Cela ne fait pas si longtemps que les médias se sont débarrassés de leur lourd héritage au moment de définir leur présence en ligne. Il y a 5 ans, les sites de journaux sentaient encore l’encre et la rotative (voir celui du Temps en 2010), ceux des télés ressemblaient aux fenêtres publicitaires du petit écran. Désormais, tout le monde mise sur des formats conçus pour le web. Encore faut-il choisir le bon mode narratif en fonction du sujet et de son angle.
Maîtriser sa boîte à outils ou exceller dans un mode de narration?
Je fais un pari: il vaut mieux pour un média bien maîtriser sa boîte à outils de narration qu’exceller dans le maniement d’un seul de ces outils. On a fait l’expérience du mauvais choix, au Temps et à L’Hebdo, à plusieurs reprises. Par exemple, l’an dernier, lorsque nos journalistes ont décidé de faire une plongée dans les tunnels et souterrains de la Suisse. Leur plume? Aiguisée. Leur maîtrise de la vidéo? Hésitante. Et bingo: c’est pourtant la vidéo qui a rencontré le plus de succès alors que nous la considérions comme accessoire. Ceci parce que l’on a envie de visiter – même virtuellement – ces lieux pour la plupart exceptionnels plutôt que de les voir décrits. Pour cela, la vidéo est le meilleur des médias.
Tout miser sur la vidéo ou entretenir sa plume et son code?
Un beau CMS ou une multitude de petits outils?
Les succès d’audience sont souvent au rendez-vous. Parfois, c’est aussi le journaliste qui est conquis par un outil. Etienne, par exemple, après près de 30 ans de journalisme de presse écrite, a découvert avec notre «motion designer» les joies de l’explication vidéo et il en compte une dizaine à son actif (par exemple, sur le génocide arménien). Parfois aussi, il y a une sorte d’effet de mode interne: on découvre (ou redécouvre) un outil et on l’utilise un peu trop souvent.
Aux grandes catégories (texte, photo, vidéo, interactifs, …), il faut adjoindre des dizaines de sous-catégories: en photo, choisit-on une galerie plein écran, un page à défilement vertical, un diaporama audio, … ? Une vidéo doit-elle être infographique, centrée sur l’interview face caméra, durer 30 secondes ou 2 minutes? Mon texte, dois-je en faire un récit gonzo, un reportage, un «news», un «mag», … ?
Chercher l’effet wow ou servir son angle?
L’innovation technologique au service du sujet ou l’inverse?
- La vidéo en direct? Par toujours plus efficace que la vidéo bien éditée et mise en ligne après coup. C’est en fonction de l’objectif à atteindre: elle sera adaptée si le direct amène une valeur ajoutée (nos confrères du Blick – groupe Ringier également – vont filmer par exemple durant leurs directs ce que les internautes leur demandent). Mais on remarque, par exemple, que pour rendre compte du Forum des 100, nos vidéos proposées après coup ont bien mieux fonctionné que notre live Facebook. Rien d’étonnant: la valeur ajoutée du direct est ici assez faible.
- La vidéo 360°? Superbe, mais qui se prête pour le moment plus aux sujets immersifs qu’informatifs, tant il est difficile d’en maîtriser la narration. Le fait de ne pouvoir analyser sérieusement le comportement de l’audience est aussi la raison pour laquelle nous avons opté pour la photo 360° pour notre dernier projet, une visite d’avion privé (bon d’accord, le coût de production est aussi un enjeu pour nous).
- La datavisualisation qui fait wow? C’est l’idéal pour animer les discussion à la machine à café, rouler des mécaniques dans les séminaires où la profession se mesure et parfois gagne des prix – un objectif que l’on ne renie pas – mais, souvent, l’audience reste de marbre.
Et tout ça, c’est rentable?
Reste un défi de taille: comment mesurer le succès de chaque mode narratif? Difficile de comparer des «vidéos vues» et des «page impressions», le nombre de visites mesuré sur grandes visualisation de données et celles d’une galerie photos, le nombre d’internautes ayant répondu à un sondage en 80 questions et ceux qui regardé un gif animé, etc. Le KPI se définit en fonction de l’objectif fixé, et il arrive que l’objectif ne soit pas mesurable par des outils en ligne (par exemple: le nombre de prix journalistiques obtenus ou le service rendu à la collectivité par une enquête politique).
Au Temps, plus nous avançons, plus nous optons pour le nombre de minutes passées par les internautes sur un contenu. Notre «long read» sur les oubliés du Gothard, par exemple, a obtenu un très correct score en matière d’audience (pages vues), mais c’est en taux de rétention (minutes passées sur la page) qu’on mesure le mieux son succès (les internautes y sont restés près de 4 fois plus que sur un article moyen). Une unité de mesure que les annonceurs n’ont pas encore investi alors, oui, parfois on aime bien encore faire tourner le compteur à pages vues. Et on a quelques outils pour ça.
Bien le bonjour!
Cet article, je l’ai d’abord lu sous son angle “réseaux sociaux”. Puisque l’auteur en est le responsable chez les titres de Ringier Romandie. Puis je l’ai relu: Le texte porte bien plus loin que le “choix des outils” au premier degré, comme son titre pourrit suggérer. Il pose les questions du “langage” (comme dirait mon collègue et webmaster Ramon), fait le tour des formats courts et longs, du complément entre texte et image, évoque les critères de succès et parle des perches à poser pour Google.
Surtout, l’autour fait preuve d’une belle humilité. Il vous arrive de douter, de vous planter ou de réussir là où vous ne l’aviez pas pensé.
Au final, un excellent texte sur la réinvention permanente du métier. Remplaçons “journalisme” par “communication”, mettons “école” à la place de “tunnel” – et plongeons dans le bonheur de l’imprévu.
Merci pour votre message. La palette d’outils du prof est sans doute encore un peu plus impressionnante que la nôtre- même sans le bâton ou la punition.
Faute de m’immerger dans le sujet de l’article, je dois me concentrer, pourtant c’est simple. Je ne crois pas qu’il existe un jour un outil pour composer du texte propre. Un outil pour articuler son travail est idéal, un outil évoluant avec l’utilisateur et inversement. Le style et l’air du temps ont leur importance. Ceci dit quelqu’un peut avoir un style, comme on a un “don” ou plutôt un fond de commerce.
Lu lentement et revenir encore sur le texte doit être le marqueur le plus fort. Pas sur que Google soit paré sur le sujet…
Comme avec un correcteur orthographique en ange gardien, avoir un bon outil pour avancer et non des souliers qui font mal aux pieds!
Au final, que des documents “banaux” s’indexent avec le temps résultera un bon fond de commerce.. pour la langue française.
Gardanima