Christian Merz, Le Temps

Visite au coeur du laboratoire valaisan des droits fondamentaux

Le Valais révise entièrement sa Constitution et 130 élu-es sont au travail. Une commission est en charge d’élaborer un catalogue des droits fondamentaux pour les Valaisannes et Valaisans. Ce travail est une plongée au coeur de la Suisse comme laboratoire politique: le travail du Valais s’inspire des autres constitutions cantonales et nationales, tout en contribuant à faire avancer le débat en retour. 2ème billet de blog d’une série sur les travaux de la Constituante en vue des séances plénières du 3 et 4 septembre.

Définir le catalogue des droits fondamentaux d’un canton ou d’un pays, c’est répondre à la question-clef de la vie en société: quels droits voulons-nous mutuellement nous reconnaître ? Les constitutions de Vaud, Fribourg, Genève ou encore Neuchâtel comprennent un catalogue complet des droits fondamentaux. Ils reprennent les droits de la Constitution fédérale et y ajoutent certains droits spécifiques. En ouvrant la constitution de son canton, chacun peut ainsi avoir une vue d’ensemble de ses droits et libertés. Nous sommes au coeur de l’idée de contrat social. 

Et pourtant, il existe une autre approche où ces droits et libertés ne sont pas explicités. La Constitution du canton de Schwyz, adoptée en 2010, n’a par exemple pas fait dans le détail. A son article 10, elle précise simplement que “le canton garantit les droits fondamentaux que consacrent la Constitution fédérale et les règles de droit international qui lient la Suisse”. Et point. Le catalogue des droits fondamentaux est terminé. Cet exemple extrême règle donc la question cruciale des droits fondamentaux des citoyennes et citoyens en faisant un simple renvoi. Cet exemple extrême nous permet d’interroger ce qui se perd en cours de route avec cette stratégie lapidaire.

La plus grande perte, c’est l’opportunité manquée de protéger plus efficacement les droits et libertés de la population. Malgré ses qualités, la Constitution fédérale n’est pas parfaite. Elle est elle-même le produit d’un consensus politique. De plus, elle date de 1999 et ne peut pas prendre suffisamment en compte certaines nouvelles menaces, principalement celles provoquées par les technologies numériques. Chaque nouvelle constitution cantonale est donc une chance de mettre à jour le niveau de protection de la population. C’est l’opportunité d’aller plus loin que la Constitution fédérale. Quel meilleur exemple de la force du fédéralisme suisse ? Chaque révision cantonale représente une occasion de stimuler un processus d’intelligence collective. Ce que le Valais mettra dans sa Constitution inspirera d’autres cantons, mais trouvera peut-être aussi son chemin jusque dans l’interprétation d’autres constitutions.

Outre ce travail de mise à niveau, la solution du canton de Schwyz manque d’être à la hauteur de la fonction d’une constitution. La population d’un canton ou d’un pays négocie, débat puis décide d’adopter une liste de règles pour fonctionner ensemble. Au travail, en famille, dans nos relations sociales, ce document fixe les bases du vivre ensemble. Et surtout, il détermine nos droits et nos libertés. Quand nous ouvrons une Constitution, nous devrions pouvoir lire d’une traite l’ensemble de nos droits fondamentaux. Noir sur blanc, nos prérogatives face à l’autorité publique, dans notre rapport avec les autres. 

Les puissants n’ont pas toujours besoin de la protection du droit. Ils ont d’autres outils à disposition pour sauvegarder leurs intérêts. Mais Monsieur et Madame Tout le monde ont un besoin essentiel de la protection du droit. Les droits fondamentaux font la grandeur des constitutions, car ils envoient aussi un signal symbolique et politique très fort. Un article contre la peine de mort, un article pour l’égalité, un article contre la surveillance numérique, un article pour les droits des personnes âgées: autant d’exemples pour montrer que les droits fondamentaux racontent une communauté. Ils disent un canton, ils exposent les valeurs de ses citoyens, ils sont la carte de visite qu’ils montrent vers l’extérieur.

Si la solution schwytzoise n’est pas la bonne, comment procéder ? En faisant un catalogue aussi complet que possible des droits fondamentaux. Le Valais a une chance historique: c’est l’un des derniers cantons à réviser une Constitution datant du début de 20ème siècle, à un moment où de nouvelles menaces pour les droits et les libertés individuels apparaissent. On aurait tort de sous-estimer le message symbolique qu’enverra cette nouvelle constitution. Partout dans le monde, les droits fondamentaux sont bafoués, les régimes autoritaires les attaquent sans relâche. En remettant au coeur de sa constitution la liste des droits fondamentaux qu’ils pensent importants et nécessaires, le Valais a l’occasion de souligner que la protection des droits des individus reste la justification et la condition de la vie en société..

Johan Rochel

Dr. en droit et philosophe, Johan Rochel est chercheur en droit et éthique de l'innovation. Collaborateur auprès du Collège des Humanités de l'EPFL et membre associé du centre d'éthique de l’université de Zürich, il travaille sur l'éthique de l'innovation, la politique migratoire et les questions de justice dans le droit international. Le Valaisan d'origine vit avec sa compagne et ses deux enfants entre Monthey et Zürich. Il a co-fondé "ethix: Laboratoire d'éthique de l'innovation" (www.ethix.ch)

4 réponses à “Visite au coeur du laboratoire valaisan des droits fondamentaux

  1. Est-ce que vous allez mettre un article interdisant le traçage de la population par n’importe quelle application numérique, sous des prétextes divers, sanitaires ou autres ?

    Est-ce que vous allez mettre un article interdisant les brimades du peuple comme l’imposition du port du masque pour combattre une épidémie qui ne fait plus de morts ?

    Est-ce que vous allez mettre un article insistant sur la liberté de prescription des médecins (hydroxychloroquine) et prévoyant la destitution sans indemnité de tout fonctionnaire, médecin cantonal ou autre qui attenterait à cette liberté fondamentale en interdisant aux pharmacies de délivrer un médicament (hydroxychloroquine) prescrit par un médecin?

    Le Valais pourrait se distinguer en s’opposant à la dictature rampante qu’on veut nous imposer sous prétexte de Covid.

    Si vous proposez ces choses, alors je deviendrai rocheliste!

    1. Nous avons effectivement discuté de surveillance numérique – le sujet a pris une tout autre pertinence depuis la crise corona. De manière générale, la crise va certainement laisser des traces dans la discussion sur les droits fondamentaux. A suivre !

  2. Il faudrait également prévoir la révocation immédiate des fonctionnaires, ou destitution des élus, qui nuiraient gravement aux intérêts du Valais en mettant une limite supérieure quelconque au nombre de spectateurs des matchs du FC Sion.

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