Jean Castex, de l’ombre à la lumière

Au matin du vendredi 3 juillet dernier, Jean Castex était encore un inconnu dans l’arène politique française. Au soir, le voilà qui était propulsé Premier ministre suite à la démission plutôt attendue d’Edouard Philippe. Une bonne nouvelle pour Emmanuel Macron qui cherche à regagner la place de numéro 1.

Il est 17h30 précise quand l’ancien et le nouveau Premier ministre, respectivement Edouard Philippe et Jean Castex, se rencontrent. C’est en plein cœur de Paris, à l’Hôtel de Matignon, que se déroule la passation de pouvoir. C’est donc un homme âgé de 55 ans, issu de la droite modérée, ancien collaborateur du Président Nicolas Sarkozy (2007-2012) et tout récemment en charge du déconfinement sur le territoire français qui a pris les rênes du deuxième gouvernement d’Emmanuel Macron.

Emmanuel Macron déjà en marche pour 2022

Emmanuel Macron a fait un choix très inattendu. Les commentateurs politiques avaient plutôt parié sur une femme ou sur une personnalité de gauche. Rien de tout cela. Pour les deux dernières années de son mandat, le Président Macron a opté pour un homme de droite. Ce n’est pas surprenant car s’il se considérait comme centriste à son arrivée au pouvoir en 2017, il a depuis plutôt viré vers la droite. Sécurité, lutte contre le communautarisme ou encore immigration, Macron sait que la prochaine élection présidentielle se jouera sur les sujets régaliens. Avec cette nomination, Emmanuel Macron ne doit pas oublier l’électorat de centre-gauche, indispensable pour la prochaine présidentielle. En effet, il pense déjà à 2022 et à sa réélection.

Le Président français Emmanuel Macron au Palais de l’Elysée, Paris, 6 juillet 2017. Photo : Ibrahim Ajaja / World Bank

Une nomination à l’Intérieur qui fait grincer des dents

Le locataire de l’Elysée a besoin d’un Premier ministre qui ne lui fasse aucune ombre, ce qui était le cas avec Edouard Philippe. Très impopulaire lors de la crise des Gilets jaunes, il était redevenu populaire ces derniers mois au plus fort de la crise du coronavirus. Sur la stratégie de déconfinement national, il y avait quand même des divergences entre Macron et Philippe. Le rôle du Président est plus important que celui du Premier ministre. Emmanuel Macron n’avait d’autre choix que de se séparer d’Edouard Philippe. Ainsi va le système semi-présidentiel français (exécutif à deux têtes). Quant à Jean Castex, la rentrée sera chargée avec la crise sociale et économique qui s’annonce. Sur son bureau, il y a les dossiers de la réforme des retraites tant voulue par Emmanuel Macron ou encore celui sensible des violences policières. Aussi, l’arrivée de Gérald Darmanin à l’Intérieur a fait couler beaucoup d’encre. Celui-ci est contesté par les féministes à cause d’une plainte pour viol qui a été déposée contre lui. Un choix que le nouveau Premier ministre assume entièrement, il l’a répété mercredi dernier face à Jean-Jacques Bourdin sur RMC.

Bon à l’extérieur, mauvais à l’intérieur

Avec ce choix, Emmanuel Macron joue sa réélection. Il a besoin de toute la place pour montrer aux électrices et électeurs français qu’il a tenu le cap et ses promesses. Il a besoin de flatter son égo et de montrer qui dirige la France. Sur le plan européen et international, il a été et reste très apprécié (relations avec Trump ou Poutine, Sahel, etc.). Il l’est moins sur le plan intérieur (augmentation du prix des carburants ou réforme des retraites). S’il veut éviter de voir l’extrême-droite au pouvoir en 2022, alors il doit impérativement tenir compte de trois choses : ressouder sa base électorale, être moins clivant et hautain (éviter les phrases du genre “je traverse la rue, je vous trouve un travail”) et surtout se montrer prêt au dialogue concernant les réformes impopulaires auprès des citoyennes et citoyens français.

Les Présidents français et américain Emmanuel Macron et Donald Trump en pleine discussion bilatérale, Londres, 3 décembre 2019. Photo : Army Staff Sgt. Nicole Mejia

Une Alémanique et un Romand en Suisse, un nordiste et un sudiste en France

Il y a actuellement un point commun, intéressant et plutôt drôle à relever, entre la Suisse et la France concernant la répartition géographique des postes importants. En Suisse, le Conseil fédéral in corpore incarne le rôle de chef d’Etat mais retenons la présidence et la vice-présidence. C’est actuellement la germanophone Simonetta Sommaruga qui est Présidente et le francophone Guy Parmelin qui est Vice-Président. En 2021, l’UDC vaudois deviendra Président et l’italophone Ignazio Cassis deviendra Vice-Président. Chez nos voisins français, Emmanuel Macron, né à Amiens (région Hauts-de-France, département Somme), a choisi Jean Castex, né à Vic-Fezensac (région Occitanie, département Gers). Pour résumer, la France a un Président “nordiste” et un Premier ministre “sudiste”, accent d’ailleurs très sympa à écouter. Cette diversité géographique est une belle manière de représenter l’Etat français.