019 sur notre nouvelle page regroupant nos événements.