Valéry Giscard d’Estaing : 1926-2020

L’ancien Président de la République française, Valéry Giscard d’Estaing, est décédé mercredi dernier des suites du Covid-19. L’ensemble de la classe politique française, de gauche à droite, ont rendu hommage au plus jeune chef d’Etat de la Ve République lors de son élection en 1974. VGE restera comme un Président qui a permis à la France post mai 68 de se moderniser et de s’imposer sur la scène politique européenne comme internationale grâce notamment à une nouvelle sorte de communication politique.

“Valéry Giscard d’Estaing possédait un sincère sens de l’intérêt général, et a su, parfois contre sa propre famille politique, engager des réformes dont chacun mesure aujourd’hui l’impact”. Ce sont les quelques mots sortis de la bouche de l’ancien Ministre de la culture Jack Lang, pour rendre hommage à Valéry Giscard d’Estaing ou VGE, décédé mercredi dernier. Si l’ancien Président de la République française avait été suisse, il aurait pu endosser l’habit de Conseiller fédéral sans aucun problème. Je me permets cette comparaison avec la Suisse car dans ce pays aussi les membres du Conseil fédéral prennent parfois des décisions qui vont à l’encontre de leur parti politique respectif. Valéry Giscard d’Estaing était un homme qui travaillait dans l’intérêt des Françaises et des Français et se considérait volontiers comme quelqu’un proche du peuple. A mon avis, la qualité d’un chef d’Etat c’est d’abord de comprendre les soucis de la population, et par la suite de proposer des améliorations via des réformes ou des nouvelles lois. La présidence Giscard d’Estaing aura été marquée par de grandes réformes économico-sociales dont notamment l’abaissement du droit de vote à 18 ans ou la création du G7.

Première grande réforme pour VGE

C’est au début de son septennat que Valéry Giscard d’Estaing abaisse l’âge de la majorité à 18 ans. Après les événements de mai 68, VGE avait compris qu’il était temps de sortir de l’immobilisme des années de Gaulle et que des réformes sociétales étaient indispensables. Permettre à des jeunes Français de participer à la vie politique ou d’exprimer leurs opinions dès 18 ans était une manière de montrer que celui qui dirigeait la France comprenait les attentes d’une partie de la jeunesse. La loi, votée à l’Assemblée nationale à l’unanimité, est promulguée en juillet 1974. Pour rappel, depuis 1848, l’âge de la majorité sur le territoire français était fixé à 21 ans. En Suisse, l’âge de la majorité était fixé à 20 ans depuis 1848 et la création de l’Etat fédéral. C’est en 1991 que l’âge pour le droit de vote et d’éligibilité passe de 20 à 18 ans. 

VGE, un révolutionnaire dans la communication politique

Valéry Giscard d’Estaing a su non seulement parler aux jeunes mais a aussi révolutionné les codes de la communication politique. Sous la présidence de Charles de Gaulle (1959-1969) et de Georges Pompidou (1969-1974), la communication de l’Elysée était plutôt cadenassée. VGE a senti qu’il fallait casser les codes établis et moderniser la façon de s’exprimer devant le peuple français. Un peu à la manière de John Fitzgerald Kennedy aux Etats-Unis, il sera même nommé le “Kennedy français”. VGE n’a aucun mal à mettre en scène sa vie privée, il veut montrer l’image d’un chef d’Etat jeune et dynamique, en opposition totale avec ses prédécesseurs. Durant son unique mandat, on le verra en maillot de bain sur une plage, au ski avec sa famille ou encore s’invitant chez les Français pour dîner avec eux. Une véritable révolution pour la présidence française dans sa façon de communiquer de se rapprocher des petites gens. VGE restera comme le Président qui a permis de montrer aux citoyens qu’au fond il est comme tout le monde.

Les Présidents français et américain, Valéry Giscard d’Estaing (à gauche) et Gerald Ford (au centre), à l’occasion d’un sommet France – Etats-Unis en 1977. Un Président français qui embrasse le changement et la modernité. Photo : AFP

Le G7, une initiative française

On doit la création du G7 à Valéry Giscard d’Estaing (Groupe des 7, formé de l’Allemagne, du Canada, des Etats-Unis, de la France, de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni), les 7 pays les plus riches et industrialisés de la planète. Il n’a jamais caché son goût pour les affaires du monde. Les 7 chefs d’Etat et de Gouvernement ont décidé au lancement de ce groupe de se réunir annuellement, avec une présidence tournante afin de discuter des grands sujets économiques et financiers. Sur le plan européen, il est celui qui a mis en route le moteur franco-allemand, travaillant étroitement avec le Chancelier fédéral allemand d’alors Helmut Schmidt. VGE avait une relation spéciale avec le voisin allemand. Il parlait allemand et il était né à Coblence en 1926, dans une Rhénanie alors occupée par les Français. Un axe Paris-Berlin qui fait aujourd’hui encore ses preuves avec le couple Merkel-Macron. à l’image des deux images ci-dessous.

 

Le fameux “au revoir” de VGE en 1981

La première image de VGE qui vient à l’esprit de tous, c’est son fameux “au revoir”. On est en 1981 et VGE vient de perdre l’élection présidentielle contre le socialiste François Mitterand. La claque! VGE ne s’y attendait pas et c’est sur La Marseillaise qu’il se lève et qu’il quitte le salon présidentiel élyséen, écœuré. Au revoir, Monsieur le Président de la République française.

 

Jonathan Luget

Jonathan Luget est né en 1993, un mois après la visite du premier chef d'Etat européen, François Mitterand, dans la jeune République du Kazakhstan. En marche avec un CFC, deux maturités et deux diplômes SAWI (communication et réseaux sociaux). Les loisirs se partagent entre la lecture d'ouvrages géopolitiques, la rédaction d'articles, la cuisine et la natation.

11 réponses à “Valéry Giscard d’Estaing : 1926-2020

  1. Les médias répètent à toutes les occasions son fameux “vous n’avez pas le monopole du cœur” qu’il avait lancé dans la figure de Mitterrand en direct lors de leur débat télévisé avant les présidentielles de 1981, mais tout le monde a oublié la séquence la plus importante dans ce débat, quand il posa la question à Mitterrand: Quel est le cours du Deutsche Mark contre le FRF en ce moment? et bien sûr Mitterrand ne savait pas, il n’a probablement jamais su. Je pense que les français n’ont pas donné suffisamment d’importance à ce dernier échange puisqu’ils ont élu FM en 1981, et pas qu’une seule fois !

    1. Le «   monopole du cœur  », c’était en 1974, année de son premier et unique succès électoral, pas avant sa défaite de 1981  !
      Donc l’impact émotionnel était peut-être plus efficace, à l’époque comme de nos jours, que l’argument rationnel et financier…

    2. Bonjour, merci pour votre commentaire. La séquence de VGE la plus mythique restera pour moi son fameux “au revoir”. Est-ce que quelque chose comme ça pourrait arriver de nos jours, en Suisse ou en France?

  2. Paix à son âme, pauvre Giscard.

    S’il ne laissera pas un souvenir inoubliable et n’emportera pas les diamants de Bokassa dans ses poches,
    il a au moins un confiseur suisse qui lui rend hommage, c’est déjà ça 🙂

    P.S. Ruquier l’imite plutôt bien, après le Luron!

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire. Oui, j’ai aussi lu cet article du 24 heures. L’Elysée se faisait directement livrer des giscards. Surprenant que VGE ne soit pas venu souvent en Suisse, à Berne pour des visites officielles et/ou d’Etat. Non?

  3. VGD était suprêmement intelligent, un esprit vif et cultivé, même De Gaulle l’écoutait quand il parlait, ses réflexions étant toujours pertinente.
    Il a eu des réussites, le TGV, les lois en faveurs des femmes mais en finalité, son mandat fut le début de la fin.
    Il a plombé l’économie Française en adossant le Francs au Deutsch mark fort espérant ainsi donner de la vitalité à l’industrie Française, une fausse bonne idée qui a suite au choc pétrolier à en France plombé l’économie et à l’inverse des Allemands qui ont augmenté les taxes pour les particuliers, VGE l’a augmenté pour les entreprises, erreur stratégique énorme.
    Il est le fourvoyer de la V -ème république, c’était son projet de réduite le septennat à un quinquennat pour s’aligner ( dans son esprit) sur les institutions des autres pays ( UK, Allemagne,etc) Cette exception Française qui permettait d’avoir un plan de développement sur un temps plus long et donc une certaine stabilité fut réduite avec l’arrivée de ces 5 ans de pouvoir ( sous Chirac à qui d’ailleurs on a forcé la main) et évidemment la médiocrité des présidents depuis dans ce pays.

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire. Je suis entièrement d’accord avec vous, VGE était un grand Homme, intelligent, vif et cultivé, comme vous l’avez dit. Je pense qu’il a permis à la France post-68 de se moderniser et de s’imposer sur la scène européenne comme internationale. Mais c’est aussi vrai qu’à partir des années 1970 l’économie française s’est plombée, et encore maintenant. Chaque année c’est un déficit. Que pensez-vous? Est-ce mieux un septennat ou un quinquennat? A titre personnel, je préfère le mandat d’une année d’un président suisse, il y a moins de risques de tensions avec la population.

  4. Je dois aussi avouer que je trouve que cet article manque de fond, rien sur le remboursement de la pilule, le divorce par consentement mutuel ou encore IVG qui sont des véritables pas en avant pour la liberté des femmes.
    La vrai réussite de VGE.

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire. C’est vrai que le remboursement de la pilule, le divorce par consentement mutuel ou encore l’IVF sont de véritables progrès dans une France post-68 et traditionnelle. J’aurais pu développer ces thèmes mais je préférerais me concentrer sur le droit de vote à 18 ans ou la création du G7. Je laisse le soin à mes consœurs d’aborder ces thèmes-là. Sinon, qu’avez-vous penser de l’article. Vraiment il manque de fond?!

  5. N’oublions pas que, dans l’intervalle, le duo Kohl – Mitterand était aussi un puissant moteur franco-allemand. Il s’est essoufflé par la suite avec leur successeurs respectifs.

    1. Bonjour, merci pour votre commentaire. VGE a vraiment lancé le moteur franco-allemand, il en est l’artisan. Celui qui a permis de dynamiser les échanges économiques entre Paris et Berlin. De plus, il parlait allemand. C’est vrai que ses successeurs (Mitterand, Chirac, Sarkozy ou Hollande) avaient peut-être une autre vision des relations entre la France et l’Allemagne. Mais je dirais aussi que Macron a relancé cet axe Paris-Berlin. D’ailleurs, lors de son élection en 2017, il s’est rendu rapidement à Berlin. Signe qu’il voulait relancer une communication, un peu mise en veille sous la présidence Hollande avec les divergences sur la Grèce ou la crise migratoire.

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