Comment la Suisse doit jongler entre la Chine et Hong Kong

L’inquiétude monte à Hong Kong, après l’adoption par les autorités chinoises d’une loi sur la sécurité nationale. Cette loi, entrée en vigueur le 1er juillet dernier, a déjà fait ses premiers effets avec l’interpellation de plusieurs opposants. Au nom des libertés et sans pour autant rompre les relations avec la Chine, la Suisse doit hausser le ton.

Le 1er juillet 1997, le Prince Charles de Galles, le Premier ministre Tony Blair et le dernier Gouverneur de l’ex-colonie britannique Chris Patten, rétrocédaient Hong Kong au Président chinois Jiang Zemin. La promesse faite à l’époque était de maintenir le système politique en place au moins jusqu’en 2047. Promesse manifestement non tenue puisqu’une nouvelle loi permet à la Chine de s’immiscer dans les affaires hongkongaises et d’emprisonner à vie n’importe quel Hongkongais qui défendrait la démocratie.

Cérémonie de rétrocession de Hong Kong à la Chine, Hong Kong, 1er juillet 1997. Photo : scannée à partir de “Post Impressions”, 2004, South China Morning Post Publishing Ltd, Hong Kong.

Que signifie cette loi pour Hong Kong?

Cette loi permet à l’Etat chinois de réprimer durement quatre sortes de crimes qui affaibliraient la sécurité de la Chine : “la subversion, le séparatisme, le terrorisme et les ingérences étrangères”. Par exemple, une citoyenne ou un citoyen de Hong Kong qui critiquerait le Gouvernement hongkongais et/ou chinois ou qui serait en faveur de l’indépendance de Hong Kong sera désormais puni. On parle de 10 ans d’emprisonnement jusqu’à la prison à vie. Avec cette loi, l’objectif principal de la Chine est d’étouffer purement et simplement tout mouvement de révolte. Que la Chine ait mis en place cette loi est une honte! Elle bafoue des valeurs (respect de l’Etat de droit, des minorités, de la liberté de la presse ou de la religion, etc.) chères aux Suisses, aux Européens et à d’autres pays démocratiques dans le monde. Dans le cas de Hong Kong, je suis attaché au respect de son autonomie et de ses libertés. Le principe “un pays, deux systèmes” doit prévaloir. La Suisse a tout intérêt à apporter son soutien aux citoyens de Hong Kong car ce territoire indépendant est la porte d’entrée pour les exportations de produits suisses vers la Chine continentale.

La Chine, premier client de la Suisse en Asie

Cette année, Berne et Pékin célèbrent 70 ans de relations bilatérales. Certes, la République populaire de Chine est notre principal partenaire commercial en Asie. Il faut poursuivre les relations économiques avec ce pays, il est juste indispensable dans l’économie mondiale. La principale organisation faîtière de l’économie helvétique, economiesuisse, rappelait en 2016 l’importance de la Chine pour les exportations suisses. La Chine “est aujourd’hui le troisième partenaire commercial de notre pays, derrière l’Union européenne et les Etats-Unis. Avec un volume des échanges commerciaux de plus de 21 milliards de francs, l’Empire du Milieu est le principal partenaire commercial de la Suisse en Asie”. La Suisse est d’ailleurs la seule nation européenne à disposer, depuis juillet 2014, d’un accord bilatéral de libre-échange avec la Chine.

La Présidente de la Confédération suisse Doris Leuthard et son homologue chinois Xi Jinping au WEF, Davos, 17 janvier 2017. Photo : Copyright by World Economic Forum / your name

Ne pas opposer “relations bilatérales” et “défense des libertés”

Tant mieux si les relations entre la Suisse et la Chine sont excellentes. Cependant, la Suisse ne doit pas s’asseoir sur la défense des libertés individuelles et de la démocratie. Bien au contraire. J’attends de Madame la Présidente de la Confédération suisse, Simonetta Sommaruga, un coup de téléphone ou un déplacement à Pékin (l’occasion de marquer 70 ans de relations avec cet immense pays) pour un entretien face à face avec son homologue Xi Jinping. Parler du développement des relations bilatérales ou de la défense du multilatéralisme, oui. Mais aussi et surtout je dirais de montrer que la Suisse attache une GRANDE importance au principe “un pays, deux systèmes” et de condamner fermement l’ingérence de Pékin dans les affaires de Hong Kong. Aussi, une intervention militaire de la Chine à Taïwan, si c’était le cas prochainement, devrait signifier pour moi la fin des relations avec Pékin. Pour comprendre un peu mieux les tensions entre la Chine et Taïwan, je vous recommande l’émission du 3 mars 2019 de la RTS et TV5 Monde, Géopolitis.

 

Jonathan Luget

Jonathan Luget est né en 1993, un mois après la visite du premier chef d'Etat européen, François Mitterand, dans la jeune République du Kazakhstan. En marche avec un CFC, deux maturités et deux diplômes SAWI (communication et réseaux sociaux). Les loisirs se partagent entre la lecture d'ouvrages géopolitiques, la rédaction d'articles, la cuisine et la natation.

9 réponses à “Comment la Suisse doit jongler entre la Chine et Hong Kong

  1. Monsieur,

    Je viens de Hong Kong. Vous avez mal compris la promesse et la loi de sécurité nationale, qui n’est pas de réprimer la démocratie. Lisez, s’il vous plaît :

    https://www.letemps.ch/opinions/laissez-chine-aider-hongkong?utm_source=twitter&utm_medium=social&utm_campaign=article_traffic

    https://www.letemps.ch/monde/chen-xu-ambassadeur-chine-cette-loi-un-ange-gardien-hongkong

    Hong Kong n’est pas un territoire “indépendant”. Elle fait partie de la Chine. Que s’est-il passé lorsque la Catalogne a demandé la séparation de l’Espagne ?

    Les personnes arrêtées ont déjà été libérées après enquête. Jusqu’à présent, une seule personne est poursuivie parce qu’il applaudissait en conduisant une moto pour foncer sur un groupe de policiers lors d’un rassemblement illégal. Trois policiers et lui-même ont été blessés. Aucun jugement n’a encore été rendu.

    Il y a trois degrés de punition, selon la gravité de la violation. Ce que vous avez dit, de 10 ans à l’emprisonnement à vie, est le grade le plus élevé. Faites confiance au professionnalisme des autorités judiciaires de Hong Kong, qui sont considérées comme l’une des meilleures d’Asie, voire du monde, depuis des décennies.

    La Chine et Hong Kong veulent toutes deux maintenir les deux systèmes différents. Mais un seul pays ! Hong Kong est différent de Taïwan. Ce que la Chine a fait pour Hong Kong en ce qui concerne la loi sur la sécurité nationale est nécessaire, urgent et légitime.

    1. Bonjour, merci pour vos commentaires. Je vous ai déjà répondu à ce sujet sur Twitter en début de semaine. Bon début de soirée et bon week-end.

  2. Comment va Jonathan?

    J’ose esperer que ce ne soit pas mon dernier commentaire qui vous fasse bloquer les nombreux trolls indelicats qui vous demandent si vous etes suisse, PDC ou encore PD!

    je n’entre pas en matiere sur le sujet de votre blog, face a un sang anglo-saxon, HK est une histoire passe et je le vois differemment.

    Mais tous les avis sont necessaires, et un pays se pretendant neutre (la belle blague) ne peut que marcher sur le fil du rasoir (ou tendu) alors, bravo!

    1. Bonjour Olivier, merci pour votre commentaire. J’ose espérer aussi que ce ne soit pas votre dernière intervention, vous êtes la bienvenue dans les discussions et/ou débats. Les trolls, difficile à les “éliminer” des blogs ou des réseaux sociaux. On fait avec. Quelle est votre position sur la situation à Hong Kong?

      1. Hong Kong est, depuis les colonies et malgre l’avenement de Mao, la plaque tournante des echanges de la Chine avec l’Occident, mais son role se reduit avec le developpement chinois (routes de la soie, etc.).
        Avec toutes les resistances (americaine et autre) a laquelle elle doit faire face, devant sa montee en puissance, je comprends le besoin de reprendre le controle d’un territoire qui pourrait servir de cheval de Troie a ses competiteurs.

        L’occident s’insurge contre cette mise au pas, mais ne voit aucun inconvenient a ce que l’embargo sur Cuba, decide unilateralement par les US, continue.

        Bref, esperons que les US changent de President, avant que le monde ne s’enflamme et qu’il arrive a inventer un nouveau multilateralisme permettant au monde d’affronter reellement ses grands defis, la pauvrete et la durabilite et cela sur ses cinq continents.

        Un peu idealiste, certes, mais sans reves… .
        Bon week end et merci de vos reponses

  3. P.S. Avez-vous vu “Peaky Blinders”?

    Je me demandais, si un jeune comme vous, apprecie, a mon sens, la meilleure serie TV jamais vue.

    Rien a voir perso avec la famille Shelby, mais tellement bien fait sous tous les angles, tellement realiste

    1. Non, je ne connais pas cette série. Pour le moment, c’est plutôt la saison 4 de House of Cards. Excellente série politique, indépendamment du passé de l’acteur principal Kevin Spacey.

  4. Certes le Japon a des raisons de craindre un blocage maritime pour l’approvisionnement énergétique du pays et des perturbations pour l’exportation de ses produits.
    On évoque rarement la même crainte pour la Chine, d’être entièrement étranglée par un blocage total du commerce maritime international par les douze porte-avions de la marine américaine. Il en résulterait une asphyxie totale du pays. Ce scénario explique très partiellement la nécessité des Nouvelles Routes de la Soie qui constitue une alternative pour sortir partiellement d’un éventuel blocus maritime de la part des Etats-Unis.
    Il n’est pas impossible que la hantise d’une nouvelle version de la politique des canonnières ne vienne perturber la tranquillité des dirigeants chinois.

    1. Bonjour, je peux vous recommander un bon livre. “Géopolitique de la Chine” de Pierre Haski avec des fiches illustrées pour comprendre le rôle de l’Empire du Milieu en Asie, en Europe ou encore en Afrique. Il y a un épisode pour comprendre les relations Chine – Japon. Les relations sino-japonaises sont assez étranges. Il existe des échanges économiques entre les deux pays mais en même temps il y a ces conflits en mer de Chine méridionale. Concernant les nouvelles routes de la soie, c’est une manière pour la Chine d’asseoir son influence sur le monde. En connectant la Chine au reste de l’Asie, à l’Europe, à l’Afrique et à l’Amérique du Sud, elle pense pouvoir contrer son influence contre les Etats-Unis de Donald Trump. Trump cherche du soutien pour contrer Pékin mais il a tellement mal traité les chancelleries européennes que…

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