Le fédéralisme, c’est quoi ?

La Conférence nationale sur le fédéralisme se déroule ces jours à Montreux. Deux jours pour repenser le fédéralisme, à travers des débats, des analyses, des points de vue. La course vers la centralisation arrange certains, dérange d’autres et en laisse très peu indifférents.

Le fédéralisme, c’est quoi ?

  • Le fédéralisme c’est un mythe suisse, 75% des Suisses disent y être attachés… mais seulement 35% des gens en ont une idée assez vague
  • Le fédéralisme c’est une force, qui a grandement aidé la Suisse à conserver son unité, en préservant sa diversité.
  • Le fédéralisme c’est le principe du power sharing qui caractérise la Suisse, avec la séparation assez stricte des pouvoirs
  • Le fédéralisme c’est un frein aux réformes, puisqu’il y a plus de gens à convaincre, ce qui crée des blocages dans la mise en oeuvre
  • Le fédéralisme c’est un gage de qualité des réformes. Il permet l’expérimentation et une adaptation des solutions proposées aux réalités de chacun.

Au cœur du fédéralisme, il y a encore la subsidiarité. Ce fameux concept inventé d’abord par l’Église catholique pour répartir les tâches entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. La subsidiarité fonctionne selon 2 principes : on n’a pas la possibilité de le faire à un niveau donc c’est le niveau supérieur qui s’en charge. Ou alors un niveau supérieur est mieux à même de réaliser la tâche. C’est une considération bien souvent purement politique et subjective. Une région ou une commune sera d’ailleurs capable de le faire alors qu’une autre sera dans l’incapacité de le faire et pourtant l’uniformisation, la standardisation est imposée à tous. Sommes-nous face à la dictature de la médiocrité ?

Et pourtant, celui que nous rêvons n’est pas celui que nous avons

Nous avons idéalisé notre fédéralisme et pour retrouver la formule gagnante, c’est de réalisme dont nous avons besoin. Le statut de fédéralisme de coopération qu’on nous prêtait est bien loin de coller à la réalité. Concrètement, la Suisse est un pays très décentralisé, où certaines choses se réalisent au niveau local, mais le fédéralisme qui s’applique chez nous est un fédéralisme d’exécution, là où les décisions viennent du haut- comprenez par là la confédération – sans plus grande prise en compte des besoins exprimés par le bas du système – que sont les communes.

Nous l’avons voulu

De par l’évolution sociétale, nos changements de mode de vie, notre désintérêt face à une identité locale… Nous laissons, peu à peu, le consommateur qui est en nous prendre le dessus sur le citoyen que nous étions. Nous voulons des prestations de qualité, nous voulons un standard. Nous avons pu le constater avec l’exemple de l’harmonisation scolaire. Pourquoi ? Et bien parce que les gens déménagent et retrouver ce même programme de formation partout en Suisse est dans l’intérêt de nos petits, bien évidemment. Mais finalement, cet argument s’applique à tous les domaines. C’est un phénomène sociologique assez simple : on compense la mise de côté de nos traditions, de nos spécificités locales, qui sont finalement d’une légitimité populaire par une légitimité “de rationalité”, censée venir de la loi et de la technique scientifique. Le résultat est sans appel: plus on éloigne le pouvoir, plus il devient complexe, plus la bureaucratie nous éloigne du bon sens. A première vue, il n’y a aucun moyen mais surtout aucune volonté populaire d’en sortir.

La fin du fédéralisme ?

Se passer du fédéralisme est inimaginable. Le fédéralisme a toute son utilité d’un point de vue fiscal pour le prélèvement des impôts. Il prend aussi tout son sens dans la réalité politique puisque les cantons servent de base à la répartition des parlementaires au niveau fédéral. Sanas oublier la réalité administrative qui permet à la confédération de déléguer des tâches, gérées ensuite par les cantons et de soulager, ainsi, l’appareil administratif fédéral.

Si nous devions dessiner un idéal : la confédération poserait le cadre, les cantons dessineraient les contours, les communes rempliraient les formes. Mais pour que ce système fonctionne parfaitement, chaque commune et chaque canton devraient avoir les mêmes capacités, ce qui n’est pas le cas à ce jour et ce qui rend parfois la centralisation évidente.

Anticiper est politique

Si le fédéralisme d’exécution est une réalité, l’engagement aux niveaux communal et cantonal est pourtant nécessaire pour comprendre l’évolution et faire gagner le fédéralisme sur la centralisation, quand bien même cette dernière est parfois source de simplicité à court terme.

Chacun à son niveau est à même d’influencer les décisions fédérales, afin d’appliquer ensuite des lois et des règlements qui laissent suffisamment de marge de manœuvre pour tenir compte des spécificités locales. Se résigner à être figés par la loi et les règlements est un choix lourd de conséquences pour la société, que nul responsable politique ne pourra assumer.

Johanna Gapany

Libérale-radicale et économiste d'entreprise, Johanna Gapany vit la politique au quotidien. Après avoir été cheffe de campagne pour le PLR fribourgeois lors des élections nationales (2013-2015) et vice-présidente des Jeunes Libéraux-Radicaux Suisse (2012-2016), elle rejoint l'exécutif bullois en 2016 et devient députée durant la même année. Puis, elle vise un siège au Conseil des Etats en 2019 et décroche le siège après une campagne intense face aux deux sortants. Sa volonté ? S'impliquer davantage pour le renforcement de sa région, avec un œil attentif sur le rôle restreint de l'Etat et surtout la grande autonomie de chacun. Pour une politique libérale qui évite les excès, prend ses responsabilités et permet chacun de se former, de créer, de vivre.