Brésil : une élection présidentielle sous haute tension

Au début de ce mois, le Brésil et ses 215 millions d’habitants ont célébré dans la joie et la bonne humeur les 200 ans d’indépendance de leur pays. Ancienne colonie portugaise, plus grand pays d’Amérique latine et puissance économique membre du G20, le Brésil est encore une jeune et grande démocratie d’à peine 37 ans. Lors de cette célébration, l’actuel chef de l’Etat Jair Bolsonaro a clairement fait de la récupération politique en mettant en avant sa candidature pour un deuxième mandat de quatre ans. Une fête nationale doit être un moment de rassemblement, pas pour faire campagne dans le pays. Cela aurait dû être plutôt une fête solennelle ou institutionnelle, mais Jair Bolsonaro a préféré chauffer à blanc ses supporters, avec notamment les plus religieux, une partie de l’agrobusiness et une partie des forces armées.

La tentative de rester au pouvoir par tous les moyens

Jair Bolsonaro suit exactement le même parcours que l’ancien Président américain Donald Trump. C’est son modèle pour ainsi dire. De la même façon que Donald Trump a contesté le système électoral américain lors des dernières élections en 2020, Jair Bolsonaro clame depuis des mois que les urnes électroniques ne sont absolument pas fiables, alors qu’elles n’ont jamais posé de problèmes pour la démocratie électorale ces dernières années. Il conteste déjà l’utilisation de ces urnes électroniques. Ses supporters et lui-même attaquent sans arrêt le Tribunal suprême fédéral et la Cour électorale supérieure en mettant en cause leur partialité. Du coup, plusieurs observateurs craignent le lendemain des résultats des élections en cas de non-réélection de Bolsonaro.  Parmi ceux-ci, Fiorenzo Iori qui est un fin connaisseur du Brésil et de ses institutions politiques. Va-t-on vers un assaut violent des bâtiments institutionnels de la part des supporters les plus extrêmes de Bolsonaro ? Impossible de dire à l’heure actuelle, mais selon Fiorenzo Iori, cette piste-là n’est pas à écarter. Il pourrait selon lui se dérouler un coup d’Etat si Jair Bolsonaro n’était pas réélu et s’il ne reconnaissait pas sa défaite. Actuellement, les sondages laissent présager une victoire importante, difficilement au premier tour, mais plus facilement au deuxième tour de son adversaire de centre-gauche Luiz Inácio Lula da Silva.

Des manifestants pro Donald Trump attaquent le Capitole à Washington en 2021. Image : JOSE LUIS MAGANA / AP

Les soutiens indéfectibles de Bolsonaro

Les fidèles de Bolsonaro sont par exemple les votes religieux. Les évangélistes au Brésil représentent tout de même 25% de l’électorat brésilien. Il y a aussi les membres du secteur agricole et industriel, soit l’agrobusiness. Non pas de façon hégémonique, mais la plupart des personnes appartenant à l’agrobusiness soutiennent évidemment Jair Bolsonaro. Le 2 octobre prochain va donc être un dimanche électoral sous haute tension. On craint beaucoup ce que pourraient faire les forces armées le lendemain des résultats des élections. Vont-elles respecter la constitution comme le souhaitent certains officiels ou généraux ou vont-elles se plier aux exigences de leur président qui souhaiterait par ailleurs un coup d’Etat ? Les Etats-Unis, l’Union européenne et la Suisse ont déjà promis des sanctions si ce scénario prenait forme.

Les relations entre la Suisse et le Brésil

D’après le Département fédéral des affaires étrangères dirigé par Ignazio Cassis, « le Brésil est le premier partenaire commercial de la Suisse en Amérique latine ». Il y a 2 ans, notre pays a importé pour environ 1,4 milliard de francs de biens qui venaient du Brésil et a exporté dans ce même pays des biens d’une valeur de 2,1 milliards de francs. Berne et Brasilia ont noué des premiers contacts au début du XIXe siècle. A cette époque, plusieurs commerçants suisses ont vu en ce grand pays un débouché économique à ne pas rater. Toujours selon le DFAE, « en 1819, le premier consulat suisse outre-mer a ouvert à Rio de Janeiro. À partir de la fondation de la ville Nova Friburgo (1818) jusqu’au milieu du XXe siècle, le Brésil a été une destination privilégiée par de nombreux émigrants suisses ». La dernière rencontre entre un président suisse et un président brésilien remonte à 2019. Cette année-là, Ueli Maurer s’était entretenu avec Jair Bolsonaro en marge du Forum économique mondial.

Le Président de la République fédérative du Brésil, Jair Bolsonaro, lors d’une rencontre bilatérale avec le Président de la Confédération suisse, Ueli Maurer. Image : Alan Santos/RP

Turkménistan : le clan Berdymoukhamedov

Les électeurs du Turkménistan, pays d’Asie centrale riche en hydrocarbures, se sont rendus aux urnes hier pour choisir leur “nouveau” président. Un scrutin largement joué d’avance, car c’est le fils de l’actuel dirigeant Gourbangouly Berdymoukhamedov qui va prendre les rênes de ce pays très fermé. Coup de projecteur sur un pays très méconnu ici en Occident.

Hier, les Turkmènes se sont déplacés aux urnes à l’occasion d’une élection présidentielle, dont le résultat était joué d’avance. Elle va permettre au fils de l’actuel Président Gourbangouly Berdymoukhamedov d’accéder au poste suprême de ce pays autoritaire d’Asie centrale. Depuis son indépendance de l’URSS en 1991, le pays va connaître son troisième président en l’espace de trente ans. L’absence d’alternance politique est flagrante. Le fils et nouveau Président Serdar Berdymoukhamedov n’a cessé de gravir les échelons du pouvoir. D’abord gouverneur d’une province, il s’est ensuite vu offrir le portefeuille d’un ministère. Son père n’a toutefois pas prévu de disparaître de la scène politique. Il va rester aux commandes du Sénat. Ce départ précipité pourrait s’expliquer par l’envie d’assurer en douceur la “transition” politique.

Le nouveau Président Serdar Berdymoukhamedov, fils de l’actuel.

Un pays peu accessible

Gourbangouly Berdymoukhamedov contrôle un pays très fermé. A ma connaissance, j’ai très peu vu de reportages sur ce pays. Les journalistes ne sont pas les bienvenus. Avec un tourisme très marginal, il m’est plutôt rare de tomber sur des photos de vacances d’amis qui seraient partis au Turkménistan. Cependant, ce fantasque président reste avant tout connu pour ses mises en scènes à vélo, à cheval, au fitness, en voiture de sport ou encore au piano chantant pour son peuple.

Isolé vis-à-vis de la diplomatie mondiale

Le Turkménistan est un pays, dont la taille est comparable à l’Espagne (488’100 km2 contre 505’911 km2), mais peu peuplé (environ 5,8 millions d’habitants). Les trois quarts du pays sont inhabitables, car désertique. Et pourtant, c’est un Etat riche en hydrocarbures. Il dispose d’environ 10% des réserves de gaz au monde, juste derrière l’Iran, la Russie et le Qatar. Je suis persuadé que le pays peut jouer un rôle important dans l’actuelle crise des ressources pétrolières et gazières en termes d’approvisionnement pour l’Europe occidentale. Le Turkménistan s’est depuis longtemps auto-isolé. Il n’est ni membre de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), ni membre de l’Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) ou encore ni membre de la Communauté des Etats indépendants (CEI). A travers mon fil Twitter, je suis les rencontres internationales et il m’a été plutôt raire de voir Gourbangouly Berdymoukhamedov être reçu ces dernières années à Berne, à Berlin, à Vienne, à Paris, à Rome, à Londres ou à Paris. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe pas de contacts entre le Turkménistan et les chancelleries occidentales.

Quid des relations avec la Suisse?

Les relations entre Berne et Achgabat sont bonnes, d’après le DFAE. Sur son site, il indique que les deux pays “entretiennent un dialogue politique régulier”. Peut-on le croire? Aucun président suisse n’a effectué ces dernières années une visite officielle ou d’Etat au Turkménistan. A l’inverse, aucun officiel turkmène n’a été invité à Berne. La dernière vraie rencontre entre les autorités suisse et turkmène a eu lieu il y a pile 10 ans. En 2012, la Présidente d’alors est Eveline Widmer-Schlumpf et c’est elle qui a eu l’honneur de recevoir son homologue turkmène à Berne. Depuis, plus aucun contact. J’invite le Président Ignazio Cassis a réactivé les relations entre Berne et Achgabat et à soit se rendre dans ce pays soit inviter son homologue en Suisse cette année. Surtout que la Suisse célèbre entre l’année passée et cette année 30 ans de relations diplomatiques avec les cinq pays d’Asie centrale : Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Turkménistan = 1991-2021. Et pour le Tadjikistan, les relations diplomatiques ont été établies en 1992.

Gourbangouly Berdymoukhamedov
Le président turkmène Gourbangouly Berdymoukhamedov accueilli par Eveline Widmer-Schlumpf et une parade militaire à Berne, lors de sa visite officielle effectuée en 2012.

 

Emmanuel Macron : 2022-2027 à l’Elysée?

Le Président de la République sera candidat à un deuxième mandat présidentiel. Emmanuel Macron a choisi la presse régionale pour annoncer aux Français sa candidature. Après cinq années marquées par différentes crises sociale, sanitaire ou encore internationale, il a la volonté de poursuivre ses réformes et de rassembler un pays fracturé par les mesures liées au Covid-19 (port du masque, pass sanitaire, etc.). Peut-il être réélu? Quid des relations avec notre pays la Suisse?

Très occupé avec le conflit ukraino-russe et de nombreux échanges téléphoniques, Emmanuel Macron a tardé à se déclarer officiellement candidat à la présidentielle. Ces dernières semaines, il avait entretenu un faux suspense. Il faisait bien campagne à travers la France, mais sans vraiment faire campagne et sans être encore candidat. Les 10 et 24 avril prochain, l’ancien ministre dans le gouvernement de François Hollande (2012-2017) devra affronter ses principaux adversaires (Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour). Tous ces candidats ont obtenu les 500 parrainages obligatoires pour se présenter. Ils ne se priveront pas d’attaquer le bilan “catastrophique” selon eux d’Emmanuel Macron. Le premier mandat de l’actuel locataire de l’Elysée est sur le point de s’achever et aura été marqué par le mouvement des gilets jaunes, une refonte de l’ordre international avec un Donald Trump très hostile aux institutions mondiales et enfin une pandémie qui a bouleversé nos existences. Emmanuel Macron n’a pas arrêté de jouer cette carte du “en même temps” en essayant de rassembler des élus de gauche et de droite dans ses envies de réformer la France. S’il est réélu en avril prochain, sa tactique ne devrait guère changer. Je vous propose l’article des Echos qui revient sur les succès et les échecs d’Emmanuel Macron avec différentes thématiques comme l’emploi, le pouvoir d’achat ou l’éducation.

Macron, réélection?

D’après un sondage publié hier, Emmanuel Macron se situe au-dessus de 30% pour le premier tour. Il se trouve loin devant Marine Le Pen (14,5%), Eric Zemmour (13%), Jean-Luc Mélenchon (12%), Valérie Pécresse (11,5%), Yannick Jadot (7,5%), Fabien Roussel (4%) et enfin Anne Hidalgo (2,5%). Onze jour après le déclenchement de l’invasion et de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, le chef de l’Etat est crédité de quatre points par rapport au dernier sondage d’Ipsos-Sopra-Steria publiée à la fin du mois de février. Ceci s’explique par le fait qu’en temps d’incertitude ou de guerre comme c’est le cas malheureusement à nos portes, chaque peuple se rattache à une figure d’Etat. Derrière le risque d’un embrasement sur tout le continent européen, les Français accordent leur confiance à celui qui fait actuellement face à ce conflit inédit. En prenant compte cinq sondages réalisés ces derniers temps, Emmanuel Macron cumule désormais à 27,6% des intentions des électeurs contre 16,7% pour Marine Le Pen. J’ai la conviction qu’on va se retrouver avec un scénario identique à celui de 2017, c’est-à-dire Macron – Le Pen lors du deuxième tour. Et je peux déjà dire que si c’est le cas, Macron peut se réjouir, car il sera bien réélu pour un second mandat.

Macron et la Suisse

A son arrivée au pouvoir en 2017, tout avait bien commencé dans les relations entre Berne et Paris. En juillet de la même année, la Présidente suisse d’alors Doris Leuthard était reçue à l’Elysée par son jeune homologue français. En 2018, Emmanuel Macron s’était rendu au WEF de Davos, attendu comme une star de rock. Quelques mois plus tard, c’était au tour d’Alain Berset de se rendre à Paris. D’abord en septembre pour une visite officielle. Ensuite en novembre pour prendre part aux commémorations du centenaire de l’armistice qui a mis fin à la Première Guerre mondiale. Deux ans plus tard, sur invitation d’Emmanuel Macron, Alain Berset a représenté la Suisse pour les festivités du 14 juillet. L’occasion de remercier la Suisse pour la coopération entre Etats lors de la crise du coronavirus. Et depuis, plus rien hormis un échange téléphonique et une brève rencontre avec Guy Parmelin en 2021. La France n’a pas apprécié et à juste titre l’achat par la Suisse d’avions américains. En tant que démocrate-chrétien, j’aurais préféré acheter les avions Rafales français. La Suisse se situe au coeur de l’Europe, cela aurait été une bonne occasion de montrer à l’Union européenne notre attachement à ce continent. Je regrette aussi que Berne n’ait jamais invité Emmanuel Macron pour une visite officielle ou d’Etat à Berne. François Hollande s’était rendu en visite d’Etat dans notre pays en 2015. Il est coutume pour un président français d’effectuer une visite de ce type-là chez le voisin suisse. J’espère sincèrement que s’il est réélu, il viendra visiter notre pays entre 2022 et 2027.

Doris Leuthard rencontre le Président français Emmanuel Macron lors d’une visite officielle à Paris en 2017.

Macron est l’homme dont la France a besoin pour se réformer. Macron est l’homme dont l’Europe a besoin pour s’imposer face aux puissances chinoise, russe et américaine. Macron est l’homme dont l’Europe de la défense a besoin pour se protéger des attaques de pays ennemis et de l’arrivée massive de  migrants illégaux en provenance de l’Orient ou de l’Afrique. Macron est l’homme dont la Suisse a besoin pour continuer à développer les excellentes relations entre nos deux pays. Je ne peux que souhaiter sa réélection au printemps pour que la France puisse continuer à jouer son rôle de leader en Europe et ailleurs dans le monde.

Sergio, grazie!

Les Parlementaires italiens se réunissent demain pour désigner le nouveau président. Sergio Mattarella s’apprête à quitter le Palais du Quirinal. Mais son départ provoque beaucoup d’inquiétudes en Italie et en Europe. Les candidats qui pourraient lui succéder sont pour le moment Paolo Gentiloni ou l’actuel Président du Conseil des ministre Mario Draghi.

L’Italie s’apprête à plonger dans l’incertitude politique. En effet, les députés italiens se réunissent demain pour procéder à l’élection du nouveau président de la République. La fin du septennat de l’actuel Président Sergio Mattarella touche presque à sa fin. Le chef de l’Etat de 80 ans n’a malheureusement pas souhaité rempiler pour un deuxième mandat. Sa succession a entrainé un grand round de négociations entre les différents partis politiques. A la différence d’une élection présidentielle en France, ce sont les Parlementaires de la Chambre des députés (chambre basse) et du Sénat (chambre haute) qui élisent le président pour un mandat de sept ans. En Italie, le rôle du président est essentiellement honorifique. Il n’intervient pas dans les débats politiques. Il a plutôt un rôle d’assurer l’union nationale, par exemple lors de crises gouvernementales ou de tensions entre le Nord et le Sud du pays.

Un homme à la hauteur de la fonction

Sergio Mattarella est une figure politique respectée dans le pays. Il a été député (1983-2008), Ministre de la Défense (1999-2001), Vice-Président du Conseil des ministres (1998-1999), Juge à la Cour constitutionnelle, car jeune il a étudié le droit (2011-2015) et enfin Président dès 2015. En 1980, il fait face à un drame terrible avec la mort de son frère, tué par la mafia. C’est le premier Sicilien à entrer au Palais du Quirinal. Je loue l’ancien juge constitutionnel, car il a su faire face à différentes crises politiques pendant son mandat. Comme en 2018 face à la coalition gouvernementale entre le Mouvement 5 Etoiles (parti populiste de gauche) et la Lega (parti d’extrême-droite). Il a su se poser en garant du respect de la démocratie et de l’Etat de droit. Un comble pour un pays fondateur de l’Europe.

Matteo Salvini de la Lega (à gauche) prête serment devant le Président de la République Sergio Mattarella et le Président du Conseil des ministres Giuseppe Conte à la cérémonie d’investiture du gouvernement italien, le 1er juin 2018, à Rome. Photo : Francesco Ammendola, AFP.

Qui pour lui succéder?

Parmi les candidats les plus cités dans la presse italienne, on retrouve Paolo Gentiloni et Silvio Berlusconi (deux anciens chefs de gouvernement). Mais celui-ci a annoncé hier qu’il renonçait à briguer la présidence italienne. Je verrais bien Paolo Gentiloni à la tête de l’Italie, car c’est un homme qui croit au destin européen. Un autre nom qui circule est l’actuel Président du Conseil des ministres Mario Draghi.

Vers un séisme politique?

J’ai l’intime conviction que Mario Draghi a toutes les qualités requises d’un homme d’Etat. Son engagement pro-européen n’est plus à démontrer, car il a sauvé l’euro lors de la crise financière à la fin des années 2000. Son gouvernement d’union nationale permet à l’Italie de profiter des nombreux fonds du plan de relance européen alors que le pays avait été l’un des États membres de l’Union européenne les plus touchés au début de l’épidémie de Covid-19. Avec le départ possible de Mario Draghi du Palais Chigi, je crains le pire. Les Italiens seront une nouvelle fois appelés aux urnes et l’Italie connaîtra probablement une longue zone de turbulence.

L’actuel Président du Conseil des ministres Mario Draghi (à droite) figure parmi les favoris pour succéder à Sergio Mattarella (à gauche) à la présidence italienne. Photo : AFP.

Et les relations avec le voisin suisse?

Comme l’indique le Département fédéral des affaires étrangères sur son site, les relations diplomatiques entre Berne et Rome excellentes. Cependant, je regrette que Sergio Mattarella ne se soit jamais rendu dans notre pays pour une visite officielle ou d’Etat. L’Italie est quand même notre troisième partenaire commercial. En sept ans de pouvoir, Sergio Mattarella n’aura rencontré que Simonetta Sommaruga lors de la visite de celle-ci à Rome en 2020. J’espère sincèrement que notre Président Ignazio Cassis recevra un officiel italien cette année à Berne.

La démocratie américaine est-elle réellement en danger?

Que retenir du premier des trois débats présidentiels américains? L’actuel Président Donald Trump et le candidat Démocrate Joe Biden se sont affrontés mardi soir à Cleveland (Ohio) et franchement il n’y a pas grand chose à retenir. Ni Trump ni Biden ont gagné cette première manche. Les grands perdants sont avant tout les citoyens américains avec un débat dans lequel il n’y avait pas de réponses à leurs soucis. Affrontements permanents et attaques personnelles, je ne peux constater qu’une seule chose : la démocratie américaine, une des plus vieilles du monde par ailleurs, est en danger.

Le débat de fond est mort. Ce constat est triste, inquiétant mais pourtant bien réel dans un pays comme les Etats-Unis. Donald Trump et Joe Biden ont offert aux citoyens américains et au reste du monde un débat plus que navrant. Alors que les Américaines et les Américains attendaient des réponses concrètes sur le COVID-19, la situation de l’emploi ou encore les émeutes dans plusieurs villes du pays, ils ont eu le droit à un duel théâtral. “Menteur”, “clown”, “vous allez la fermer!” ou encore “il n’y a rien d’intelligent chez vous”, voilà une sorte de résumé des échanges entre deux septuagénaires qui se battent pour le fauteuil présidentiel. Qui pourrait imaginer un débat de la sorte chez nous en Suisse? Personne à mon avis. On aurait pu s’attendre à un président sortant qui fasse le bilan de ses quatre années au pouvoir et à un adversaire qui défende sa vision de l’Amérique avec des idées nouvelles. Ce premier débat peut faire sourire vu d’Europe mais je m’inquiète de la santé de la démocratie dans le pays des libertés.

Un mauvais signal pour les démocrates, un bon signal pour les autocrates

Ce “débat”, si on peut appeler ça un débat, est un très mauvais signal envoyé aux pays où la démocratie et l’Etat de droit existent un peu voire pas du tout (Hongrie, Chine, Egypte, etc.). Les Occidentaux ne peuvent s’empêcher de le répéter à chaque rencontre avec un dirigeant autoritaire ou un dictateur : par exemple “nous sommes inquiets de la situation des droits de l’Homme et de la démocratie chez vous”. Pas sûr que ceux-ci prêtent beaucoup d’attention à ce genre de message. Bref, comment convaincre ces pays où règnent l’autoritarisme de choisir la voie démocratique quand le pays de l’oncle Sam offre un débat tout sauf constructif mais axé sur la haine de l’autre? Ce débat renforce justement le besoin de pouvoir absolu et le rejet net de la démocratie libérale. Donald Trump n’a d’ailleurs jamais caché ses bonnes relations avec des dirigeants controversés. Au détriment des relations d’autrefois avec les Européens.

Le Président Donald Trump discute avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, considéré par certains comme autoritaire, New York, 24 septembre 2018. Photo : The White House

Election à venir plus qu’inquiétante

En raison de la pandémie de COVID-19, les votes par correspondance seront nombreux. Comme à son habitude, le 45ème Président des Etats-Unis d’Amérique a jeté le doute sur la validité de l’élection du 3 novembre prochain. A la question du journaliste expérimenté de Fox News, Chris Wallace, il n’a pas voulu s’engager à ne pas revendiquer la victoire et a appelé sa fidèle base au calme dans le cas où le résultat ne serait pas clairement établi. Joe Biden, de son côté et comme tout bon démocrate qui se respecte dans ce monde, a promis de respecter le verdict final. Avec un président américain qui menace de ne pas reconnaître le résultat de l’élection présidentielle, quel constat dresser vu de Suisse? La démocratie américaine est en danger!

Trump-Biden / Biden-Trump : le combat des papys

Le Président américain Donald Trump (74 ans) et son adversaire démocrate Joe Biden (77 ans) s’apprêtent à partir ou repartir en campagne à travers les Etats-Unis pour tenter de remporter la présidentielle du 3 novembre prochain. Les deux papys de la politique ont été officiellement choisis par leur parti respectif pour s’affronter ces prochaines semaines. Dans une Amérique tellement divisée, la campagne s’annonce tendue. Explications aussi en fin d’article sur le rôle exact de vice-Président aux Etats-Unis.

Après les Démocrates la semaine passée, c’était au tour des Républicains d’organiser leur convention. Aux Etats-Unis, une convention se déroule chaque été précédant l’élection présidentielle. Elle permet au candidat, démocrate comme républicain, et à son colistier d’être investis par leur parti. Sans suspense, Donald Trump a été officiellement choisi par les délégués du “Grand Old Party”. C’est depuis les jardins de la Maison Blanche que le Président Trump a accepté son investiture. Le choix du lieu est à la limite de la légalité quand on sait que la Maison Blanche est un bâtiment fédéral et qu’il est donc payé par les deniers publics. Quant à son actuel vice-Président Mike Pence, il est reconfirmé comme candidat officiel à la vice-présidence des Etats-Unis d’Amérique. Lors de la convention nationale républicaine qui se tenait à Charlotte dans l’Etat de Caroline du Nord, il a déclaré que : “L’Amérique a besoin de quatre ans de plus de Donald Trump à la Maison Blanche”. Pas sûr que tous les citoyennes et citoyens américains pensent la même chose, l’Amérique étant plus que jamais divisée entre conservateurs et progressistes sur de nombreux sujets de société. Pendant les quatre soirs de la convention, Joe Biden a été au centre de toutes les attaques. Donald Trump allant même jusqu’à dire que : “Joe Biden sera le fossoyeur de la grandeur de l’Amérique”.

Le Président Donald Trump débarque de Marine One à Asheville dans l’Etat de Caroline du Nord au premier jour de la convention nationale républicaine, 24 août 2020. Photo : The White House

Biden-Harris, un partenariat idéal

L’actuel locataire de la Maison Blanche accuse souvent son adversaire démocrate d’être “socialiste”. La RTS avait proposé en début d’année une analyse comparative des candidats démocrates avec l’échiquier politique suisse. Résultat pour Joe Biden : en Suisse il serait plutôt chez les Verts libéraux donc à droite. L’allocution prononcée par le vice-Président Pence n’a pas dû plaire aux Démocrates. Ces derniers ont tenu leur convention à Milwaukee dans l’Etat du Wisconsin. Tout comme son futur adversaire, Joe Biden a prononcé un discours pour accepter sa candidature. Il a promis notamment de “tourner la page de la peur et des divisions”. Le choix de sa colistière avec qui il va faire campagne est aussi surprenant. Retenez bien ce nom : Kamala Harris. Fille d’un père jamaïcain et d’une mère indienne, elle deviendrait la première femme de couleur à accéder à la vice-présidence si Joe Biden et elle remporteraient la présidentielle du 3 novembre prochain. Avec ce choix, le candidat démocrate espère gagner le vote de la communauté des Noirs américains. Joe Biden devra aussi miser sur les réseaux sociaux pour remporter l’élection présidentielle. En tant que spécialiste médias sociaux, son image numérique est moins bonne que celle de son adversaire Donald Trump. L’actuel Président américain dispose de 15 fois plus d’adeptes sur Twitter et Facebook et génère nettement plus de recherches sur Google. Rappelons qu’en 2015 Donald Trump a remporté la primaire républicaine “grâce” à un usage immodéré des réseaux sociaux. La campagne jusqu’au 3 novembre se jouera aussi sur les réseaux sociaux à coup de publicité et de publications imagées vantant les mérites de l’un comme de l’autre. Comme les Démocrates ont préféré organiser leur convention en ligne, signe qu’ils prêtent attention aux conseils scientifiques demandant d’éviter les grands rassemblements, c’est devant des délégués connectés que Kamala Harris a accepté sa nomination à devenir peut-être vice-Présidente de Joe Biden.

Convention virtuelle chez les Démocrates et un peu moins chez les Républicains

Les conventions de nomination pour les deux principales formations politiques américaines ont été pas mal restreintes à cause de la pandémie du coronavirus. En temps normal, une convention c’est un véritable spectacle voire show politique. Elle regroupe dirigeants et notables du parti ainsi que de simples militants. C’est à ce moment-là qu’ils décident quel visage ils vont donner au parti pour les quatre prochaines années. Le coronavirus est passé par là et a littéralement chamboulé cette tradition de la vie politique américaine. La convention démocrate s’est pas mal déroulée en ligne, elle a été un peu moins chez les Républicains. Au contraire de Joe Biden qui est resté chez lui, Donald Trump a préféré faire le déplacement en Caroline du Nord. De même que l’actuel vice-Président Mike Pence.

L’ancien Président Bill Clinton s’exprime au troisième jour de la convention nationale démocrate, Denver dans l’Etat du Colorado. Photo : Shayne Adamski

A quoi sert le vice-Président aux Etats-Unis?

Dans les institutions politiques américaines, outre le rôle très important de Président, il y aussi le vice-Président. Depuis 2016, ce poste est occupé par le conservateur Mike Pence. Si vous voulez tout savoir sur le rôle exact de vice-Président des Etats-Unis, je vous recommande en cliquant sur le lien ci-après les explications de Valérie de Graffenried, correspondante du Temps aux Etats-Unis.

 

Alexandre Loukachenko : une réélection controversée au-delà des frontières biélorusses

Au pouvoir depuis 1994, le Président de la Biélorussie Alexandre Loukachenko a remporté la présidentielle du 9 août dernier avec 80% des voix contre 10% pour sa principale opposante Svetlana Tikhanovskaya. A l’annonce des résultats, des milliers de manifestants ont dénoncé les fraudes et sont descendus dans la rue pour exprimer leur colère. Face aux tensions avec l’UE mais aussi avec la Russie, Alexandre Loukachenko pourra-t-il se maintenir éternellement au pouvoir? Résumé aussi en fin d’article de l’état des relations entre la Suisse et la Biélorussie.

Dimanche passé, sans surprise, l’indéboulonnable Président biélorusse, Alexandre Loukachenko, a été reconduit à la tête du pays pour un sixième mandat. Avec 80% de voix en sa faveur contre 10% pour sa principale opposante, Svetlana Tikhanovskaya, c’est un quasi score soviétique qu’a réalisé le chef de l’Etat. Il faut se souvenir que le Président biélorusse est arrivé au pouvoir en 1994, j’avais à peine 1 an. Imaginez donc les jeunes de mon âge qui sont nés en Biélorussie, ils n’ont connu qu’Alexandre Loukachenko! A l’annonce des résultats au soir du dimanche 9 août, des milliers de manifestants protestaient contre le réélection de l’autoritaire ou du dictateur Loukachenko (à vous de choisir le terme qui décrit le mieux ce personnage). Ces derniers dénoncent des fraudes massives lors de la présidentielle. Par la suite, les manifestations pacifiques ont été violemment voire brutalement réprimées par les forces de l’ordre. La crise politique s’installe sur fond de tensions avec l’Union européenne et la Russie.

Des manifestants violemment réprimés

Après 26 ans de règne sans partage, les citoyennes et citoyens biélorusses voulaient un véritable changement. Rien n’a faire! Avec les images et les vidéos violentes de répression contre les manifestants, pour la plupart pacifiques, le monde s’est encore une fois divisé en deux blocs. Côté ouest, Berne, Bruxelles et Washington, DC ont appelé au respect des droits fondamentaux : s’exprimer librement et manifester pacifiquement. Côté est, Moscou et Pékin ont simplement félicité Alexandre Loukachenko pour sa réélection. Sans surprise! La police biélorusse a annoncé mercredi dernier avoir procédé à de nouvelles arrestations et fait usage de balles réelles. D’ailleurs, un de nos compatriotes a été interpellé dans le cadre des heurts en Biélorussie. Bonne nouvelle : il a été relâché vendredi dans l’après-midi. Quant à Svetlana Tikhanovskaya, elle a malheureusement dû fuir son pays pour se réfugier en Lituanie dans la nuit de lundi à mardi. Information confirmée le lendemain par le Président lituanien Gitanas Nauseda sur son compte Twitter. Mais les protestations des capitales européennes et la menace d’un retour des sanctions (levées en 2015) de l’UE suffiront-elles à faire plier le Président Loukachenko? Face aux pressions de la rue et à l’impasse politique actuelle, le chef de l’Etat biélorusse finira-t-il par dialoguer voire même lâcher le pouvoir? Un départ de Loukachenko dans les prochains jours voire les prochaines semaines est peu probable car il dispose encore d’une base fidèle et surtout il se maintient grâce aux militaires et aux forces de police. Vladimir Poutine ne va sûrement pas le lâcher, il ne veut pas revivre un deuxième épisode ukrainien. Je pense qu’il le laissera tomber seulement s’il trouve une ou un candidat(e) qu’il juge efficace et répondant aux intérêts russes.

Manifestation de soutien au peuple de Biélorussie qui conteste la réélection d’Alexandre Loukachenko, Berlin, 14 août 2020. Photo : Presseservice Rathenow

Loukachenko, une présidence sans partage

Alexandre Loukachenko a passé 26 ans au pouvoir à la tête de la Biélorussie. Cette ex-république soviétique de 9 millions d’habitants a toujours son KGB, son économie planifiée et sa peine de mort. On le surnomme volontiers “Batka” (petit père) ou le dernier dictateur d’Europe. Les années de présidence Loukachenko pourraient se résumer à cela : anéantissement de toute forme d’opposition et fraudes électorales. Traditionnellement, la Biélorussie est très proche du Kremlin. Pourtant, ces dernières semaines, Alexandre Loukachenko a accusé sans surprise l’UE mais aussi son voisin russe d’ingérence dans la présidentielle.

Minsk-Moscou, une relation de plus en plus compliquée

La relation spéciale entre la Biélorussie et la Russie a du plomb dans l’aile. Pendant la campagne présidentielle, Alexandre Loukachenko a accusé plusieurs fois la Russie d’ingérence dans les affaires intérieures. Pour se rendre compte de cette tension, en juillet dernier, la police biélorusse avait arrêté 33 mercenaires russes du groupe Wagner. Elle les accusait de vouloir mener un coup d’Etat armé contre le Président Loukachenko. En temps normal, les relations entre Minsk et Moscou sont excellentes. Il existe même un traité datant de 1999 qui stipule qu’à terme la Biélorussie sera intégrée à la Russie pour former un seul et même pays. L’origine des tensions entre Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine remonte à 2019 : les deux hommes n’ont pas réussi à s’entendre sur les prix préférentiels des hydrocarbures russes vendus à la Biélorussie. Depuis, les attaques de Loukachenko contre son homologue russe n’ont fait que croître.

Rencontre bilatérale entre les Présidents Loukachenko (à gauche) et Poutine (à droite), Sotchi, 7 février 2020. Photo : Fre News 24h

Joli coup de poker pour Ignazio Cassis

Selon le DFAE, les relations entre la Suisse et la Biélorussie “n’ont cessé de se renforcer ces dernières années”. En février 2020, quelques semaines avant la fermeture des frontières, le Ministre suisse en charge des affaires étrangères Ignazio Cassis s’était rendu en Biélorussie. Il y avait rencontré son homologue mais aussi le Président Alexandre Loukachenko. Sa visite était aussi l’occasion d’inaugurer l’ambassade de Suisse à Minsk. Pour rappel, le Conseil fédéral avait en mai 2019 décidé “d’élever au rang d’ambassade la représentation helvétique en Biélorussie”. Je ne crois pas que les relations entre les deux pays vont s’effriter à cause des derniers événements. Fermer une ambassade inaugurée en début d’année serait un peu incompréhensible de la part du Conseil fédéral. La Suisse parle à tout le monde, y compris à des pays qui respectent moins les standards démocratiques. Le Ministre Cassis s’est entretenu vendredi matin avec son homologue biélorusse. Et l’après-midi, le citoyen suisse qui était emprisonné a été relâché. Comme quoi, même un pays neutre qui d’habitude ne se fâche avec personne, peut obtenir des résultats concrets en élevant un peu la voix.