5 questions éthiques pour savoir si vous devriez installer l’application

De nombreuses personnes ont pris contact avec notre équipe du laboratoire d’éthique de l’innovation pour nous poser la question “piège” du moment: “Allez-vous installer l’application de suivi des contacts recommandée par la Confédération?” Pour l’heure, il est encore possible d’esquisser la question car l’application est en phase de test. Elle devrait être disponible pour tous durant le courant du mois de juin. Au plus tard à ce moment là, tous les habitant-es du pays devront se poser cette question. Dans ce contexte, plutôt que de donner notre avis personnel, nous proposons 5 questions utiles à tous ceux qui veulent se faire une opinion.

Nous avons volontairement laissé de côté les questions techniques pour se concentrer sur des questions que chacun-e peut aborder sans connaissances préalables. Bien sûr, il est important d’exercer un regard critique sur les réponses données par les expert-es aux défis techniques. Néanmoins, nous devons faire le pari de nous fier à certaines institutions ou personnes jugées dignes de confiance. Personne ne peut être expert-e en tout. 

Les 5 questions sont directement disponibles ici. Vu qu’aucune question n’est neutre, les personnes intéressées trouveront en-dessous des 5 questions une explication sur le choix et la formulation des interrogations que nous avons retenues.

Les 5 questions

  1. Quel problème souhaitez-vous contribuer à résoudre en utilisant l’application?
  2. Pensez-vous que des mesures suffisantes ont été prises afin d’assurer pour tous le caractère volontaire de l’utilisation de l’application? 
  3. Etes-vous prêt-e à suivre les recommandations de l’application?
  4. Trouvez-vous légitime que l’Etat encourage les habitant-es à s’échanger des données sur leurs rencontres? 
  5. Estimez-vous que l’équilibre entre les problèmes potentiels de l’application (protection des données, respect de la vie privée, risques d’abus) et ses contributions est satisfaisant?

 

Les questions commentées

1. Quel problème souhaitez-vous contribuer à résoudre en utilisant l’application?

Cette question vise à identifier l’objectif de l’application tel qu’il est perçu par les utilisateurs-trices. Avant d’utiliser l’application, chacun-e doit pouvoir expliquer pourquoi utiliser cet outil: quel(s) problème(s) souhaite-on résoudre en utilisant l’application ? Cette première question vise à prévenir une utilisation “sans raison”. Il s’agit donc de vérifier qu’il y a un lien entre les problèmes que la personne veut résoudre et l’utilisation de l’application.  

2. Pensez-vous que des mesures suffisantes ont été prises afin d’assurer pour tous le caractère volontaire de l’utilisation de l’application? 

Cette question vise la condition fondamentale du soutien apporté par la Confédération à l’application: son caractère volontaire. Nul ne doit être contraint ou forcé à utiliser l’application. De plus, le caractère volontaire suppose que la personne ait été informée de manière satisfaisante sur les conditions d’utilisation et les risques potentiels de l’application. La question concerne son cas particulier mais elle me pousse également à réfléchir pour l’ensemble des membres de la société. Des mesures doivent être prises pour assurer une utilisation volontaire “pour tous”, c’est-à-dire également pour les personnes dans une situation de vulnérabilité particulière (par exemple vis-à-vis d’un employeur/de collègues qui vont de facto exiger l’utilisation de l’application).

Pour aller plus loin sur cette question, vous pouvez lire ce billet de blog.

3. Etes-vous prêt à suivre les recommandations de l’application ?

Cette question vise l’efficacité de l’application. Si la personne veut utiliser l’application, elle devrait être prête à suivre les recommandations que lui fera l’application. Cela concerne notamment la réaction à adopter en cas de message d’alerte lié à une possible infection et la recommandation de se mettre en quarantaine. Si la personne sait qu’elle ne suivra pas les recommandations de l’application, il n’est pas utile qu’elle installe l’application.

4. Pensez-vous légitime que l’Etat encourage les habitant-es à s’échanger mutuellement des données sur leurs rencontres?

Cette question vise la légitimité générale de la recommandation d’utilisation formulée par le Conseil fédéral et l’OFSP. Les autorités sanitaires du pays jouent un rôle actif dans ce processus, ils ne sont pas de simples spectateurs. Dans le modèle en discussion en Suisse (D3PT), les autorités et les utilisateurs-trices n’ont accès à aucune donnée. L’application fonctionne de manière horizontale, entre les utilisateurs/trices, sans transmettre de données qui permettraient d’identifier des personnes. 

5. Estimez-vous que l’équilibre entre les problèmes potentiels de l’application (protection des données, respect de la vie privée, risques d’abus) et ses contributions est satisfaisant?

Cette question vise la pesée d’intérêts que représente le choix d’utilisation l’application. La personne doit décider si les contributions envisagées (réponse à la question 1) l’emportent sur les problèmes potentiels de l’application. Les problèmes potentiels sont au moins de trois types: la protection des données, le respect de la vie privée et les risques d’abus dans l’utilisation de l’application. Comme pour la question 2, cette question concerne la personne elle-même, mais également les problèmes potentiels que pourraient avoir d’autres personnes. L’utilisation d’une telle application est une question de justice sociale: nous sommes invités à prendre en compte notre situation particulière, mais également la situation d’autres personnes. 

Pour les personnes intéressées à aller plus loin, ethix a développé une série de scénarios éthiques sous forme de sondage. Le sondage est disponible ici.

Johan Rochel

Dr. en droit et philosophe, Johan Rochel est chercheur en droit et éthique de l'innovation. Collaborateur auprès du Collège des Humanités de l'EPFL et membre associé du centre d'éthique de l’université de Zürich, il travaille sur l'éthique de l'innovation, la politique migratoire et les questions de justice dans le droit international. Le Valaisan d'origine vit avec sa compagne et ses deux enfants entre Monthey et Zürich. Il a co-fondé "ethix: Laboratoire d'éthique de l'innovation" (www.ethix.ch)

8 réponses à “5 questions éthiques pour savoir si vous devriez installer l’application

  1. Il est inutile de disserter longuement sur l’aspect éthique.

    Cette application doit être refusée en bloc par les citoyen(ne)s suisses attaché(e)s à leurs libertés.

    En effet il est très évident que le pouvoir, qui a osé effrontément s’emparer des pleins pouvoirs comme si nous étions en temps de guerre, teste la résistance des populations au projet de nouvel ordre mondial totalitaire de surveillance généralisée.

    Compte tenu du fort attachement aux libertés qui fait partie de la culture politique suisse, ils sont obligés de prendre des gants. Donc ils présentent cette application comme facultative. Mais en même temps une propagande lancinante passant par la radio, la télévision, tous les médias mainstream, une mise en scène invraisemblable de séduction où sont enrôlées des vedettes comme Roger Federer, Stéphane Eicher, & Cie, tout contribue à entretenir un climat de panique et à inciter les moutons de Panurge à se soumettre à Big Brother. Il n’y a pas de contrainte légale, mais la contrainte morale est d’une intensité insupportable.

    Il ne faut pas céder à ces imposteurs un pouce de notre liberté. Nous devons boycotter cette proposition mensongère. Personne ne doit accepter la servitude volontaire.

  2. A mon avis, la question 2 rend les autres quasiment inutiles. En effet, si l’utilisation de cette application reste volontaire (et peut-il en être autrement selon la Constitution?) il est évident qu’il n’y aura jamais assez de personnes “enregistrées” pour que la mesure ait une quelconque efficacité.

    1. L’application “TraceTogether”, qui sert de modèle à la plupart des autres, était d’abord volontaire à Singapour. Pourtant, seul un cinquième de la population l’a adoptée et elle n’a pas empêché une seconde vague pandémique de se produire. Aujourd’hui, elle est obligatoire. Du volontariat au traçage de masse, il n’y a qu’un transfert de trope.

  3. Ce que je trouve condamnable, c’est ce côté hypocrite du, vous n’êtes pas obligé mais, il faut penser aux autres, cette responsabilité totalement insupportable que met le gouvernement sur les épaules de chaque citoyen pour qu’il accepte le pire. Le muselage de ses libertés. Insupportable aussi, cette manipulation mentale faite avec la complicité des médias qui matraquent cette propagande à longueur de jours et qui finit par provoquer une charge mentale culpabilisante pour que chacun cède de son plein gré aux actes liberticides pour le bien de tous. Ben, oui, personne ne veut du mal à son voisin, il faut donc le protéger et se protéger de lui car l’autre devient l’ennemi et cette application sera un moyen parfait pour contrôler cet état de fait. Sans compter les inévitables dérives que cela va engendrer. L’humain ayant déjà prouvé à maintes reprises sa capacité à dériver vers l’excès. Mais, nous sommes en démocratie et comme chacun est souverain, nous ne pouvons pas obliger mais nous pouvons traumatiser. Reste à savoir quel pourcentage de la population, si éprise, au demeurant, de liberté, sera atteint du syndrome de Stockholm…

    1. @GABRIELA NOBS

      Chère Madame Nobs, je pense que le temps est venu pour les personnes comme vous qui savent qu’on essaie de nous imposer sournoisement une surveillance généralisée totalitaire, de faire preuve de caractère et de refuser toute concession même infime au Big Brother.

      Vous avez raison: il y a une pression morale énorme, insidieuse, pour que nous nous soumettions. Sur le thème: si vous ne vous soumettez pas, vous favorisez la propagation d’une épidémie. Ou bien vous favorisez le réchauffement climatique.

      Bullshit!

      Il faut dire NON à tout et ne pas céder un pouce. Non à la servitude volontaire.

  4. Il vaut mieux essayer de répondre sous l’angle scientifique et technique :
    1) on ne peut répondre à cette question que si on comprend comment cette application fonctionne réellement et on tombe sur un paradoxe : si on veut apporter une solution au problème, alors si je suis infecté alors je devrais me mettre en quarantaine et ce faisant, cette application ne me détectera pas m’étant volontairement éloigné suffisamment de la portée des ondes Bluetooth des autres utilisateurs !
    Pire , en étant porteur du virus asymptomatique non testé, je ne déclencherai aucune notification sur aucun smartphone bien que potentiellement infectieux !!!
    2) la première condition d’utilisation étant de posséder un smartphone (Android ou IOS), difficile pour le gouvernement d’imposer l’achat d’un tel dispositif et si étant de le prendre systématiquement avec soi et enfin de démarrer l’application et pour finir de renseigner l’application de son état de santé et en cas de notification de suivre les instructions de l’office de santé !
    Cela représente une série d’actes volontaires que personne ne peut vérifier !
    3) idem , acte volontaire sous point 2
    4) selon l’application, les notifications sont automatiques et ne donnent que le fait de vous être approché d’une personne enregistrée positive , il n’y a pas d’échange volontaire entre 2 individus . Relisez le document ci-après !
    5) compte tenu des inconnues nombreuses en ce qui concerne les tests effectués ainsi que le degré de participation à cette campagne, le résultat très douteux qui en ressort ne justifie même pas une utilisation parfaitement anonyme !
    Personnellement , je vais l’installer et la démarrer par simple curiosité , mais je pourrai tout autant la désinstaller plus tard ! Dans le pire des cas, il me suffira de restaurer mon appareil tel qu’il était avant …
    C’est un jeu d’enfant !

    https://covid19-static.cdn-apple.com/applications/covid19/current/static/contact-tracing/pdf/ExposureNotification-FAQv1.1.pdf

  5. Vous n’êtes tous, que de grands naïfs.
    Toutes ces applications existent déjà et sont en service.

    De l’officieux, on essaie seulement de les passer en officielles, avec une loi!

  6. Vos règles souhaitées font que l’application arrivera trop tard. On en avait besoin début mai, pas mi-juin !

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