WEF 2017 : Globalisation vs Protectionnisme

Comme à son habitude, Klaus Schwab a touché juste. Avec son accent allemand à couper au couteau qui lui donne involontairement un brin d’autorité, il lance les quatre jours de rencontres et conférences en introduisant habilement le sujet des débats : Responsive & Responsible Leadership. En français, gestion réactive et responsable. Sur un ton posé à la fois alarmiste et paternel, le fondateur du World Economic Forum met ses invités face à leurs responsabilités.

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Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, Klaus Schwab commence par une citation : « La globalisation économique est entrée dans une phase critique. Un contrecoup dû à ses effets – particulièrement dans les démocraties industrialisées – annonce un impact extrêmement disruptif sur l’activité économique et la stabilité sociale. L’humeur dans ces démocraties est à l’impuissance et à l’anxiété, ce qui contribue à expliquer la montée en puissance d’une nouvelle vague de politiciens populistes ». Cette citation, explique-t-il avec un sourire au coin des lèvres, n’est rien d’autre que l’un de ses éditoriaux écrit il y a 21 ans. Cette entrée en matière plus que crédibilisante dégage un message fort de la part du World Economic Forum. Un message qui insiste sur le fait que ce n’est pas depuis hier que l’organisation est engagée dans ce combat. Au fait, c’en est même la base et l’origine : « Nous avons toujours pensé que le développement économique doit impérativement être couplé avec le progrès et la responsabilité sociale. Nous espérons que le monde entendra d’avantage ce message qu’il ne l’a fait ces dernières années ».

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Dans le contexte actuel et en sortant d’une année 2016 mouvementée, nous ne pouvons que saluer le choix du fondateur de replacer ce thème au centre du rassemblement grison. Cette année, c’est plus de 3’000 leaders politiques, économiques et sociaux qui méditeront dessus. Si l’administration Trump ne fera pas le déplacement et que Benjamin Netanyahu, Angela Merkel et Justin Trudeau ont dû annuler leur voyage à la dernière minute, Klaus Schwab peut tout de même compter sur un certain prestige parmi ses invités avec des personnalités comme le président chinois Xi Jinping, le nouveau secrétaire des Nations-Unies António Guterres, l’ex vice-président américain en devenir Joe Biden, John Kerry ou encore Jack Ma d’Alibaba.

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« En tant que leader, vous devez être réactif, vous devez écouter, vous devez interagir avec ceux qui vous ont fait confiance. Mais ce n’est pas assez. Vous devez également agir, être responsable, vous devez être assez courageux pour prendre les décisions qui amélioreront l’état du monde », enchaîne M. Schwab. Cette deuxième partie de phrase – bien que pas dirigée officiellement à l’encontre de quelqu’un – a une résonnance particulièrement applicable au populisme ambiant. Mais son discours se veut plus rassembleur que dénonciateur. Les débats s’axeront autour de quatre piliers qui correspondent aux quatre objectifs auxquels tout leader devrait aspirer selon lui :

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Le premier, celui de la reprise de la croissance économique mondiale. Couplée avec une meilleure distribution des revenus et richesses, elle est la clé pour faire face à une démographie croissante et à l’automatisation de nombreuses industries. Cette démarche est impérative si l’on veut réduire les niveaux inacceptables d’exclusion sociale et de chômage.

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Le deuxième concerne le capitalisme de marché qui doit devenir plus inclusif : « Il y aura toujours des gagnants et des perdants, mais le système ne peut être soutenable que s’il existe assez de solidarité entre eux », explique-t-il très justement.

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Le troisième est la maîtrise de la 4ème révolution industrielle, thème du sommet de l’année dernière. Intelligence artificielle, robotique, Internet des objets, véhicules autonomes, impression 3D, nanotechnologies, biotechnologies, séquençage génétique, big data et informatique quantique, ce qui paraissait science fiction il y a quelques années devient aujourd’hui réalité. La responsabilité des dirigeants sera de savoir différencier opportunités et dangers. Il faudra savoir tirer parti de ces fantastiques avancées technologiques aillant un potentiel d’amélioration sociale et économique phénoménal, mais également les encadrer pour éviter d’éventuelles conséquences négatives, notamment au niveau éthique.

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Pour terminer, Klaus Schwab s’adresse cette fois plus directement aux populistes dont il parlait il y a 21 ans. Il insiste sur la réinvention de la coopération globale : « Bien sûr, les marchés ont besoin d’être plus justes. Mais ils doivent surtout rester ouverts, car nous sommes une communauté planétaire ».

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Si j’avais été dans les baskets de M. Schwab, j’aurais probablement ajouté une section parlant de l’importance de l’information et de l’éducation qui jouent un rôle à mon avis fondamental dans la place que chacun se fait dans le monde et dans la vision que l’on se fait de ce dernier. Une citation tirée du dernier livre d’Eric-Emmanuel Schmitt, L’homme qui voyait à travers les visages soulève très simplement un point essentiel : « Il faut du creux pour que ça résonne ». Mais en respectant ces quatre objectifs, il devrait être imaginable de parvenir à apaiser sur le long terme les tensions d’un monde où règnent pour l’instant incertitudes et frustrations. Les leaders d’aujourd’hui et de demain ont la responsabilité de redorer l’image des institutions et d’injecter non pas de la monnaie sur le marché, mais de la confiance dans les esprits. La confiance d’un monde qui demain, bien que sous un visage différent, garantisse quoi qu’il arrive liberté, bien être et épanouissement individuel et collectif. Il s’agit d’abandonner les politiques de court terme trop souvent mises en avant. Il s’agit d’altruisme et de vision collective. Mais surtout, il s’agit de se rendre compte que l’« on a intérêt au bonheur de son voisin, tel un commerçant a intérêt au bonheur de son client », pour citer une énième fois Jacques Attali. Tâchons d’éviter de tomber dans le piège du repli sur soi. Il est temps de comprendre que nous ne sommes qu’un seul peuple sur une petite planète ronde nommée Gaia.

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C’est donc tout un programme qui attend les invités du 47ème sommet de Davos. Des conversations passionnantes devraient ressortir des débats dès demain (lundi) matin, tous à suivre en direct sur le site internet du World Economic Forum. Mais gardons une pensée en tête pendant le visionnage de ces derniers : plus que des intérêts, nous devons nous rendre compte que nous partageons des valeurs.

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J.G.

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Julien Grange

Julien Grange a fait ses études d’économie entre HEC Lausanne et la Stern School of Business de NYU, New York. Il vit aujourd’hui à Londres et travaille pour une entreprise active dans le développement et le financement de projets immobiliers en Europe. Il se passionne pour le devenir du monde et celui de ses habitants. En tête de sa liste pour le Père Noël chaque année : une boule de crystal. Elle n'est pas encore arrivée, mais elle ne saurait tarder.