Leçon de vie numéro 7 : Le sport nous rend fort… dans la tête

Au milieu de cette crise qui nous assigne encore, pour la plupart, à rester à la maison, la question du sport a fait couler beaucoup d’encre virtuelle. Si le grand sujet des premières semaines était l’annulation de grands rendez-vous (RIP Tokyo 2020), il a maintenant été remplacé par les vidéos « 30 minutes workout », les articles « 10 sports sans dangers à faire en solitaire » et les post Instagram #stayhomestayfit.

 

Il peut paraître indécent de travailler son « summer body » pendant que des gens tombent malades et que des professions entières montent au front.

Mais, dans mon expérience d’athlète, j’ai observé que le sport – qu’on parle de championnats du monde ou de vidéo « pour un ventre plat » – dépasse le futile ou le superficiel. Il nous rend résilient et apporte des pistes pour vivre et dépasser cette crise plus sereinement.

Le sport inculque une certaine routine, élément clef pour ne pas vivre trop mal son isolement. Mais surtout, il nous rend plus fort. Et ça, c’est valable en tout temps. Pendant et après le confinement. A long terme

 

C’est l’occasion par exemple de se maintenir en bonne santé. Paradoxalement. On connait les dégâts de la sédentarité et nous sommes en plein dedans (l’autre jour, la montre connectée de ma colocataire indiquait littéralement 35 pas de la journée). Mais il n’y a pas que la santé physique. Le sport est également un anti déprime reconnu.

Faire du sport renforce aussi la confiance. A titre personnel, l’aviron de compétition m’a beaucoup apporté à ce niveau. Quand votre bateau glisse à toute vitesse à la force de vos jambes, vous avez le sentiment de faire avancer pas mal d’autres choses dans votre vie. C’est assez primaire, d’accord. Mais pour moi qui suis petite et qui parait (beaucoup) plus jeune que mon âge, c’est un bon rempart contre ceux qui ne me prennent pas au sérieux. Vous ne me verrez pas faire des pompes devant mon interlocuteur ou me frapper le torse comme un gorille. Heureusement. Mais je me sens forte physiquement et je vais là où je veux.

La frustration également est monnaie courante dans le sport. Il m’est arrivé plus d’une fois d’être renvoyée à la maison après une sélection ratée. Le sentiment n’est pas particulièrement plaisant. Assis sur son canapé, sans perspective, sans motivation, on contemple sa propre immobilité dans le blanc des yeux. La seule solution est alors de remonter sur le vélo (au propre et au figuré). Se remettre en mouvement physiquement pour avancer dans sa tête et laisser, coup de pédale après coup de pédale, la phase de frustration derrière soi.

Pas de sport de compétition sans sa petite dose de stress, qu’il faut savoir gérer. Avant une course, il y a l’anxiété d’avoir mal ou d’être déçu qui s’installe dans le creux de l’estomac. Et là, le remède se trouve dans les petits rituels qui accompagnent le sport : Les cheveux attachés bien serrés, le choix du t-shirt confortable, le snack préféré glissé dans la poche, la musique motivante dans les oreilles (« The final countdooooooooooown »). A quoi sert tout ça ? Ces petits gestes anodins du quotidien apportent du réconfort par leur simplicité, par leur prévisibilité. Finalement, quand on se concentre sur ce que l’on peut maitriser dans le présent, le moment redouté se révèle toujours plus doux qu’anticipé.

Finalement, le sport permet une certaine maîtrise. On en revient à l’exemple du début : lorsque, sur l’eau, on a la capacité de faire avancer un bateau à la force de ses jambes, on se rend compte qu’on a la capacité de faire bouger les choses. Evidemment, je ne prétends pas que l’on puisse résoudre les problèmes du monde en brassant de l’eau avec une rame. Mais cet « empowerment » (à défaut de bonne traduction) de l’effort physique dépasse le domaine du sport. Atteindre de petits objectifs grâce à son corps nous montre que l’on est capable de beaucoup lorsqu’on le décide.

 

Avec tous ces exemples de compétition, je peux paraître élitiste. Mais si j’étais auparavant persuadée que cette force émanait de la performance, cette confiance des médailles, j’ai découvert en passant à un régime amateur que c’est loin d’être le cas.

Ce n’est pas par ce que je gagne des courses ou que je rame vite que je me sens forte. C’est par ce que je me bouge, tout simplement. Avant j’étais contente de mes 2heures de musculation, aujourd’hui je suis fière quand je fais un footing de 20min après une grosse journée.  Tous ces bienfaits du sport, ils sont toujours présents dans le sport du quotidien. Parce que l’important ce n’est pas d’être le plus rapide, la plus forte. C’est d’être capable de quelque chose. N’importe quoi. De pouvoir se dire : « faire 3 pompes / courir un marathon / m’accorder 15 minutes de stretching : j’y arrive ! ».

 

Le lien avec la situation actuelle n’est pas forcément évident. Pourtant, tout le monde a besoin d’évacuer le stress qui nous habite dans cette situation instable. Nous avons plus que jamais besoin de force mentale, pour rester à la maison ou pour en sortir. Beaucoup d’entre nous se sentent vulnérables, inutiles. On en vient à perdre confiance. A force de tourner en rond à la maison, les jours s’enchaînant, on finit dans l’apathie, l’impuissance.

Alors évidemment, ce n’est pas en développant des biceps que l’on va battre un virus.

Mais aussi bête que cela puisse paraître, faire des pompes peut nous rendre puissant face à la peur. Se lancer dans un « 30 jours de Yoga challenge » peut donner une bonne raison de se lever le matin. L’objectif d’améliorer son temps à la course à pied installe la perspective d’une petite victoire. Et développer un talent pour la corde à sauter, la zumba ou le tai chi a toutes les chances de casser la routine.

Donc poussons les meubles du salon, déroulons le tapis de sol et affrontons cette période d’incertitude parés de nos plus belles cuissettes.

 

Cet article fait partie de la série : Les leçons de vie que m’a apporté l’aviron. Si vous voulez commencer par le début de la série, RDV sur le premier article : https://blogs.letemps.ch/juliette-jeannet/2019/01/10/laviron-mon-ecole-de-vie/

Juliette Jeannet

Juliette hérite de sa passion du sport de son grand-père, ancien rameur olympique. Grâce à un esprit de club stimulant, elle s’engage dans la compétition internationale en aviron (2011 à 2013). Très active au sein du LS aviron, elle pratique et côtoie une multitude d’autres sports. En parallèle, elle vulgarise et promeut des thématiques de la transition écologique à travers des vidéos pour la Fondation Zoein.

Une réponse à “Leçon de vie numéro 7 : Le sport nous rend fort… dans la tête

  1. bravo; il n’y a rien de tel pour vivre pleinement que de se bouger; nos aïeux étaient dehors tout au long de la journée et la vie moderne prétend nous confiner ! belle erreur; nous descendons du singe, parait-il, du rossignol, pourquoi pas, du lion ou du lapin; donc vivons comme eux; et c’est pas gagné pour un lion que de courser un buffle ou un zèbre; et nous on imagine se servir sur les étagères des super-marchés, sans aucun effort, jamais ! le sport, c’est nous rapprocher des conditions de vie pour lesquelles nous sommes programmés…

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