Se reposer ou être libre

Une citation de Thucydide pourrait prendre tout son sens dans le débat actuel sur le revenu de base inconditionnel, "Il faut choisir, se reposer ou être libre". Détachée de toute époque, cette citation met en évidence notre relation à notre existence au-delà de notre relation au travail quotidien.



L'abandon n'est pas une solution

Effrayés par la révolution numérique, les initiants préfèrent abandonner plutôt qu'innover. Nous sommes à un tournant et avons la possibilité, soit de créer de nouveaux emplois, soit simplement de renoncer aux nôtres. Si certains préfèrent l'option de la simplicité, ils doivent être conscients qu'ils incitent, non seulement à renoncer à notre travail, mais aussi à notre savoir, à notre indépendance, à nos valeurs, pour faire de chaque individu, non plus un être indépendant mais un rentier soumis au diktat d'un Etat qui ne lui fait plus suffisamment confiance.



La liberté apporte davantage de dignité que la rente

La dignité est un principe cher à la droite. Ce sont les radicaux qui se sont battus pour que la dignité ne soit pas une exclusivité ou le privilège des classes les plus aisées, mais bien qu'elle soit le moteur de notre société libérale et équitable. Ce sont les radicaux qui ont convaincu de l'importance d'un filet social et qui ont su construire un système capable d'attribuer une aide aux citoyens dans le besoin, sans pour autant rendre tout un chacun dépendant de l'Etat. Le revenu de base inconditionnel ne contribue pas à la dignité, il contribue à l'enrichissement personnel, et met ainsi fin à un système de solidarité. Verser un revenu de CHF 2'500.- par mois à un patron gagnant déjà dix fois ce montant et verser le même montant à une personne invalide n'ayant pas la possibilité de vivre du revenu de son travail n'a rien de rationnel, c'est une absurdité.





L'abandon de valeur qui a un coût

Si les chiffres effraient tant ceux qui pourraient être séduits par un revenu de base inconditionnel, ce dernier va rapidement les ramener à une réalité, loin de toute idéologie. Car, vouloir renoncer à la relation entre le travail et la valeur de celui-ci n'est pas sans conséquences financières, bien au contraire. Ce ne sont pas les mieux lotis qui vont s'en plaindre puisqu'ils verront leur revenu augmenter de CHF 2'500.- par mois, mais ce sont tous ceux que nous dissimulons derrière des chiffres pour nous éviter de penser qu'ils sont nos voisins, nos amis, nos parents, nos enfants. Une fois les économies promises réalisées, nous pourrons alors véritablement manquer de parler des abus dans les assurances sociales et sortir notre masque de la honte car nous aurons privé des individus et des familles dans le besoin d'aides entre 18 et 140 milliards,  pendant que nous nous verrons attribuer un revenu sans condition, sans effort.  





La Suisse qui se couche

Alors que nos voisins rêvent de se lever tôt pour aller travailler et contribuer à la croissance de leur pays, la Suisse deviendrait, si cette proposition venait à être acceptée, la victime d'une révolution numérique dont elle aura manqué d'en faire une opportunité. Bien loin du paradis promis par les initiants, ce sont les portes de l'enfer qui nous sont ouvertes. Notre Suisse qui occupe les premières places en matière d'innovation prendrait dorénavant ses aises en queue de peloton. Les rois du travail que nous sommes deviendraient les rois de la paresse. Notre label suisse saurait convaincre seuls les plus médiocres… Ceci jusqu'au jour où nous devrions aller frapper à la porte de l'Europe en demandant de l'aide pour financer notre système idéal et nous nourrir, car la Suisse ne serait plus qu'une coquille vide. Vide de savoir, vide de valeurs, vide d'ambitions, vide de rêves.



Mais nous avons encore le choix, nous reposer ou être libres

Johanna Gapany

Libérale-radicale et économiste d'entreprise, Johanna Gapany vit la politique au quotidien. Après avoir été cheffe de campagne pour le PLR fribourgeois lors des élections nationales (2013-2015) et vice-présidente des Jeunes Libéraux-Radicaux Suisse (2012-2016), elle rejoint l'exécutif bullois en 2016 et devient députée durant la même année. Puis, elle vise un siège au Conseil des Etats en 2019 et décroche le siège après une campagne intense face aux deux sortants. Sa volonté ? S'impliquer davantage pour le renforcement de sa région, avec un œil attentif sur le rôle restreint de l'Etat et surtout la grande autonomie de chacun. Pour une politique libérale qui évite les excès, prend ses responsabilités et permet chacun de se former, de créer, de vivre.