Osez déguster les Rosés | Partie I

Avec l’arrivée de l’été, on a tendance à consommer plus de rosé. C’est un produit qui subit fortement la saisonnalité. Dès qu’il fait chaud, ces vins réapparaissent sur les cartes des crus au verre de tous les bars et restaurants. Toujours plus de clients sont friands de cette catégorie qui ne cesse de prendre des parts de marchés mais certains restent peu amateurs de ce type de vin. J’entends souvent : « je n’aime pas le rosé », « le rosé, ce n’est pas du vin », « le rosé, c’est trop léger », « c’est des vins de nanas », etc.

Pourtant, ne pas aimer le rosé, c’est un peu comme dire, je n’aime pas les fruits. En 2019, plus d’une bouteille de vin consommée sur 10 à travers le monde, était une bouteille de rosé (Source : Baromètre des vins rosés, Observatoire Mondial du Rosé, Conseil Interprofessionnel des Vins de Provence). Cela traduit bien l’omniprésence de cette catégorie en perpétuelle croissance alors que la consommation globale de vin, baissait elle de 2% toutes couleurs confondues. Je doute que vous n’aimiez pas tous les fruits. Il y a une telle diversité dans cette catégorie qu’on peut vraiment en trouver pour tous les goûts, toutes les couleurs, du plus pâle rosé qui a l’air d’un vin blanc au rosé qui ressemble plutôt à un rouge très clair. Et surtout, on en trouve de toutes les qualités, donc un peu difficile de simplement dire qu’on n’aime pas du tout le rosé. Logiquement, il est plutôt fort probable que vous n’aimiez pas un certain type de rosé.

Pour cette chronique, nous observerons donc dans un premier temps, comment peut être fait le rosé, quels sont les grands types de rosé du monde et les modes émergentes et finalement, je vous ai fait une petite sélection de rosés suisses et internationaux avec des styles très différents que je trouve sympas.

 

Comment est fait le rosé ?

En assemblant du vin rouge et du blanc ? C’est illégal dans beaucoup de pays. Vous pouvez mêler du vin de deux couleurs dans une très célèbre appellation : la Champagne dans le cadre de l’élaboration du Champagne Rosé. Ailleurs, le rosé est généralement obtenu grâce à d’autres méthodes.

  1. Le pressurage direct
  2. Le temps de macération entre les peaux et le jus
  3. La saignée

 

  1. Le pressurage direct

Je ne sais pas si vous vous êtes déjà amusés à écraser dans votre main des raisins rouges et observer la pulpe à l’intérieur de celui-ci. De quelle couleur est-elle ? Transparente ou translucide.

La couleur d’un vin rouge vient de la macération. C’est-à-dire, du temps de contact entre les peaux et la pulpe. La peau du raisin contient des pigments de couleurs appelés anthocyanes. Lorsqu’on laisse le jus en contact avec la pellicule du raisin, cela lui confère de la couleur. C’est assez assimilable à un sachet de thé noir que vous feriez infuser dans votre tasse. Plus vous le laissez longtemps, plus votre thé va se colorer et devenir brun foncé. C’est pareil pour le vin rouge !

Si toutefois, vous décidez de mettre vos raisins dans le pressoir et de les presser directement afin d’en extraire le jus, vous n’allez pas avoir de temps de contact entre les pellicules et le jus (ou la durée sera extrêmement limitée). Cela reste des raisins rouges et selon les cépages, vous allez tout de même obtenir un peu de couleur. Un pinot noir donnera beaucoup moins de couleur qu’une syrah, par exemple.

Les rosés de l’appellation Côtes-de-Provence sont typiquement issus de pressurage direct et possèdent des couleurs roses très pâles. À noter qu’il y a en ce moment une sorte de mode pour les rosés les plus pâles possibles. Mais la couleur n’a pas d’impact sur la qualité. Elle indique simplement comment le vin a été fait.

Si on récapitule, les rosés très pâles sont réalisés comme des vins blancs mais avec des raisins rouges. Les raisins rouges rentrent dans le pressoir, sont pressés. Le temps de contact est faible voire inexistant et donc la couleur qui découle de ce jus est rose très clair.

 

  1. La macération

Nous avons parlé du pressurage direct qui n’impliquait pas de macération des pellicules avec le jus.

La deuxième méthode pour faire du rosé est de laisser volontairement le jus en contact avec les peaux pendant une durée plus ou moins longue qui oscille entre quelques heures (2-3) jusqu’à 72 heures environ, selon la couleur finale désirée. Plus on laisse longtemps le jus en contact avec les peaux, plus nous allons avoir la possibilité d’extraire également des tanins (ces composés phénoliques astringents qui vous sèchent le palais). Certains types de rosés sont très foncés comme notamment le Tavel. Il a aussi un peu de tanins. Cela en fait donc un rosé parfait pour toute l’année car il est plus charpenté, capiteux. Il a plus de volume et peut donc être apprécié en hiver ou sur des mets plus corsés.

Pour reprendre le tout, on peut avoir des rosés plus ou moins foncés, dépendant du temps de contact/macération entre les pellicules des raisins et le jus.

 

  1. La saignée

Si vous avez saisi ces deux premières méthodes, celle-ci sera très simple à comprendre.

Si vous utilisez la deuxième méthode, celle de la macération et que votre vin se colore progressivement, vous pouvez décider de séparer une partie du jus pour en faire votre cuvée de rosé et garder le reste pour faire du vin rouge (en laissant plus longtemps en contact le jus avec les peaux). Cela s’appelle la saignée. Vous retirez une partie du jus pour en faire du rosé et cela vous permet en parallèle de concentrer votre futur vin rouge. Deux vins pour le prix d’un 😊.

 

Quels sont les grands types de rosé du monde ?

Maintenant que vous maîtrisez les processus de production des rosés, allons explorer les différents types de rosé du monde.

 

France

La France est réputée pour ses rosés de Provence et du Languedoc. Elle produit également des rosés dans plus ou moins toutes les régions viticoles, de Bordeaux à la Loire en passant par la Haute-Savoie.

 

Côtes-de-Provence

C’est la première région de France en terme de production de vin rosé. Elle cumule à elle seule une production de 150 millions de bouteilles AOC en 2020, ce qui représente 38% de la production nationale et 4.2% des vins rosés du monde (cf. source ci-dessous). Les rosés élaborés dans l’AOC Côtes-de-Provence sont généralement très pâles avec une robe rose de faible intensité. De nombreux cépages (plus d’une douzaine) sont autorisés dans la production mais ceux que l’on croise le plus souvent sont la Syrah, Grenache, Cinsault, Carignan et Rolle. Rolle est un cépage blanc. Il apporte une délicate touche florale au rosé. Ces rosés se caractérisent par des notes d’agrumes, principalement de pamplemousse rose mais également de pêche et de fruits rouges accompagnés par de belles notes florales.

La plupart du temps, ils sont vinifiés dans des cuves en inox pour préserver la fraîcheur et pureté du fruit. Ils titrent généralement à 12.5%-13% d’alcool selon le millésime et sont des vins secs car ils n’ont pas de sucre résiduel.

La croissance continuant, on constate également une nouvelle mode pour des rosés toujours plus concentrés et complexes. Les élevages sur lies sont prolongés et surtout, on trouve de plus en plus de rosés boisés, comme le fameux Garrus du Château d’Esclans. Dans le Languedoc, La Sauvageonne de Gérard Bertrand suit cette tendance également. Mais est-ce que ce délicieux rosé frais pour l’été est vraiment adapté à un élevage en barrique ? Cela dépend de vos goûts et du contexte de consommation.

L’île de Porquerolles est englobé dans l’AOP Côtes-de-Provence. Je m’y suis récemment rendu pour y visiter les deux domaines qui s’y trouvent : le Domaine de la Courtade et de le Domaine de l’Île. Les articles arrivent prochainement.

Quelques domaines qui font de très bons vins : Château Léoube, Figuières, Château Roubine, Château Sainte-Marguerite, Rimauresqu, Commanderie de Peyrassol et bien d’autres.

 

Bandol

Avec ses 1’600 hectares, Bandol est une bien plus petite appellation que la vaste Provence (et ses différentes AOC). Bandol est également réputé pour la haute qualité de ses vins des trois couleurs. Le cépage roi pour les rouges, c’est le puissant, tannique, concentré Mourvèdre. Un cépage fantastique qui parvient toujours à maintenir une rafraîchissante acidité. On le retrouve assez logiquement comme cépage phare des rosés ce qui donne des vins plus riches, plus volumineux et plus ronds que ses cousins de Provence. Il est souvent assemblé avec Grenache et Cinsault.

Tout comme en Provence, les vins sont élaborés par pressurage direct. Le Mourvèdre étant très coloré, les vins sont néanmoins plus foncés que ceux de Provence et plus structurés. La robe est saumon avec une intensité moyenne. C’est parfait pour avoir un rosé un peu plus concentré (souvent grâce à un élevage sur lies) qu’un Provençal notamment pour manger mais il reste très frais et sur de belles notes de fruits rouges et un parfum généralement intense. Ils ont souvent des notes de garrigue, d’herbes aromatiques et un peu plus d’alcool que leurs copains provençaux et oscillent entre 12.5 et 14%.

À goûter dans la région : Château de Pibarnon, Domaines Ott (Château Romassan) et Domaine Tempier. Château Simone est aussi intéressant mais il est en AOC Palette.

 

Tavel

On change totalement de style lorsqu’on ouvre une bouteille de Tavel, cette appellation du Gard qui fait uniquement du rosé. Ce grand cru de la Vallée du Rhône produit des grands rosés de gastronomie. Ils ont une robe saumon intense voire même rubis et beaucoup de volume. Ces rosés sont secs et peuvent facilement avoir un taux d’alcool élevé de 14.5%.

9 cépages peuvent être utilisés lors de l’élaboration des Tavel et aucun d’entre eux ne peut dépasser les 60% de l’assemblage. On y retrouve les cépages phares de la Vallée du Rhône : Syrah, Mourvèdre, Cinsault, Clairette, Grenache, Bourboulenc, Carignan, Picpoul et Calitor (un cépage très rare qui fait partie de l’histoire des vignerons de Tavel). Ils sont classés en cépage principaux (qui peuvent être en proportion inférieure ou égal à 60% dans l’assemblage. C’est le cas du Grenache noir. Les cépages dits secondaires peuvent être utilisés à hauteur de 10% maximum dans le blend.

Pour obtenir sa couleur très intense, les peaux des raisins macèrent à froid avec leurs jus pendant 12 à 48 heures. Ensuite, la fermentation alcoolique prend place. Certains vignerons font également la fermentation malolactique pour avoir plus de rondeur sur le vin et garantir davantage de stabilité. On en trouve de toutes les qualités mais les meilleurs peuvent vieillir quelques années sans problème.

 

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Sources:

Provence : https://www.vinsdeprovence.com/les-appellations/cotes-de-provence

https://www.observatoiremondialdurose.com/

Tavel : http://www.vin-tavel.com/fr/l-appellation-tavel/appellation-aoc

https://www.vins-rhone.com/vignobles/appellations/tavel

Livre : Beyond Flavour, Nick Jackson MW.

Johanna Dayer

Johanna Dayer est une des quatre associés du Clos de Tsampéhro, domaine viticole valaisan en culture biologique. En parallèle, elle enseigne les fameuses formations du WSET et d'autres cours dans différents cursus, principalement aux élèves de Master. Cette hédoniste, passionnée de vin essaie de terminer "Master of Wine", le titre plus difficile et reconnu dans le monde du vin obtenu par seulement 419 personnes dans le monde.