Le financement de la transition écologique: une solution trop simple pour plaire?

Demain, lors du Forum des 100, les participants auront l’occasion de discuter des enjeux de durabilité pour la Suisse et rencontrer les femmes et les hommes engagés sur les enjeux de transition écologique, énergétique et économique.

Je participerai à une session l’après-midi pour échanger sur des pistes concrètes autour de la thématique Transition socioéconomique et politique  , je suis donc en réflexion préparatoire depuis quelques jours… et il se trouve qu’aujourd’hui, lors d’un cours que je donnais à des entrepreneurs sociaux dans le cadre du CAS en entrepreneuriat sociétal de la HEG Fribourg, la fameuse question est posée!

Quelles solutions SIMPLES, efficaces et effectives peuvent être rapidement déployées pour financer la transition écologique?

J’en ai bien une en tête qui m’anime depuis plusieurs années… mais elle est trop simple et sur le tapis depuis plus de 45 ans (Tobin) sous différentes formes et avec différents buts:  la taxe sur les transactions financières.

Cette proposition, dans une version s’appliquant à tous, au niveau du pays (citoyens, entreprises, paiement électronique, trading etc..) aurait comme spécificité et objectif unique de financer les projets de transition sociétale et environnementale répondant ainsi par la même occasion aux objectifs de l’Agenda 2030.

Cette taxe, sous une forme universelle à l’échelle de la Suisse, est reproposée depuis 2016 par Marc Chesney, professeur à l’Université de Zurich (voir article ici ) . Selon le taux, entre 0.1% et 0.2%, cette taxe est indolore pour les ménages et PME… un peu moins pour le trading à haute fréquence. La projection basse, estimée entre 50 et 200 milliards par année, permet d’ébaucher quelques projets d’envergure pour un petit pays si dépendant de ses relations extérieures.

  • Sa mise en oeuvre techniquement est aussi très simple et faisable;
  • Le côté législatif / juridique un peu moi certainement, mais avec un peu de courage et de cohérence, faisable dans un calendrier proche
  • La déployer dans un temps limité comme une mesure d’urgence, sur 4 ou 5 ans maximum

Mais alors pourquoi ça ne bouge pas, me questionne-t-on? 

Alors, je lance le processus d’analyse habituelle: fondement/capacité technique, juridique, culturel, quelles sont les parties prenantes impactées … rapidement, au-delà de l’idée que nos citoyens ne comprendraient pas l’urgence, me vient la réflexion suivante: si les projets et les enjeux de la transition (énergies, transports, agricultures, prestations sociales, biodiversité, décabornisation des industries, éducation et formation, dotation pour un fonds de transition soutenant les PPP, etc…) disparaissent de l’agenda et des débats politiques, sur quels dossiers nos politiciens vont-ils pouvoir s’époumoner ?

Mon humble appel et manifeste est le suivant: dépensons quelques deniers et discussions constructives sur cette question de financement de la transition par une taxe financière universelle afin de se mettre à l’action! Et mettons nos coeurs et nos cerveaux en mouvement pour construire la résilience si cruciale à notre pays.

Constitution fédérale de la Confédération suisse: Article 2 : Elle favorise le développement durable

 

N.B: Les marchés publics, dont la valeur totale s’élève à quelque 41 milliards de francs par année, représentent un segment important de l’économie suisse. Comment s’applique l’article 2 de la Constitution fédérale dans les marchés publics? Comment la TVA pourrait prendre en compte les externalités négatives sociétale et environnementale?

TVA Circulaire et d’impact à suivre.

Ce que l’intelligence artificielle (IA) peut nous apprendre sur les entreprises et les dérives du capitalisme actionnariale

Il est temps de changer le système d’exploitation (OS) de l’économie et d’utiliser le monde des affaires comme force positive. 

“Que nous confions nos décisions à des machines en métal, ou à des machines en chair et en os que sont … les entreprises, nous ne recevrons jamais les réponses justes … à moins que nous ne posions les bonnes questions.” Norbert Wiener, Cybernétique et société. L’usage humain des êtres humains (1950)

Depuis qu’il y a des ordinateurs, on craint que leurs capacités ne se déchaînent. Dans le monde d’aujourd’hui caractérisé par des capacités technologiques et commerciales mondiales interdépendantes, les mêmes préoccupations s’appliquent aux grandes entreprises qui, à l’instar de nombreux systèmes d’IA (machines apprenantes), sont régies par des règles, des commentaires et une amélioration continue.

Les machines peuvent-elles devenir trop intelligentes?

L’inquiétude vis-à-vis de l’IA n’est pas que les machines soient diaboliques – mais plutôt que ce sont des machines qui font exactement ce que nous demandons, mais ne le font que trop bien. Nick Bostrom a imaginé une machine conçue pour fabriquer des trombones. Grâce à une auto-amélioration continue, la machine commence à transformer en trombones tout ce qui est à sa portée. En raison de la puissance de calcul de la machine, nous avons bien du mal à l’empêcher de convertir tout l’univers en trombones.

L’exemple est ridicule, mais souligne que les machines sont programmées pour effectuer des tâches sans contexte, ou ce que l’on pourrait nommer le «bon sens». Les bonnes intentions qui ont déjà mal tourné sont un problème pour l’IA d’aujourd’hui: les systèmes destinés à éliminer les stéréotypes les reflètent souvent, car les algorithmes ne reconnaissent pas les biais des données qu’ils collectent.

Des machines de chair et de sang

Les ordinateurs ne sont pas le seul type de machine présentant ce problème. Les organisations, y compris les entreprises, sont également des machines de traitement de données. Les données entrent- la disponibilité et le prix de l’offre, la demande des clients, les règles, les perspectives économiques – et les entreprises les utilise afin de déterminer le moyen le plus efficace de créer des biens et des services.

Comme toute bonne IA, les entreprises ont des boucles de rétroaction et des cycles d’auto-amélioration. Alors que les chiffres des ventes, les bilans et les bonus fournissent tous une rétroaction intermédiaire, un cycle de rétroaction domine: la valeur des actions. Une valeur d’action élevée est synonyme de succès. Une valeur d’action faible est un signe d’échec ou (sera commenté) qu’elle ne reflète pas pleinement la valeur. Les PDG ne disent jamais: «Oui, le prix de nos actions a chuté, mais c’est parce que nous avons pris un certain nombre de mesures pour aider les employés, les clients et la communauté ou encore pour réduire notre empreinte carbone ou participer à réduire la pauvreté. Ces mesures ont réduit notre rendement financier, mais nous pensions que c’était le bon équilibre pour apporter une stabilité sur le moyen ou long terme.»

Pourquoi les entreprises ne peuvent-elles pas fièrement concilier valeur d’action pour les Droits Humains ou la durabilité environnementale?

La première loi de la dynamique d’entreprise

Les marchés des capitaux s’attendent à ce que les entreprises créent de la valeur pour leurs actionnaires dans un premier temps, du moins à long terme. Bien entendu, il est fréquent que la valeur d’une action coïncide avec une valeur sociale et environnementale, comme une entreprise qui développe une source innovante d’énergie renouvelable. Ainsi, les entreprises «réussissent souvent en faisant du bien». Mais voici le problème: Si la première Loi du processus d’entreprise est de «créer de la valeur pour les actionnaires», les entreprises ne feront pas le bien si elles ne peuvent pas bien le faire.

De plus, elles le feront «mal» si cela est légal et augmente le rendement pour les actionnaires; cela s’appelle «l’équilibre du marché».

Et les mauvaises entreprises peuvent être très rentables, car les avantages de choix irresponsables reviennent entièrement à l’entreprise concernée, tandis que les coûts sociétaux et environnementaux sont répartis sur l’ensemble de l’économie. Ce désalignement incite à contribuer au risque climatique, aux inégalités et à la corruption – des problèmes qui créent des souffrances et une instabilité partout dans le monde, et finissent par nuire aux investisseurs ordinaires, qui diversifient leurs portefeuilles et dépendent des marchés en hausse pour leur retraite et d’autres objectifs à long terme.

Ainsi, le choix d’une entreprise d’utiliser un carburant bon marché mais polluant l’affectera peu du point de vue de l’environnement, mais toutes les économies de coûts seront réalisées, ce qui lui permettra de nuire à la concurrence et d’accroître les rendements pour ses actionnaires. Cette course descendante se répète tous les jours dans le paradigme de la « primauté actionnariale», selon lequel la concurrence entre entreprises est autorisée à l’emporter sur les préoccupations des «éco» systèmes dans lesquels ces entreprises opèrent.

Un nouveau premier principe pour les entreprises

Nous devons reprogrammer notre système financier, notre économie en établissant un nouveau premier principe : La première Loi de la dynamique des entreprises devrait consister à préserver les systèmes dans lesquels notre économie est ancrée. Les entreprises ne devraient commencer à fournir des rendements aux actionnaires que si cette condition est remplie.

Une licence pour opérer et déployer pleinenement la force entrepreneuriale qui prend en compte ses parties prenantes incluant l’environnement.

Le principe de la valeur pour les actionnaires a évolué parce que les entreprises doivent attirer des capitaux privés pour produire les biens et services sur lesquels nous comptons. Mais soumettre la valeur de cet actionnaire à un impératif de ne causer aucun préjudice ajouterait le « bon sens » au système d’exploitation de l’entreprise. Cela profitera à la plupart des investisseurs, qui sont diversifiés sur les marchés et qui supportent les coûts environnementaux et sociaux externalisés en tant qu’actionnaires d’autres sociétés et en tant qu’êtres humains vivants dans le monde.

Mais si le retour actionnarial reste la première des priorités, les entreprises continueront de chercher un avantage, quel que soit leur coût, sur leurs concurrents et leur capital, et continueront à lutter contre les lois et réglementations qui protègent notre planète et notre avenir, chaque fois qu’il est rentable de le faire. Contrairement à l’invasion des trombones, les menaces de la première machine actionnariale sont réelles, et s’aggravent: Si nous voulons réduire le risque climatique, les inégalités croissantes et l’instabilité systémique, le plus pragmatique serait de changer le système d’exploitation du premier acteur de l’économie: l’entreprise.

 

Cet article est inspiré et adapter de l’article de Rick Alexander ains que du nouveau livre de John Brockman, Possible Minds, qui à solicité l’avis d’ un large éventail d’experts pour réfléchir à l’héritage de Norbert Wiener dans le domaine de l’intelligence artificielle. Alors que les essais se concentrent principalement sur la technologie, les thèmes abordent des questions plus larges soulevées par les systèmes autonomes, notamment la nécessité de réexaminer la fonction des sociétés.

Leadership systémique et bonheur dans les organisations

La question du bonheur et du bien-être est très tendance en ce moment. Dans les sociétés capitalistes, les indicateurs de bien-être sont principalement basés sur le produit intérieur brut (PIB) d’un pays ou l’IDH (indice de développement humain). Face aux enjeux sociaux et environnementaux émergents, les professionnels et scientifiques sont à la recherche de nouveaux indicateurs permettant d’évaluer le bien-être d’une société et le bonheur de ses citoyens.

Mais le bonheur peut-il vraiment se mesurer ? Le taux de croissance, calculé sur la variation du PIB, va-t-il disparaître au profit d’un indice du progrès basé sur le bien-être ?

Les enjeux globaux qui s’opèrent dans le monde font que les réflexes empiriques rassurants ne sont plus adaptés à l’accélération des transformations de notre société. La pensée systémique bienveillante aide les dirigeants à comprendre l’interconnexion, leur permettant ainsi d’avoir un impact sur l’organisation et son environnement afin de s’assurer qu’elle n’en soit pas déconnectée.

Même si je reste critique sur la notion de bonheur en entreprise, j’ai eu le plaisir d’intervenir dernièrement dans le premier module du CAS Bonheur en organisation (Certificat of Advance Studies) de la HEG, un programme pionnier au niveau international afin de se former, notamment, pour développer des stratégies économiques, sociales et environnementales bienveillantes, donc résolument de façon plus humaine, responsable et résiliente.

Pour préparer mon intervention, j’ai souhaité établir les liens entre le standard d’évaluation d’impact développé par B Lab (B Impact assessment) et le cadre d’évaluation du Bonheur National Brut (indice et indicateurs développés par le royaume du Bhoutan) qui est basé sur quatre piliers qui sont la culture, l’environnement, le développement socio-économique et la bonne gouvernance. Sans grande surprise, les deux sont très alignés quand mis en perspective de l’entreprise, de ses pratiques et la mesure des externalités (impacts sociétaux et environnementaux).

Plus largement, ce fut pour moi un plaisir de participer à un programme qui mise sur une approche axée sur le système au sens large pour aborder la transformation par l’individu et l’organisation. J’interviens dans de nombreux cursus de formation en Suisse et à l’étranger et trop souvent les approches restent construites en silo. Au-delà du courage (vient du latin “cor” , le coeur) académique d’aborder holistiquement le développement économique et sociétal, c’est un levier stratégique pour s’assurer que les organisations soient équipées pour accueillir le nouveau paradigme de développement actuel.

Le mois de mars est placé sous l’hospice des célébrations bienveillantes, que ce soit avec le 20 mars proclamé Journée internationale du bonheur ou pour le mouvement des 2’800 BCorp qui vont toutes célébrer la signature de la déclaration d’interdépendance associée à leur certification. Une occasion de reconnaître la nécessité de percevoir la croissance économique dans une optique plus large, plus équitable et plus équilibrée, qui favorise le développement durable, l’élimination de la pauvreté, ainsi que le bonheur et le bien-être de tous les peuples.

 

Responsabilité des entreprises : du changement en 2019 ?

La nouvelle année vient à peine de commencer et dans l’écho des turbulences européenne et international, on perçoit encore plus le besoin de réaligner le rôle des entreprises avec les Objectifs du Développement Durable (ODD) de l’Agenda 2030. En Suisse, la question de la responsabilité des entreprises occupe le devant de la scène médiatique. La visite en Zambie du conseiller fédéral Cassis à une entreprise suisse décriée pour son manque de respect des droits humains et de l’environnement a fait grand bruit. L’indignation que cette visite a soulevée donne le ton : le débat sur la responsabilité des entreprises occupera une place majeure cette année.

Au niveau politique, les membres de la Chambre Haute devront se prononcer au printemps sur l’adoption d’un contre-projet à l’initiative « pour des multinationales responsables ». Le contre-projet, tout comme l’initiative,  visent à amener les entreprises multinationales à agir de manière responsable en termes de droits humains et d’environnement, afin de prévenir toute atteinte aux personnes ou dommage. Nos voisins européens sont déjà en train de mettre en place des réglementations allant dans le même sens. Parmi eux, la France avait ouvert la voie avec sa loi sur le devoir de vigilance en 2017.

Dernière arrivée dans la course, la Finlande a lancé à l’automne dernier,  une campagne sur ce même thème, soutenue à la fois par des entreprises et par la société civile.

Mais la partie n’est pas encore gagnée en Suisse. Bien qu’on voit l’émergence d’initiatives privées encourageantes – comme Coop qui à considérablement diminué le volume de produits importés par avion et a établi un plan d’action pour poursuivre cette réduction – il manque des régulations fortes. Bien que nombreux reconnaissent le pouvoir des entreprises à résoudre certains des problèmes sociaux et environnementaux les plus importants de notre époque, la pression des grands lobbies économiques reste forte pour contrer toute tentative d’avancée – pourtant inéluctable – sur le sujet.

 

Source : Better Business, Better World, Comission des Affaires et du Développement Durable

 

L’exigence responsabilisation des entreprises ne représente pas une punition de l’activité économique. Bien au contraire, elle favorise une croissance viable et durable, valorisée par une économie fondée sur des valeurs soutenant une justice sociale et environnementale.

De plus, une centaine d’entreprises sont responsables pour 71% des émissions mondiales donc l’ampleur de la catastrophe climatique dépendra forcément de ce que feront les entreprises au cours de la prochaine décennie, que ce soit les gros donneurs d’ordre ou les PME.

Même si les lobbies économiques continuent de fermer les yeux sur le comportement des mauvais élèves sans réaliser qu’ils ont un train de retard, la discussion sur la responsabilité sociale et environnementale continuera d’aller de l’avant.

L’année 2019 sera celle du changement ! Comme l’indique Klaus Schwab, patron du World Economic Forum, il faut un retour à la morale dans l’économie, elle le doit impérativement face aux tensions populaires grandissantes partout sur le globe. Plusieurs mouvements à dimension international démontre que cela est possible, que ce soit les représentant du B Team, du Conscious Capitalism ou encore des entreprises certifiées BCorporation.

“Ce que nous faisons maintenant et dans les prochaines années affectera profondément les quelques milliers d’années à venir” déclare David Attenborough au Forum de Davos qui commence à peine.

Cette semaine nous donnera certainement des éclairages sur cette dimension cruciale qui va de pair avec les questionnements liés à la 4ème révolution industrielle. La vraie révolution est bien sociétale parce qu’il n’est que trop tard pour n’être que durable ou responsable, nous avons besoin d’un leadership porté l’ensemble des acteurs de l’économie afin de construire des modèles inclusifs, circulaires, et régénérants. Le nouveau paradigme est là et il faut y prendre part, la question aux acteurs du libre marché: est-ce qu’ils prendront le train en marche? À moins qu’ils préfèrent rester passivement sur le quai d’une station vouer à disparaître.

Que cache la révolte mondiale? C’est l’économie, stupidement

Les Rebelles Exclus et les Rebelles de l’Extinction ont un objectif commun: un capitalisme mutant qui nuit à la planète et aux hommes.

Rebelles exclus ou l’urgence de la survie quotidienne 

Le Brexit concerne les relations entre la Grande-Bretagne et l’Europe, n’est-ce pas? Certes. Mais le Brexit fait également partie d’une plus grande révolte mondiale. Ce qui rend la chose si compliquée et effrayante, c’est que cette plus grande révolte n’est que l’une des deux révoltes qui éclatent à travers le monde. À moins que nous trouvions un moyen de les réunir, elles ressembleront de plus en plus à une guerre civile mondiale et se déchireront mutuellement, comme elles commencent à le faire aux États-Unis.

La première est la Rébellion des Exclus, une révolte contre ce bricolage qu’est le capitalisme mondial moderne. Au cœur de tout cela se trouve l’échec du fondement moral du capitalisme des actionnaires : La théorie du ruissellement. Au fur et à mesure que les économies se sont répandues, les avantages n’ont pas ruisselé, mais ont plutôt profité à une petite élite mondiale. La richesse leur est tombée entre les mains comme de la neige sèche par une journée venteuse. Tous les autres sont exclus, gagnant leur vie difficilement alors que les vents amers soufflent le peu de richesse qu’ils peuvent voir dans les réserves massives que détient déjà l’élite mondiale.

Pour les exclus, il est clair qu’ils ne sont rien de plus que de la matière à exploiter pour les entreprises internationales axées sur le secteur financier, que ce soit en tant qu’ouvriers ou consommateurs alimentés par le crédit. Comme le relayait le magazine Bilan dans son article « Le vrai visage de l’endettement mondial », le cumul de la dette privée et publique au niveau mondial a atteint un record historique en 2017. Depuis 1950, le poids de l’endettement du secteur privé a triplé. Derrière ces entreprises, il y a les marchés financiers qui maintiennent les exclus en crédit et en dette. Et ces marchés sont opérés par une élite financière dont les excès ont conduit à un effondrement financier au détriment des services publics sur lequel comptent les exclus.

Maintenant, ils en ont assez, alors se tournent vers des populistes tels que Donald Trump, Jair Bolsonaro, Boris Johnson et Marine Le Pen pour contester. Le vote du Brexit n’est qu’une autre manifestation de ce phénomène. Ce Rebelle Exclu est une personne sans sécurité financière, qui vit souvent sur le fil du rasoir. Au Royaume-Uni, un tiers des travailleurs économisent moins de 500 £ pour les jours malheureux. Trop de personnes vivent dans une profonde insécurité. Trop d’entre eux ont trop peu à perdre en cassant la tirelire et en prenant des risques par la suite. La Suisse n’est pas exclue de cette réalité, l’aide sociale couvre de justesse le minimum vital, selon une étude du bureau BASS publié le 8 janvier 2019.

Les Rebelles de l’extinction ou l’urgence de la survie de l’espèce 

Pendant ce temps, un groupe de personnes différent a remarqué que Rome brûlait. Ces personnes ont lancé une deuxième rébellion: la Rébellion de l’Extinction. Un consensus se dégage parmi toute personne capable d’examiner de manière objective les données selon lesquelles, à moins que nous prenions des mesures radicales immédiates, les effets de la dégradation du climat entraîneront des menaces profondes, voire existentielles, pour notre civilisation. Les économies développées pourraient être submergées par les conséquences, à la fois littéralement et métaphoriquement. Un tsunami de migration, car de grandes parties du monde deviennent inhabitables, ne constitue que le début d’une liste effrayante.

Le Rebelle de l’Extinction est une créature complètement différente du Rebelle Exclu. Ils sont moins nombreux car ils ont tendance à appartenir à l’élite, ou du moins à son orbite. Mais ils ont une influence et ont, par exemple, coopté le système éducatif à leur cause, qui enflera bientôt leurs rangs.

Les Rebelles de l’Extinction bénéficient généralement d’un niveau de sécurité financière qui leur permet de se concentrer sur davantage de défis stratégiques que les impératifs existentiels quotidiens des Rebelles Exclus.

À première vue, les intérêts de ces deux groupes sont mal alignés. Le Rebelle Exclu demande de satisfaire ses besoins fondamentaux. Cela signifie des prix moins élevés, des logements bon marché, de la viande rouge, des salaires plus élevés et davantage de services publics. En revanche, le Rebelle de l’Extinction demande des prix plus élevés (car les coûts environnementaux doivent être intégrés dans tous les produits et services), le véganisme et l’habitat écologique et participatif.

Le Rebelle de l’Extinction voit de plus en plus le besoin de lutter contre le changement climatique comme une guerre. Comme dans le genre de guerre «arrêtez-ce-que-vous-faites-et-allez-combattre-l’ennemi-qui-va-autrement-tuer-vos-enfants». Bien que ce soit une idée choquante, c’est bien ce que les données suggèrent de faire si nous voulons éviter une catastrophe. Mais ce n’est pas un argument auquel les Rebelles Exclus financièrement instables peuvent s’identifier. Ils sont trop occupés à trouver le prochain repas pour leurs propres enfants pour se soucier de la planète dont leurs petits-enfants hériteront.

Deux polarités négatives irréconciliables ? ou un levier commun

Jusqu’ici, ces deux révoltes distinctes opéraient en grande partie isolée l’une de l’autre. Mais maintenant, elles grandissent toutes les deux si vite qu’elles commencent à s’entrechoquer.

Récemment, cela a été observé lors de l’affrontement entre les Rebelles de l’Extinction au sein du gouvernement En Marche d’Emmanuel Macron et les Rebelles Exclus des gilets jaunes. Comme dit Fabien Mauret, un constructeur indépendant, alors qu’il se trouvait sur les barricades des gilets jaunes: «Je pense que nous avons atteint le point de non-retour. Avant, il y avait les riches, les moyens et les pauvres. Maintenant, c’est les très riches et les pauvres, il n’y a plus rien entre les deux.» Les gilets jaunes méprisent les efforts d’Emmanuel Macron pour forcer tout le monde à lutter contre le changement climatique sans d’abord répondre à leurs besoins les plus urgents.

Réconcilier le négatif : l’union fait la force

Comment est-ce que ces deux forces élémentaires naissantes pourraient-elles être alignées et orientées positivement? Comment est-ce que cette énergie pourrait-elle être dirigée en collaboration pour le changement, afin que les deux puissent atteindre leurs objectifs?

La réponse doit reposer sur un diagnostic correct des problèmes. Les élites de la Rébellion de l’Extinction doivent reconnaître que le principal moteur de la dégradation du climat est une mutation récente du capitalisme. Cette mutation néolibérale a limité l’objectif de l’économie mondiale à la création de capital – à l’exclusion (ou, dans la pratique, au détriment) des deux autres intrants: la terre et le travail. Ils doivent faire face à la vérité qui dérange, que l’économie mondiale actuelle – le système qu’ils exploitent qui les a transformés en élites – est une mutation qui nous tue tous. En externalisant les coûts sociaux et environnementaux, il a transformé les affaires et la finance en un sociopathe qui dépouille les gens et la planète dans son seul objectif de gagner de l’argent pour ses actionnaires.

La Rébellion des Exclus doit reconnaître que le moteur principal de leur appauvrissement est, en fait, précisément la même chose.

Si les deux rébellions partagent cette compréhension de la cause fondamentale de leur peur et de leur rage, elles pourraient s’aligner autour d’une solution commune. De façon stratégique, il s’agit d’une nécessité impérieuse de redémarrer le capitalisme avec un nouveau système d’exploitation: supprimer la «primauté des actionnaires» en tant qu’idée organisatrice des marchés financiers et installer à sa place «la valeur pour tous».

Cela signifie qu’il faut mettre fin à l’idée que le capital a le droit divin de faire ce qu’il veut à nos terres, à la main-d’oeuvre, aux communautés et à notre planète. Au lieu de cela, les entreprises ont le devoir de répondre aux besoins de capitaux, des terres et de la main-d’œuvre comme but principal.

Parmi les entreprises les plus matures, cette idée a été formalisée et mise en œuvre par le mouvement grandissant des entreprises certifiées B Corporation. Le même concept est au cœur du mouvement en forte croissance des investissements à impact pour une économie régénératrice. Jusqu’ici, tout cela a eu lieu sous le radar du politique. Mais ces mouvements grandissants rapidement offrent aux politiciens une réponse unificatrice, axée sur l’action, pratique et crédible à la fois pour le Rebelle de l’Extinction et au Rebelle des Exclus.

C’est une nouvelle idée politique, distincte du « socialisme » et du « capitalisme libéral ». Tout le monde sait que le gouvernement ne peut pas résoudre nos problèmes, et chacun sait aussi qu’il n’y a rien de tel qu’un marché libre. La montée du nationalisme, les guerres commerciales et le Brexit ont renforcé la vérité fondamentale selon laquelle tous les marchés sont truqués. Et actuellement, ils sont truqués au bénéfice seul du capital et donc au détriment des hommes et de la planète.

Et si nous faisions en sorte que les marchés profitent aux individus et à la planète, ainsi qu’au capital ? Les gouvernements doivent se tourner de toute urgence vers cette question – et prendre ensuite des mesures rapides et concrètes – s’ils ne veulent pas être submergés par les soulèvements jumeaux, furieux et actuellement conflictuels des Rebelles de l’Extinction et des Rebelles Exclus.

 

*Les entreprises certifiées B Corporation sont des entreprises qui ont fait vérifier leurs impacts par une tierce partie et qui modifient leur statut juridique pour y faire apparaître une triple responsabilité : sociale, environnementale et économique. Plus largement, plus de 70’000 organisations dans le monde utilisent gratuitement l’outil d’évaluation d’impact B pour évaluer l’impact de leur entreprise sur toutes les parties prenantes, y compris l’environnement, les collaborateurs, les fournisseurs, les liens avec les communautés et leurs clients.

 

Et si le prochain G20 ne devait plus s’occuper uniquement que de l’économie?

Les pays qui forment le G20 actuellement ont été sélectionnés exclusivement à travers des critères économiques et d’industrialisation à ce jour. Mais que se passerait-il si la composition du G20 était plutôt axée sur les progrès de chaque pays en matière de développement durable?

Premièrement, il est nécessaire de savoir ce qu’est le G20 et quel est son rôle. Le G20 est un forum composé des 19 pays ayant le produit intérieur brut (PIB) le plus important, plus l’Union européenne, c’est-à-dire des États avec un niveau d’industrialisation élevé, rejoints par un groupe d’économies émergentes: Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Mexique, Russie, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Corée du Sud, Turquie, Royaume-Uni et États-Unis. Ensemble, le G20 représente 85% de l’économie mondiale.

Lors des réunions du G20, qui se tiennent normalement chaque année, les pays traitent principalement de questions liées à la sécurité, au système financier mondial et à l’industrialisation.

De la même manière, dans certains milieux, le PIB n’est pas le seul moyen de mesurer le bien-être d’un pays, on peut également dire que les décisions économiques qui affectent le monde entier ne doivent pas être prises uniquement par les pays aux économies les plus riches. Si tous s’accordent à dire qu’un grand pays n’est pas seulement un pays ayant de bonnes performances économiques, mais également un pays qui assure le bien-être socio-économique de ses habitants, respecte les droits de l’Homme et protège l’environnement…

Pourquoi ne pas permettre aux États qui encouragent le développement durable et qui ont montré qu’ils savaient comment appliquer les meilleures pratiques sociales, économiques et environnementales de contribuer à la prise de décisions au niveau international et participer aux choix qui vont avoir un impact majeur sur l’ensemble des Nations?

Seulement 5 pays du G20 feraient le «G20 développement durable »

Cinq pays seulement du G20 feraient le “développement durable du G20”. Si les 20 pays ayant obtenu les meilleurs résultats en matière de développement durable en 2016 étaient sélectionnés pour le G20, sur la base de la réalisation de leurs objectifs de développement durable (ODD), (heureux de compter la Suisse dans les sept premiers),  ceci placerait le Canada, la France, l’Allemagne, le Japon et enfin le Royaume-Uni comme pays leaders. Oui, il faut un leadership important. Non, les gouvernements n’ont pas la capacité de prendre pleinement ce rôle sans le concours du secteur privé et de la société civile.

Le secteur privé et la société civile exhortent les dirigeants du prochain G20 à mener des changements pour une économie d’impact positif globale. 

La semaine dernière, 600 acteurs de l’économie durable se sont rassemblés au Chili, cela constitue une coalition unique en vue du G20, laquelle adresse une lettre ouverte aux gouvernements des pays du G20.

Plus de dix ans après la crise financière mondiale, un groupe de dirigeants d’entreprises, d’entrepreneurs engagés et d’investisseurs d’impact se sont réunis pour appeler les pays du G20 à contribuer à la mise en place d’un système économique au service de l’homme et de la planète.

Compte tenu des sérieux défis et impacts négatifs sociaux, environnementaux et économiques auxquels notre monde fait face (inégalités sociales – 1% de la population mondiale détient 2/3 de la richesses mondiale, destruction du capital naturel (selon le dernier rapport IPCC, nous sommes proche d’atteindre les 1.5 dégrés), cette coalition largement composée d’entreprises certifiées B Corporation (2650 entreprises représentant 60 pays et 150 secteurs d’industries), est engagée à faire bouger les flux mondiaux de capitaux vers des activités générant des résultats sociaux, environnementaux et financiers positifs.

Un « wake up call » ou, coup de semonce en français, à nos leaders mondiaux qui se retrouveront ce vendredi 30 novembre 2019 en Argentine afin de discuter du modèle de développement del’économie mondiale.

« Il est trop tard pour prendre des engagements. Il faut de l’action. Le monde entier regarde »

Trois phrases choc qui synthétisent cette courte lettre demandant à nos dirigeants de reconnaître et prendre des mesures concrètes face à la réalité de notre système économique actuel.

Reconnaitre notamment que le courage des dirigeants mondiaux pour le bien commun est nécessaire : il est essentiel de repenser notre système économique et ses indicateurs autour de valeurs servant la société et la planète, en plus du profit. Reconnaître également que la confiance dans notre système économique et politique doit être rétablie. Finalement, reconnaitre que c’est notre futur qui est en jeu et que sans action collective, la continuelle paire croissance du PIB & destruction du capital social et environnemental va mener à un effondrement économique. L’interdépendance du secteur public, privé, et de la société civile est primordiale pour consolider la paix et un futur durable et inclusif.

Il a ainsi été demandé au G20 de :

  1. Former une commission pour le développement d’une économie pour un impact positif, incluant des représentants de secteurs-clés de la société (secteur privé, public et société civile). Cela afin de (a) proposer des politiques concrètes pour entrainer une économie régénérative, et (b) soutenir le développement de principes d’impact et de standards de responsabilités pour les entreprises, incluant notamment la mesure d’impact ;
  2. Créer de nouvelles formes légales d’entreprises, prenant en compte les intérêts des individus et de la planète et pas seulement des profits à court terme ; et
  3. Diriger pour le long terme en créant de nouvelles règles qui soutiennent un nouveau paradigme de risque, de rendement et d’impact pour toutes décisions entrepreneuriales et d’investissements. Cela permettra de rediriger de larges flux monétaires vers des investissements responsables, durables et à impact, entrainant ainsi le capital vers des rendements triples : individus, planète et profit.

Sans un leadership capable de prendre ces mesures, l’Agenda 2030 pour les Objectifs de Développement Durable et l’accord de Paris sur le climat ne seront que lettre morte, agissons!

 

 

L’IMPORTANCE DE MESURER LA TRANSITION VERS UNE ECONOMIE INCLUSIVE

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté aux Nations Unies le 25 septembre 2015, définit un plan d’action très ambitieux pour l’avenir de notre planète et de l’humanité, avec pour objectif principal de ne laisser personne de côté. Il s’articule autour de 17 objectifs de développement durable (ODD) comprenant 169 cibles (actions à réaliser).

Plus de 193 pays ont accepté de travailler à la réalisation de ces objectifs et se sont engagés à mettre en place des stratégies nationales qui incluent de prendre des mesures pour améliorer de manière tangible la vie de leurs citoyens tout en offrant un environnement viable pour tous.

Cet agenda doit impérativement être réalisé avec le concours du secteur privé, car les gouvernements et les ONG n’y arriveront pas seuls.

Voir l’article “Responsabilité sociétale: La solution viendra du secteur privé” de Rachel Richterich du 24 septembre. 2018.

Aux regards des enjeux, deux éléments majeurs sont nécessaires pour qu’un processus de transformation (changement) soit déployé et piloté sur le moyen et long terme :

  • Les objectifs de développement durable (ODD) sont difficiles à appréhender faute de données standardisées, donc pour avoir une chance d’atteindre les objectifs à l’horizon 2030, il convient d’avoir les bons outils pour mesurer et s’améliorer;
  • Nous ne parlons pas d’échéance à 2030, mais d’action urgente à entreprendre aujourd’hui. Pour rappel l’espoir de rester sous la barre des 2°C d’ici à 2100 n’a plus lieu d’être, il faut maintenant s’adapter et régénérer du capital naturel.

Parmi toutes les préoccupations globales comme locales, que ce soit les enjeux liés à la pauvreté ou la faim en passant par les questions d’équité ou encore la lutte contre le changement climatique, nous avons besoin de données fiables pour savoir d’où nous partons, et si nous faisons des progrès, alors de déterminer quelles sont les pistes d’amélioration. Des méthodes et des données identifiées permettent de prendre des décisions fondées sur des preuves et procurent aux citoyens la connaissance nécessaire à l’élaboration de choix pertinents.

En bref, une bonne politique publique ou une bonne stratégie d’entreprise nécessite de bonnes données et indicateurs de mesures.

Le 4 octobre dernier à Genève, lors de la conférence organisée par la FGC à Genève – “17 objectifs pour transformer le monde : stratégie et mise en œuvre”, Thomas Gass vice-directeur de la DDC soulignait qu’au côté des indicateurs et des données, il était nécessaire de mettre en oeuvre un principe transverse : l’interdépendance ! Appliqué que ce soit entre les peuples ou les gouvernements, il permettra de mettre la compétition à sa juste place afin de construire un modèle de développement adaptatif et basé sur la science. En résumé une approche inclusive qui ne se fasse pas au détriment des humains ou de l’environnement.

Comment transmettre les pratiques et les bons indicateurs pour soutenir l’accélération nécessaire à l’Agenda2030 ?

Je propose de vous partager un petit tour d’horizon des travaux que nous menons avec l’ONG B Lab. En récoltant un grand nombre de commentaires détaillés reçus d’entreprises installées dans toutes les régions du monde et de tous les secteurs d’activités, nous avons acquis la conviction qu’il est possible de mesurer l’ensemble du spectre des ODD au sein du secteur privé grâce à un cadre d’indicateurs mesurables et vérifiables. Nous avons développé, dans un principe d’innovation ouverte, un outil permettant à toute entreprise d’évaluer ses pratiques et son modèle d’affaires à l’aide d’indicateurs de mesure exigeants et ainsi d’évaluer leur performance sociale et environnementale.

La mesure endogène et exogène des externalités sociétales et environnementales est au coeur de la mission de B Lab et compte aujourd’hui plus de 30’000 entreprises à travers le monde. Ce dispositif est doté d’un benchmark couvrant 150 secteurs d’activités différents. Les nombreux cas d’étude réalisés sur les 2’600 entreprises certifiées BCorporation (environ 68% sont des PME) démontrent que quel que soit la taille ou le secteur d’activités, il est possible de redéfinir la notion de performance dans le monde des affaires ! (Mouvement BCORP).

Annoncée en juin 2018 dernier, la collaboration avec l’agence Onusiènne UN Global Compact a pour objectif de développer et améliorer l’outil d’évaluation “B Impact Assessment” actuel en intégrant les ODD.

Ce cadre d’indicateurs qui sera mis à disposition d’ici le second semestre 2019, outre le fait d’être solide, transformera les ODD et leurs cibles en un outil de gestion permettant aux entreprises d’élaborer des stratégies de mise en œuvre et d’allouer les ressources en conséquence, ainsi qu’un rapport d’amélioration.

L’ensemble permettra de mesurer les progrès accomplis en matière de développement durable et d’assurer la responsabilité de toutes les parties prenantes pour la réalisation des ODD.

Nous devons également garder à l’esprit que tous les indicateurs des ODD doivent être considérés comme un ensemble intégré et doivent fonctionner en harmonie les uns avec les autres. De nombreuses questions importantes, telles que l’égalité des sexes, la santé, la consommation, la production durable et la nutrition, recoupent des objectifs et des cibles interdépendants. Ces objectifs interdépendants doivent être poursuivis ensemble, car les progrès dans un domaine dépendent souvent des progrès réalisés dans d’autres.

La feuille de route pour le UN Global Compact et autres agences onusiennes ainsi que pour B Lab qui sont engagés pour le secteur privé, sera d’évaluer les nouvelles méthodes pour mesurer les ODD. Ces enseignements pourraient éclairer le processus d’examen officiel dirigé par les Nations Unies et tous les gouvernements souhaitant élaborer des politiques publiques suivant cette ligne.

Le secteur privé doit saisir cette opportunité en utilisant ces indicateurs, en fournissant les informations en retour sur leur pertinence et dans un esprit d’amélioration continue les affiner au fil du temps. Nous revenons donc sur le besoin d’ajouter au bilan traditionnel les externalités sociétales et environnementales chères à John Elkington avec le fameux « triple bottom line ».

Petit zoom local à Genève,

Les apprentissages d’un programme pilote comme Best for Geneva, initié par B Lab (Suisse) avec le soutien de la République et Canton de Genève ainsi que 30 partenaires de l’écosystème local, sont forts d’enseignement sur la dimension sociologique d’une démarche d’engagement au niveau d’une région pour mesurer les impacts sociaux et environnementaux. Ce programme devrait se déployer dans d’autres cantons prochainement.

Avant même d’avoir finalisé le premier cycle pilote sur Genève, (il reste encore 3 mois pour y participer avant fin décembre ) nous avons appris qu’il fallait du temps pour mettre les acteurs du secteur privé en mouvement et d’avoir le bon message pour qu’ils se mettent en action. Il n’est plus question de dire qui sont les meilleurs de leur secteur, mais bien de se fédérer en étant les meilleurs pour Genève, voire pour le monde !

Le programme est gratuit et la bonne nouvelle qui remonte des 320 entreprises participantes, en plus d’être sensibilisées aux bonnes pratiques, est qu’une fois équipées avec un outil de pilotage, les entreprises se structurent et progressent (participations à des ateliers pour s’améliorer) et augmentent leurs connaissances au contact des autres acteurs de l’économie.

Lors du dernier événement le 25 septembre sur le thème “Comment financer durablement l’économie de demain”, l’importance d’avoir les outils et les données pour mesurer sa progression et pouvoir s’améliorer fut relevée. Pour ceux qui n’ont pas pu venir, voici une petite vidéo captivante ici .

Un bilan sera remis courant février 2019 sur ce premier cycle pionnier en Europe et en Suisse, et pour les retardataires, un nouveau cycle sera lancé en janvier 2019.

La transition vers un nouveau modèle de développement et une économie inclusive est en marche en Suisse comme partout dans le monde, l’initier dans un esprit positif, adaptatif et structuré avec des données tangibles est une opportunité pour permettre de s’adapter à l’urgence tout en évitant de tomber dans une posture de résignation.

Ce nouveau paradigme doit permettre de créer les dynamiques et accélérer la mise en oeuvre par les entrepreneurs d’une transition nécessaire à l’agenda du développement humain ou chacun peut trouver des opportunités et faire sa part, selon ses moyens et capacités.

 

 

Les objectifs sociaux et environnementaux dans les statuts de l’entreprise

Quel rôle peut jouer la Suisse sur la scène du développement économique inclusif et durable ?  Le parlement formulait sa réponse à une interpellation la semaine dernière, les questions adressées avaient pour objectif de savoir comment le parlement identifiait son approche juridique aux regards des entreprises promouvant un impact sociétal et environnemental.

L’interpellation n° 18.3455 déposée par le Parti socialiste en juin auprès du Parlement suisse; visait à proposer une réflexion sur l’opportunité d’une reconnaissance juridique en définissant un cadre propice à l’émergence d’entreprises poursuivant des objectifs sociaux et environnementaux en sus des objectifs de profitabilité.

En réponse à cette interpellation, le Conseil fédéral a souligné par avis du 22 août 2018 l’importance de promouvoir les Objectifs de Développement Durable (ODD) mais insisté que la priorité était pour l’instant à la promotion de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Il est heureux de voir que le Conseil fédéral souhaite favoriser la mise en oeuvre de la RSE et qu’il suit attentivement les travaux menés actuellement par l’UE et ses États membres en vue de créer un statut juridique uniforme en matière d’entrepreneuriat social.

En outre, le Conseil fédéral a indiqué que les initiatives privées visant à encourager l’entrepreneuriat sociétal, tel que le label international “B Corp“, étaient très positives et qu’il estimait à ce stade qu’une définition étatique aurait des répercussions négatives sur cette évolution récente emmenée par la société civile, raison pour laquelle il renonce à en donner une.

Est-ce suffisant ?

Cela vaut néanmoins la peine de se demander si la Suisse devrait créer un cadre juridique viable pour le développement de l’économie inclusive, sans cibler une industrie ou un type d’entreprise, mais en offrant un cadre pour tous les acteurs économiques. Même les véhicules, dits vertueux, comme les coopératives ne peuvent encadrer la prise en compte des externalités sociétale et environnementale au sens du code des obligations.

En effet, plusieurs pays sont pionniers, certainement aux regards d’un besoin accru. À titre d’exemple, en 2016 l’Italie promulguait une nouvelle forme juridique (« Societa Benefita »), sur les traces de l’Oncle Sam, qui depuis 2006 a déjà vu plus de 34 Etats adopter la forme juridique Benefit Corporation. Cette dernière inclut dans ses clauses la prise en considération des impacts sociétaux et environnementaux ainsi que l’obligation de transparence et de vérification indépendante de ceux-ci. Certains Etats y associent aussi des avantages fiscaux du fait de la mission sociétale.

A ce jour, ce sont des milliers d’entreprises pérennes qui ont ajouté ces objectifs en sus de la volonté d’être profitable. Cette évolution juridique pour un capitalisme conscient est également suivie de près par la Grande-Bretagne, le Canada, l’Australie et d’autres pays d’Europe et d’Amérique du Sud.

Le contexte

Instituer un cadre légal adapté aux entreprises opérant avec des objectifs sociaux et environnementaux répondrait à une demande actuelle des entreprises dites à mission, tant pour anticiper les réglementations à venir que pour avoir une reconnaissance de sa mission double. En effet, d’un côté cela permettrait aux entreprises d’être reconnues d’un point vu juridique pour leur prise en compte de leur responsabilité actuelle ou à venir, que ce soit nationalement ou internationalement, et de l’autre, cela servirait de levier proactif pour l’émergence de modèle d’affaires vertueux et ainsi supporter une économie inclusive et stable.

Intégrer ces buts alignerait la conduite fiduciaire de l’entreprise à toutes les externalités positives et négatives. L’objectif étant de faire prendre en charge, au niveau de la gouvernance des entreprises, la poursuite de l’intérêt général (protection de l’environnement, responsabilité sociale et territoriale).

Plus qu’un élan ou une urgence, une opportunité de stabilisation

Quel nouveau vent souffle sur le monde des affaires pour que des entrepreneurs souhaitent un cadre juridique pour protéger leur mission économique, sociétale et environnementale ? L’actualité sur le rôle des entreprises et leur responsabilité ainsi que l’attractivité nouvelle des investisseurs pour financer les entreprises dites durable (voir article FT) :  ou encore la reconnaissance par les grands donneurs d’ordre (inclus les marchés publics), indique qu’il est pertinent de travailler sur un élément systémique : Qui se trouve être le socle juridique des entreprises, et pourquoi pas faire évoluer le modèle même des entreprises et particulièrement celui des sociétés au sens du code des obligations.

 

Les statuts juridiques des entreprises comme instruments de transformation systémique : les juristes et avocats comme agent de changement

On voit aujourd’hui des nouveaux héros apparaître sur la scène du développement durable et de l’économie responsable : avocats, juristes et organismes de réglementation commencent à œuvrer pour l’intégration du fameux « triple bottom line » (c’est-à-dire : personnes, planète, profit) dans les instruments contractuels, fiduciaires ou réglementaires. Au-delà des approches de gouvernance actionnariales, l’urgence pousse à agir au cœur de l’entreprise pour que sa raison d’être et façons de faire s’alignent avec les besoins de nos sociétés et participent à la résolution des enjeux planétaire.

Le moteur de développement économique mondial actuel, même en analysant ses effets positifs durant le siècle dernier, n’est certainement plus à même de répondre aux enjeux des générations futures. (cf créer une gouvernance mondiale pour la transition : UN Scientific paper 08.2018)

 

Pourquoi ?

Force est de constater que depuis plus d’une dizaine d’années, l’importance donnée à la prise de responsabilité sociale et environnementale des entreprises est, en plus d’être croissante, reconnue scientifiquement comme une des solutions aux enjeux planétaires.

Il est clair que le besoin change et que la demande est réelle, à la fois de la part des consommateurs, des employé(e)s et des employeurs. En effet dans les marchés dits développés, 9 consommateurs sur 10 se soucient de savoir si leurs produits ont été fabriqués d’une manière respectueuse de l’environnement et des travailleurs ayant participé à la chaîne de production, et 70% des consommateurs de la génération Y sont prêts à débourser plus pour un produit vendu par une marque socialement responsable (Voir référence en bas de page, 2015,2016,2017). Du côté de l’employé(e), il ne suffit plus de l’inciter financièrement, ses attentes sont plus élevées et se conjuguent à sa quête de sens au travail.

Cela tombe bien car des entreprises découvrent qu’intégrer et cultiver une mission – sociale – aux côtés de celle de faire du profit, attire, engage et retient les employé(e)s et la communauté, et garanti une pérennité. (Harvard Business Review 05.2018 ).

Ces entreprises s’adaptent. Mais en Suisse, faute de promotion d’un cadre juridique qui met en avant les caractéristiques d’entreprises à impact, il est difficile pour celles-ci de se faire reconnaître à leur juste valeur par les parties prenantes et le marché. Il existe également des incertitudes quant à la reconnaissance par les tribunaux de leur triple bottom line et la difficulté de prévoir des incitations étatiques pour ce type de structures.

Il est ainsi essentiel de faire évoluer le statut juridique des entreprises en Suisse afin de laisser la place, non pas à une tendance, mais à une réalité, de s’installer dans le cœur même des entreprises souhaitant combiner profit et impact social et environnemental positif. Un alignement qui pourrait donner une réponse forte à la Suisse concernant de l’Agenda2030 : le Conseil fédéral a adopté un plan national pour la Suisse sur sa mise en œuvre, l’aspect juridique aurait la portée systémique qui donnerait corps à sa volonté de positionnement pour la gouvernance globale.

 

Voici comment cela a été développé aux États-Unis et en Italie via la forme juridique Benefit Corporation

 

La forme juridique de la benefit corporation est idéale pour toutes entreprises à but lucratif également guidées par des valeurs sociales et/ou environnementales, ou pour un entrepreneur souhaitant maintenir son entreprise à des normes de responsabilité et de transparence plus élevées.

Les benefit corporation sont très similaires aux sociétés traditionnelles (SA, coopérative, etc.), la particularité relève du fait qu’elles sont expressément redevables à toutes les différentes parties prenantes, notamment les actionnaires, les employés, la communauté et l’environnement.

4 aspects clés d’une benefit corporation versus une forme d’entreprise traditionnelle :

  1. Exigence liée au but d’intérêt publique général

Les benefit corporation doivent poursuivre un but d’intérêt publique général définit dans le statut juridique de cette dernière comme : « un impact positif significatif sur la société et l’environnement dans son ensemble, évalué selon des normes tierces ». Ce but peut également être spécifique et ainsi précisé dans les statuts et règlements.

  1. Modèle d’affaires centré sur les parties prenantes

Le processus décisionnel des benefit corporation doit prendre en compte les conséquences de toute action ou inaction sur  les actionnaires ; les employés, les subsidiaires et les fournisseurs ; les clients en tant que bénéficiaires de l’intérêt public général ou spécifique ; la communauté et les facteurs sociétaux ; l’environnement local et global ; les intérêts de l’entreprise à court et  long terme ; la capacité de l’entreprise à atteindre son objectif d’intérêt public général ou spécifique.

  1. Exigence de rapport public et transparence

Les benefit corporation sont tenues à des hauts standards de transparence et doivent soumettre un rapport d’impact annuel qui évalue la performance de l’entreprise par rapport à son impact positif sur la société ou l’environnement, selon des normes des tiers indépendants.

 

  1. Mise en place d’un Directeur d’impact

Certaines benefit corporation ont désigné un Directeur d’impact qui est responsable des parties relatives à la conformité du rapport annuel sur l’impact et d’évaluer si l’entreprise a atteint ses buts d’intérêt public général ou spécifique. Ce dernier peut être membre du conseil d’administration ou rester en dehors, tant qu’il/elle est extérieure à l’entreprise.

 

N.B. : Attention à ne pas confondre une entreprise benefit corporation (forme juridique de société applicable aux États-Unis), avec une entreprise certifiée B Corp (désignation internationale attestant la conformité des entreprises à des normes sociales et environnementales élevées). L’objectif étant ici, en tant que B Lab, association et organisme réunissant les B Corp de Suisse, de promouvoir l’introduction d’une nouvelle forme juridique pour les entreprises de type entreprises sociales désireuses d’inscrire comme buts aux côtés du profit, l’impact social et environnemental dans leur modèle d’affaires.

 

Pour en savoir plus :

Le moment est-il venu pour une nouvelle économie post-croissance?

Le modèle économique principalement axé sur la croissance actuellement en vigueur tue notre planète.

Des foules de manifestants ont affronté le président américain Donald Trump lors de sa visite à Londres dernièrement. Il s’avère, une fois de plus, que les positions rétrogrades, racistes, misogynes et divisant la société, adoptées par Trump, indignent le monde entier. Mais malgré cette opposition, le soutien au président Trump grandit. Pourquoi ? notre société actuelle semble n’entendre que les promesses de croissance économique, au détriment des valeurs sociales et humaines.

Ce n’est un secret pour personne que les décisions politiques se font et se défont en fonction de la croissance du PIB. Peu importe les moyens, qu’il s’agisse de supprimer les mesures de protection de l’environnement, de vider de sa substance le droit du travail ou d’exploiter le gaz de schiste, tant que la croissance est relancée, ces décisions sont favorisées.

Ce n’est que le début. Alors que nous nous heurtons aux limites de la croissance – saturation des marchés, épuisement des ressources, changement climatique – il est prévisible que ces mesures deviendront de plus en plus offensives dans la quête de croissance. La voie vers des dirigeants sans merci est ouverte, car notre économie, dans son état actuel, a besoin de croissance. Si l’économie ne continue pas à croître d’au moins deux ou trois pour cent par an dans les pays développés, elle entre en crise. Les dettes ne sont plus remboursées, les entreprises font faillite et les gens perdent leur emploi.

L’économie mondiale a été conçue de telle sorte qu’elle doit croître perpétuellement pour ne pas s’effondrer. Nous sommes ainsi tous les otages de la croissance et de ceux qui la promettent.

Il s’agit d’un problème essentiel, car la croissance est étroitement liée à la dégradation de l’environnement. Une croissance de trois pour cent par an peut paraître faible, mais cela implique que l’économie double tous les 20 ans. Cela signifie doubler le nombre de voitures, de smart phones, le trafic aérien, et donc doubler la quantité de déchets et d’émissions.

Les scientifiques nous disent que nous avons déjà dépassé les principales limites planétaires, et nous pouvons en voir les conséquences tout autour de nous : déforestation, effondrement de la biodiversité, guerres pour les ressources et changement climatique.

Le 1er août 2018 signalait déjà le Jour du Dépassement Mondial (Earth Overshoot Day), jour où l’humanité a consommé autant de ressources naturelles que ce que la Terre peut renouveler durant l’année entière.

 

La bonne nouvelle est que ce n’est pas une fatalité et que la crise peut être évitée, sans révolution ni chocs violents qui l’accompagnent souvent. Nous pouvons choisir de créer une économie qui n’a pas besoin d’une croissance infinie et qui se veut plus inclusive. En réalité, ceci est déjà en train de se produire, car des universitaires et des entrepreneurs du monde entier définissent les bases de l’économie de l’après-croissance.

La première étape consiste à remettre en question le mythe selon lequel la croissance est nécessaire à la société. Un grand nombre d’économistes et de politiciens nous disent que nous avons besoin de croissance pour sortir les gens de la pauvreté.

Toutefois, sur les revenus générés par la croissance, seuls 5 pour cent vont aux 60 pour cent les plus pauvres de l’humanité. » WEA

A vrai dire, la croissance est un moyen extrêmement inefficace et écologiquement insensé pour améliorer la vie des gens. Il existe des moyens beaucoup plus efficients et sans croissance économique que nous pouvons utiliser pour mettre fin à la pauvreté, que ce soit simplement en répartissant plus équitablement les revenus existants ou encore en appliquant de nouvelles externalités humanistes qui assurent une transition adaptative du modèle de développement économique en y intégrant pleinement la dimension sociétale et environnementale.

C’est le principe de base d’une économie post-croissance dite inclusive : équitable, participative, solidaire et régénératrice du capital naturel, unique antidote à la croissance sans limites. Il y a beaucoup d’idées sur la façon d’y arriver. Par exemple, inscrire comme pilier central l’orientation durable au même titre que l’objectif d’être profitable, à travers un nouveau statut juridique pour les entreprises, comme le font les 2600 entreprises du mouvement BCORPORATION.

Différentes mesures concrètes se développent déjà à ce sujet en Suisse :

  • L’interpellation en cours auprès du parlement ici
  • Le renforcement du droit du travail international et la promotion des droits de l’homme, où le Conseil national a adopté mi-juin un contre-projet à l’initiative. C’est maintenant au tour du Conseil des États d’en discuter. Retrouver ici l’initiative pour des multinationales responsables, le contre-projet est accepté par de nombreuses multinationales à ce jour.

Pour accélérer ce changement de paradigme, de nombreuses autres pistes existent : Nous pourrions plafonner le revenu et la richesse. Nous pourrions encourager et même subventionner les coopératives afin que la richesse et le pouvoir soient répartis plus équitablement. La liste est longue et pleine de possibilités viable et vivable.

Mais nous devons également faire quelque chose au sujet de notre dépendance structurelle à l’égard de la croissance.

Le capitalisme sous sa forme actuelle encourage l’augmentation de la productivité du travail afin de retirer plus de valeur du travail des travailleurs, avec comme conséquence que le chômage augmente avec l’amélioration de la productivité. Pour résoudre cette crise, les gouvernements doivent trouver les moyens de générer plus de croissance pour créer plus d’emplois.

En y ajoutant les enjeux du numérique, même une économie principalement de service est et sera impactée si nous ne donnons pas un nouvel encadrement à notre modèle de croissance actuelle. 

Il existe pourtant des moyens éprouvés pour échapper à ce cercle vicieux. Nous pourrions introduire une semaine de travail plus courte, comme la Suède vient de le faire, en partageant la main-d’œuvre nécessaire pour que tout le monde puisse avoir accès à l’emploi sans qu’une croissance perpétuelle soit nécessaire. Nous pourrions aussi réduire les besoins en main-d’œuvre en déployant un système entre le revenu de base universel ou du ratio monétaire fort de l’actualité suisse ces derniers mois en y intégrant une partie de son financement par des taxes progressives sur le CO2 ou encore provenant des transactions financières. Les pistes sont nombreuses et les solutions à notre portée.

La dette est une autre raison pour laquelle l’économie globale doit continuer à croître. La dette s’accompagne d’intérêts, et l’intérêt est une fonction composée. Les particuliers, les entreprises et les États doivent accroître leur productivité simplement pour rembourser leurs dettes. Nous pouvons échapper à ce cercle vicieux en annulant les dettes injustes ou insolvables, peut-être grâce à des audits de la dette des ménages, ce qui nous aiderait à nous libérer de l’impératif de croissance. Nous pourrions également modifier les systèmes monétaires afin qu’ils ne comportent plus de dette ni d’intérêts.

Afin de revenir à une économie viable et vivable qui ne dépasserait pas les limites de la planète, nous pourrions introduire de nouvelles règles qui limitent la quantité totale de ressources que nous consommons et de déchets que nous produisons, un peu comme nous l’avons fait avec les émissions de CO2, afin de ne pas prélever plus que ce que la Terre peut reconstituer ou ne polluer plus que ce que nos écosystèmes peuvent absorber.

Et bien sûr, nous pouvons décider de remplacer le PIB comme principal indicateur de notre succès économique par des indicateurs plus raisonnables et holistiques, comme L’indicateur de progrès véritable (IPV) ou Genuine progress indicator (GPI) en anglais, qui tient compte des impacts écologiques et sociaux négatifs de l’activité économique.

Des pays aussi divers que le Bhoutan, l’Écosse, la Slovénie, le Costa Rica et la Nouvelle-Zélande adoptent déjà des mesures alternatives. Lorsqu’on dit aux dirigeants de mesurer leurs actions sur la base de l’IPV au lieu du PIB, ils sont incités à maximiser le bien commun et à minimiser les effets négatifs sur l’environnement. Des capitaines de l’industrie et des investisseurs se sont pleinement alignés pour faire leurs parts eux aussi.

Dans cette même optique, nous pouvons également ajouter la possibilité de mesurer ce qui compte pour notre civilisation grâce aux indicateurs des 17 Objectifs du Développement Durable (ODD), énoncés par les dirigeants des 193 pays membres des Nations Unies. Il y a une multitude de nouveau possible pour collectivement dessiner la société et l’économie de demain.

Toutes ces idées nous aideraient à sortir du modèle de la “croissance à tout prix” et à transformer ce vieux modèle hérité de l’ère industrielle qui ne manquera pas d’être de toute façon ébranlé avec l’ère digitale qui émerge en ce moment. En tant que civilisation, nous devons faire le choix de donner la priorité à la croissance ou à la vie, mais nous ne pouvons pas faire les deux.

Si nous survivons à l’Anthropocène, ce sera parce que nous aurons réussi à créer des économies dites « inclusives » post-croissance, qui nous permettront de prospérer en harmonie avec cette belle et généreuse planète que nous aimons appeler « Maison ».

 

Voici quelques liens pour approfondir:

http://www.bcorporation.net 

The Five Characteristics of an Inclusive Economy: Getting Beyond the Equity-Growth Dichotomy