30 ans d’indépendance : comment quatorze ex-républiques soviétiques ont quitté l’URSS

Il y a trente ans, en 1991, l’URSS (Union des Républiques socialistes soviétiques) de Mikhaïl Gorbatchev commençait à se disloquer. L’une après l’autre, les quatorze républiques soviétiques commençaient à se libérer de la tutelle de Moscou. C’est dans ce contexte que certaines ont célébré, célèbrent ou célèbreront prochainement les trente ans de leur indépendance. A l’image de l’Ukraine qui a fêté ses trente ans d’indépendance le 24 août dernier avec au menu de la journée un défilé de soldats, de chars et de missiles. Un message politique fort envoyé de la part de Volodymyr Zelensky, le jeune Président ukrainien, à son homologue russe, Vladimir Poutine. Rappelons que ce dernier a en 2014 fait rattacher illégalement la Crimée (territoire ukrainien) au reste de la Russie. Aujourd’hui, quel est l’état des relations entre la Russie et ses anciennes républiques soviétiques? Quelle place occupent ces nouveaux Etats indépendants sur la scène mondiale? Pourquoi ces pays sont importants aux yeux de la diplomatie suisse? Tour d’horizon.

Nouveaux Etats indépendants, entre intérêts russes et européens

De manière générale, la Russie de 2021 entretient de bonnes relations diplomatiques avec la plupart des ses anciennes républiques soviétiques. On peut citer parmi elles : 1) Les cinq pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan). La Russie mise sur la coopération économique et militaire et surtout la stabilité de cette région, propice aux mouvements islamistes radicaux. 2) Les deux pays du Caucase du Sud (Arménie et Azerbaïdjan). La Russie s’efforce de rester neutre dans le conflit du Haut-Karabakh et soutient le processus de paix qui pourrait permettre le retour à la paix entre Bakou et Erevan. 3) La Biélorussie. La Russie souhaite poursuivre l’intégration dans le cadre de “l’Union d’Etats Russie-Biélorussie”, un rapprochement qui devrait à terme créer un seul Etat entre les deux pays. 4) La Moldavie. Même si la Présidente actuelle est une pro-européenne convaincue, elle a assuré qu’elle s’efforcerait à trouver un équilibre entre l’Union européenne et la Russie, ce qui n’a pas déplu à Vladimir Poutine. La Russie va poursuivre la coopération économique avec ce petit pays.

A l’inverse, la Russie entretient des relations diplomatiques difficiles avec 1) La Géorgie. En 2008, des combats ont eu lieu dans les deux régions séparatistes pro-russe que sont l’Ossétie-du-Sud et l’Abkhazie. Treize ans après le conflit, les relations ne sont toujours pas rétablies. 2) Les trois pays baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie). Ceux-ci ont été marqués par la période soviétique et redoutent à chaque instant une invasion russe sur leur territoire. Leur appartenance à l’UE et à l’OTAN permet néanmoins de s’assurer d’une protection de leurs frontières. 3) L’Ukraine. Depuis l’annexion illégale de la Crimée par la Russie, les relations entre d’un côté Moscou et de l’autre Bruxelles et Washington se sont fortement dégradées même si tout le monde s’efforce à poursuivre le dialogue pour trouver des solutions pacifiques. Preuve de l’importance de l’Ukraine aux yeux de la Russie, Lénine disait même que : “si nous perdons l’Ukraine, nous perdons la tête.”

Rencontre des chefs d’Etat de l’Azerbaïdjan, de l’Arménie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, de la Moldavie, de la Biélorussie, de la Russie, du Tadjikistan, du Turkménistan et de l’Ouzbékistan à l’occasion d’un sommet de la Communauté des Etats indépendants en octobre 2014 en Biélorussie. Photo : compte Twitter de la présidence russe.

Les ex-républiques soviétiques sur la scène géopolitique mondiale

Parmi ces quatorze ex-républiques soviétiques, certaines ont su se placer sur l’échiquier géopolitique mondial. Le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie et l’Ukraine mais pour des raisons différentes. Le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et l’Ukraine pour leurs exportations vers l’Occident de pétrole, de gaz naturel, de ressources minières et de produits agricoles. L’Ouzbékistan et le Tadjikistan pour leur rôle de pays stables et de soutien à lutte contre le terrorisme en Afghanistan. Leur poids dans la région devrait encore se renforcer à la suite du retrait chaotique et précipité des Américains d’Afghanistan. Tachkent et Douchanbé pourront compter sur l’appui militaire de Moscou afin de protéger leurs frontières, qualifiées parfois de poreuses. L’Arménie pour la défense des Chrétiens dans une région majoritairement musulmane. Un thème cher pour les dirigeants occidentaux. La Biélorussie à cause de sa position géographique, un pays aux portes de l’Europe. Depuis la réélection contestée d’Alexandre Loukachenko l’été dernier, les relations avec Bruxelles et Washington se sont encore dégradées.

A l’inverse, d’autres pays comme le Kirghizistan, le Turkménistan, la Moldavie, la Géorgie ou les trois Etats baltes ne représentent pas ou peu d’intérêts politico-économiques pour Washington, Bruxelles et Berne. Cela ne veut pas dire qu’il ne s’y passe rien, simplement que ces pays ne divisent pas l’Ouest et l’Est comme c’est le cas pour le dossier ukrainien.

Le Président français Emmanuel Macron avec le Premier ministre arménien Nikol Pachinian.

Les relations entre la Suisse et les ex-républiques soviétiques

On pourrait croire que la Suisse n’a de liens économiques forts qu’avec la Russie. Au contraire, la Suisse jouit d’une place importante auprès de certains de ces pays. A commencer avec les cinq pays d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkménistan) avec qui elle collabore étroitement au sein des groupes de vote de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (institutions de Bretton Woods). Le Kazakhstan est le premier partenaire commercial pour la Suisse dans cette région. D’après l’agence de presse Kazinform, le Président kazakh devrait bientôt se rendre en Suisse dans le cadre d’une visite officielle. Dans le Caucase du Sud, la Suisse s’efforce de soutenir le processus de paix dans le conflit d Haut-Karabakh opposant l’Arménie et l’Azerbaïdjan. D’ailleurs, en 2015, l’ancien Président suisse Didier Burkhalter avait proposé ses bons offices en accueillant un sommet entre les présidents azéri et arménien pour relancer le dialogue. Concernant la Géorgie, la Suisse représente depuis 2009 les intérêts diplomatiques de la Géorgie à Moscou et ceux de la Russie à Tbilissi. Cela fait suite au conflit armé de 2008 entre les deux pays. L’Azerbaïdjan est le premier partenaire commercial pour la Suisse dans cette région.

A l’opposé, avec les Etats baltes, les relations diplomatiques sont bonnes mais pourraient encore être développées. La Lituanie est le principal partenaire économique dans cette région. La Suisse joue un rôle important dans la résolution du conflit entre la Russie et l’Ukraine. La Suisse veut préserver ses relations diplomatiques avec Kiev et Moscou au travers de sa politique des bons offices. Elle accueillera l’édition 2022 de la Conférence sur les réformes en Ukraine. Enfin, pour ce qui est de la Biélorussie et de la Moldavie, les relations économiques sont modestes. La Suisse a très peu développé ses relations avec ces deux pays.

L’ancien Président de la Confédération Ueli Maurer s’était rendu en visite officielle au Kazakhstan en novembre 2019. Pour rappel, le Kazakhstan est le premier partenaire commercial de la Suisse parmi les cinq pays d’Asie centrale. Photo : compte Twitter du Département fédéral des finances.

Trente années se sont écoulées entre 1991 et 2021. Les quatorze ex-républiques soviétiques se sont libérées des ordre de Moscou et ont pu se (re)construire et suivre leur propre chemin. Toutes veulent garder des bonnes relations avec la Russie mais elles cherchent aussi à diversifier les partenaires. Certaines d’entre elles ont su s’imposer sur la scène internationale, notamment avec l’exportation d’hydrocarbures. Certains diront que ces pays n’ont pas suivi le chemin de la démocratie. Tant pis, le plus important est que ces pays restent des partenaires stables, notamment dans la lutte contre le terrorisme international.

Jonathan Luget

Jonathan Luget est né en 1993, un mois après la visite du premier chef d'Etat européen, François Mitterand, dans la jeune République du Kazakhstan. En marche avec un CFC, deux maturités et deux diplômes SAWI (communication et réseaux sociaux). Les loisirs se partagent entre la lecture d'ouvrages géopolitiques, la rédaction d'articles, la cuisine et la natation.

4 réponses à “30 ans d’indépendance : comment quatorze ex-républiques soviétiques ont quitté l’URSS

  1. Il me semble que la question de la Crimée devrait pouvoir être tranchée facilement et démocratiquement si tout le monde est de bonne fois, en demandant à la population de ce territoire si elle préfère être russe ou ukrainienne, sous supervision d’observateurs neutres (la Suisse pourrait peut-être jouer là un rôle utile, après tout c’est un peu ce que l’on a fait chez nous pour régler la question jurassienne). Et ensuite, que l’un et l’autre pays acceptent le verdict des urnes quel qu’il soit et qu’on reparte sur de bonnes bases dans les relations entre états européens (sans plus de menaces, sanctions et contre-sanctions de part et d’autre).

    1. Bonsoir Ceilteach, je vous remercie pour votre commentaire. Je partage votre avis, la question de la Crimée devrait être résolue de manière démocratique. C’est-à-dire en appelant la population à se prononcer de manière indépendante, sans pression ni menace de la part de l’autorité politique. Vous dites : “que l’un et l’autre pays acceptent le verdict des urnes”, là aussi je partage votre constat. Malheureusement, en Russie comme en Ukraine, la culture politique est autre que chez nous. Accepter une défaite est peu courant chez eux, voyez la Russie par exemple. La Suisse est un partenaire apprécié tant de Moscou (visite d’Ueli Maurer en 2019) que de Kiev (visite de Simonetta Sommaruga en 2020). D’ailleurs, l’an prochain, le Président suisse Ignazio Cassis aura le “plaisir” d’accueillir chez lui au Tessin la conférence des réformes en Ukraine.

  2. C’est se moquer de vos lecteurs de laisser ouverte la rubrique “commentaires” et de ne pas en publier! Le “Temps” devrait d’ailleurs fermer les blogs qui ne donnent lieu à aucune discussion, ce qui montre que le sujet n’intéresse pas.

    1. Je m’excuse de la réponse tardive. En fait, je dois toujours valider le commentaire avant que celui-ci apparaisse au grand public. C’était juste une question de temps. Je suis transparent et je publie toujours tous les commentaires, sauf ceux qui déraperaient.

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