Quand routine partisane devient boulet national

Initiative UDC sur les juges étrangers

Nous sommes en 2016. L’UDC dépose son initiative « Le droit suisse au lieu de juges étrangers ». Rien d’étonnant, le contexte est le même qu’en 2014  : un parti à la veille d’échéance électorale, une thématique qui ne peut que diviser et l’ignorance délibérée des réalités. À quelques mois de sortir le gâteau du four, nous pouvons encore espérer éviter l’indigestion que nous a provoquée l’initiative sur l’immigration de masse.

 

Courageux mais pas fous !

Nous sommes courageux, parfois téméraires mais de loin pas fous. Face à une initiative qui laisse derrière elle un véritable champ de bataille juridique, tant le texte est confus puisqu’il ne précise ni quand une dénonciation des accords internationaux devrait survenir, ni qui serait responsable d’actionner le couperet, nous pouvons nous permettre de douter. Et à raison, car politiquement, cette initiative vise les accords sur la libre-circulation des personnes et un éventuel futur accord institutionnel avec l’Union Européenne. Pourtant, l’initiative reconnaît l’immunité aux accords soumis au référendum. Dès lors et contrairement à ce que visent les initiants, la plupart des accords bilatéraux, dont celui limitant le renvoi des criminels étranger, ne sont pas touchés par cette initiative. En revanche, elle remettrait potentiellement en cause plus de 600 traités moins connus et plus techniques, mais pourtant essentiels pour le fonctionnement de notre économie et pour la création de futurs emplois !

 

Notre crédibilité en jeu

Sachant qu’un traité est aux États ce qu’un contrat est aux individus, ils doivent être respectés par les parties signataires, sans quoi ces dernières se décrédibilisent pour les négociations futures. Faire primer le droit national sur le droit international revient à rendre toute négociation extrêmement compliquée puisqu’on peut unilatéralement renoncer à respecter l’accord final. Cette initiative s’attaque aux éléments fondamentaux de la réussite suisse : notre crédibilité, notre fiabilité et notre stabilité juridique. Avec cette initiative, autant dire que même s’ils sont aussi courageux que nous, les prétendants à de nouveaux accords ne seront pas nombreux, aussi jolie soit la mariée.

Qu’en pensent les concernés ?

Eux ! Tous ceux qui exportent chocolat, fromage, montres, machines, médicaments, café… Eux ! Tous ceux qui travaillent pour et avec des entreprises actives au niveau international. Et puis nous ! Nous tous qui avons bénéficié du succès économique de nos entreprises pour atteindre un confort et une qualité de vie que nul ne peut renier, sauf peut-être les adeptes de la décroissance.

Qu’en est-il en réalité ? Ricola, petite exploitation familiale en 1930, est aujourd’hui présente sur plus de 50 marchés étrangers et y génère plus de 90% de son chiffre. Autre exemple, autre produit : la fédération Chocosuisse qui a vu ses exportations augmenter de 1.4%, à 117’031 tonnes, alors que les Suisses mangent de moins en moins de chocolat et que les frontières vers le Japon, Singapour, l’Australie et les Émirats arabes unis lui sont ouvertes.

Sans oublier nos fleurons régionaux que sont Liebherr, Vifor ou encore Meggit qui pour les 2 derniers sont à plus de 90% exportateurs. Décidément, les réalités démontrent que la cible de cette initiative est loin d’être notre ennemi… Ou alors un ennemi qui nous veut de bien.

Un mythe à moitié considéré est un leurre

Cette initiative qui fait appel aux mythes fondateurs du pays et veut rappeler une certaine résistance face à l’étranger ne peut faire oublier que si nous nous sommes battus contre l’envahisseur par le passé, nous avons aujourd’hui affaire non plus à des envahisseurs mais à des partenaires économiques avec lesquels nous commerçons.

Tout comme les fondateurs de notre pays, nous avons la mission de nous battre avant tout pour la Suisse.

 

Johanna Gapany

Libérale-radicale et économiste d'entreprise, Johanna Gapany vit la politique au quotidien. Après avoir été cheffe de campagne pour le PLR fribourgeois lors des élections nationales (2013-2015) et vice-présidente des Jeunes Libéraux-Radicaux Suisse (2012-2016), elle rejoint l'exécutif bullois en 2016 et devient députée durant la même année. Puis, elle vise un siège au Conseil des Etats en 2019 et décroche le siège après une campagne intense face aux deux sortants. Sa volonté ? S'impliquer davantage pour le renforcement de sa région, avec un œil attentif sur le rôle restreint de l'Etat et surtout la grande autonomie de chacun. Pour une politique libérale qui évite les excès, prend ses responsabilités et permet chacun de se former, de créer, de vivre.

8 réponses à “Quand routine partisane devient boulet national

  1. Trés blon blog, félicitations, j’adore le titre et le cartoon 🙂

    A quand une initiative “il est permis d’interdire (une initiative abusive)”?
    Que l’UDC soit un parti schizophrènique et que la démocratie l’autorise, soit.

    Mais que ce même parti nous fasse perdre notre temps avec ses états (j’allais dire d’âme, c’est plus pervers que ça)!

    Et comme je l’ai mentionné sur ces blogs, tout ce temps et l’attention mises à cette farce sont pris sur une réforme de la justice qui en a bien besoin, fonctionnant comme en 1901!

    Saludos

  2. Excellente et pertinente analyse. Espérons qu’une majorité de Suisses, un peuple qui généralement sait se montrer pragmatique et refuser les aventures hasardeuses, ce qui a assuré à notre pays une prospérité que beaucoup nous envient, saura renvoyer cette initiative proprement suicidaire aux oubliettes dont elle n’aurait jamais dû sortir!

  3. Comme je le dis toujours, à un problème donné, la réponse sera différente en fonction de la façon de présenter les choses.

    Vous, votre angle d’attaque c’est l’économie.

    Vous parlez d’entreprises, de chiffre d’affaires, d’exportations, de niveau de vie, de qualité de vie….alors que le texte de l’udc n’est pas un texte à la base contre tout ça mais contre le fait que des tribunaux étrangers puissent décider à la place de tribunaux suisses si tel ou telle autre personne doit rester en suisse ou pas.

    On l’a vu avec le cas d’un africain, délinquant notoire, trafiquant de drogue, qui a pu rester en suisse au nom du droit à la famille tant vanté par les droits de l’hommistes.

    Et c’est un tribunal européen qui l’a décidé à la place d’un tribunal suisse. Je suppose que cette situation vous a fait plaisir ?

    Donc vous prenez un problème totalement dans un angle d’attaque qui vous arrange pour dire in fine, voilà, ce texte est mauvais.

    Je ne crois pas que ce texte soit si mauvais que ça car l’intention est bonne derrière.

    Tout le reste, c’est juste de l’anti udc primaire.

    Aujourd’hui si l’udc dit que noel c’est le 25 décembre, tous les autres partis vont se réunir pour décider ensemble qu’ils doivent absolument dire l’opposé de l’udc.

    La Suisse a été la plus grande démocratie au monde. Et elle est tombée dans le même problème que les pays voisins, ex la France.

    Le FN pendant longtemps a dit des choses qu’il ne fallait pas être dite. Non pas qu’ils avaient tort, mais comme c’était le FN, alors il ne fallait pas le dire, pas aborder les sujets.

    Et c’est en ça que l’udc dérange. Non pas que ce qu’ils disent soit faux mais comme c’est l’udc qui le dit, alors là ça ne peut être que faux.

    Tous les sujets de société sont systématiquement attaqués par l’ensemble de la bien pensance politique suisse, du PLR aux communistes.

    Aujourd’hui les entreprises, et leurs “représentants”, se vantent de vivre dans un pays prospère, economiesuisse va jusqu’à fédérer des électeurs pour combattre systématiquement tout ce que l’udc propose. Non pas après avoir réfléchit à la question mais parce que c’est l’udc, et donc c’est forcément mal.

    Vous semblez oublier que dans les années 90 le conseil fédéral de l’époque disait que si la Suisse n’adhérait pas à l’ue, le taux de chômage serait en suisse de 20%…..

    Le même conseil fédéral a promis la suisse aux enfers si le texte proposé par l’udc sur les minarets passait, que le monde entier ne comprendrait pas (tiens, on fait nos lois en fonction de ce que pense les autres maintenant ? ), que la suisse serait boycottée, bref, la pire des catastrophes.

    Que s’est il passé ? rien.

    Alors vos produits ricola, chocosuisse….et j’en passe, se sont ils effondrés, déposé le bilan, fait faillite ?

    Donc encore une fois on vote contre l’udc, contre un de ses textes, non par conviction réelle mais par pur amateurisme et par pur rejet de ce parti.

    La vérité est toute simple, ce parti vous débecte. Point.

    Tout ce qu’il fera, vous trouverez l’excuse pour l’attaquer. Là vous utilisez l’économie, demain, ce sera autre chose.

    Lorsque l’udc a proposé son texte sur l’expulsion des délinquants étrangers, tous les partis se sont ralliés pour s’opposer à ce texte. TOUS.

    Lorsque l’udc a proposé l’initiative d’expulsion automatique, bizarrement, tous ont trouvé le texte trop dur qu’il fallait donc à tout prix combattre, par contre, même la gauche trouvait alors normal d’expulser les délinquants étrangers, de la gauche au PLR soudain tout le monde trouvait qu’il fallait les expulser mais pas automatiquement….

    En contradiction totale avec la première initiative de l’udc.

    Si les partis du PLR à la gauche trouvaient soudain normal de les expulser, pourquoi ne pas avoir approuvé le texte de la première initiative ??? Parce que le texte venait de l’udc.

    Et comme par hasard, l’ue disait elle aussi à l’époque que cela était contraire aux traités internationaux, aux conventions, aux accords…..bla bla bla.

    Alors, le monde s’est écroulé ?

    Dommage que la suisse soit arrivée à cette parodie de démocratie, elle qui a le plus bel outil de démocratie au monde.

    1. D’abord, merci d’avoir lu ce texte. J’en ai fait de même avec votre article et réponds avec plaisir car cette initiative mérite qu’un débat se fasse et j’apprécie la franchise.
      Anti-UDC, je n’ai aucun intérêt à l’être puisque c’est un parti comme un autre et je crois en un État gouverné par des partis et idées multiples.
      La plupart de mes arguments sont économiques, vous avez raison et le risque est suffisamment grand pour qu’on s’y attarde mais on peut évidemment parler de tous les autres aspects.
      Parlons du renvoi des criminels étrangers puisque vous soulevez le cas. Le peuple a accepté cette initiative dans un premier temps. Puis le parlement en a fait une loi d’application qui a été soumise au peuple (l’initiative de mise en oeuvre) et refusée à près de 60%. Le peuple suisse décide et cette initiative n’y changera rien.
      Ce n’est pas à l’UE de nous imposer quoi que ce soit et elle ne nous impose rien de ce qu’on ne veut pas. Actuellement, lorsqu’un accord est signé, c’est d’un commun accord et le Conseil fédéral le soumet au parlement, voir au peuple. En plus, nous pouvons toujours lancer un référendum si on juge qu’il ne sert pas nos intérêts.
      Voilà, au plaisir de poursuivre cette discussion, je vous souhaite le meilleur.

      1. “Puis le parlement en a fait une loi d’application qui a été soumise au peuple (l’initiative de mise en oeuvre) et refusée à près de 60%.”

        Pas tout à fait non.
        Le parlement en a effectivement fait une mise en oeuvre.
        Puis l’UDC a estimé que cette mise en oeuvre a été trop lente et qu’elle dénaturait le texte initial (je précise que le délai fixé pr l’UDC avait pourtant été respecté).
        L’UDC n’a pas demandé le référendum sur la loi d’application et a préféré lancer une initiative populaire dite “de mise en oeuvre”.
        Cette dernière a (fort heureusement) été refusée par le peuple. Le peuple a donc préféré la mise en oeuvre du parlement à celle de l’UDC. UDC qui par ailleurs se fiche de nos institutions puisque l’initiative populaire “législative” n’existe pas.

      2. Bonjour
        On ne se mettra pas d’accord mais je tenais à vous remercier d’avoir pris le temps de me répondre et surtout d’avoir voulu me répondre.

        Car pour être honnête, je ne pensais pas que vous le feriez.

        Certains qui publient ici dans les blogs n’aiment pas les discours contradictoires et ne publient pas toujours les réponses, surtout quand elles ne plaisent pas.

        Ce n’est pas votre cas, et bravo pour ça.

        Concernant l’expulsion des délinquants étrangers, je crois que vous en faites une fausse interprétation, l’expulsion des délinquants étrangers existe, grâce à l’udc (première initiative) mais pas automatiquemet (seconde initiative dite de mise en oeuvre).

        Vous verrez, si le texte est accepté, aucune de vos entreprises ne court le moindre risque.

        Je vous invite, quand vous aurez le temps, de lire le très bon article paru dans le figaro :
        http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2016/06/21/31001-20160621ARTFIG00149-cour-europeenne-des-droits-de-l-homme-pourquoi-en-sortir-est-un-imperatif-democratique.php

        Voilà, au plaisir de vous lire.

        1. Bonjour,
          C’est bien le débat qui permet aussi de se remettre en question et d’évoluer alors merci d’y participer et au plaisir d’échanger dans le futur.
          A propos des conséquences, je reste convaincue qu’elles ne sont pas souhaitables mais je lirai évidemment volontiers l’article transmis.
          Bien cordialement

          1. Bon,
            Et bien le peuple a voté.

            Inutile de dire que je suis déçu, extrêmement déçu.

            Voilà la Suisse obligée à se plier aux décisions de la CEDH devant des faits qui concernent uniquement la Suisse pour encore de nombreuses années.

            Les délinquants et autres criminels ont de beaux jours devant eux, les droits de l’homme sont là pour les protéger.

            Consterné.

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