Christian Merz, Le Temps

Le canton, ses habitants et leurs droits ! 

Ce blog est le premier d’une série d’articles à venir sur les thèmes de la révision de la Constitution du Valais. C’est le projet politique du siècle en Valais: réviser entièrement la Constitution de 1907 et l’adapter aux défis et aux réalités du 21ème siècle. Depuis l’été 2019, 130 élu-es, répartis dans 10 commissions thématiques, sont au travail afin de proposer à la population une première mouture de la nouvelle Constitution. L’exercice rappelle certainement de beaux moments de politique aux cantons romands, Neuchâtel (2000), Vaud (2002), Fribourg (2004) et Genève (2013) ayant réalisé l’exercice récemment. 

Parmi les tâches de la Constituante, il en est une particulièrement importante qui touche directement la population: la définition des droits fondamentaux. Quels droits devraient être protégés par la nouvelle Constitution? Cette question touche aux fondements de l’organisation de la vie en société. Protéger les droits fondamentaux est à la fois l’objectif et le garde-fou de cette vie en société. Afin de pouvoir coopérer en société, nous devons nous garantir mutuellement des droits et des libertés. Si chacun était seul dans son coin, soucieux de garantir sa survie, une vie libre et prospère serait impossible. Comme le dit le philosophe Thomas Hobbes, “l’Homme serait alors un loup pour l’Homme” car nous serions sans cesse forcés d’être sur nos gardes, méfiants, prêts à l’attaque préventive. Mais grâce à notre faculté de coopérer, nous avons pu poser les bases d’une société apaisée, avec un Etat et un système juridique capables d’assurer que chacun soit le plus libre possible de choisir sa vie et de la réaliser. 

Définir le catalogue des droits fondamentaux d’un canton, c’est donc répondre à la question-clef de la vie en société: quels droits voulons-nous mutuellement nous reconnaître ? Bien sûr, le canton n’est pas seul à protéger ces droits. La Constitution fédérale prévoit un catalogue de droits fondamentaux, les engagements internationaux de la Suisse également, à l’exemple la Convention européenne des droits de l’homme ou des traités de l’ONU. Ces différentes couches de protection servent toutes l’intérêt des personnes et la défense de leurs droits. Une sorte de manteau pour les hivers rudes, avec plusieurs couches protégeant la personne qui s’en pare.  

Dans ces couches de protection, le canton et les communes jouent un rôle clef car ils exercent un grand nombre de compétences et interagissent au quotidien avec la population. Les droits fondamentaux sont donc très pertinents pour leur action: ils marquent des limites que l’autorité publique (sous toutes ses formes) ne peut pas dépasser. Une sorte de ligne rouge qui protège les citoyens face aux ingérences qui sont inacceptables. Au-delà de ces lignes rouges, les droits fondamentaux définissent également des contributions que l’autorité publique doit à ses habitants. A titre individuel, j’ai le droit que l’Etat n’empiète pas sur mes droits fondamentaux, mais j’ai également le droit que l’Etat mette à disposition certains éléments nécessaires à une existence digne. A titre d’exemples, nous pourrions citer un système éducatif assurant l’égalité des chances, un accès aux bâtiments publics pour les personnes à mobilité réduite, une protection contre les discriminations ou encore un droit à recevoir une aide d’urgente pour les situations de dénuement total.   

Ces droits fondamentaux fonctionnent comme une sorte de cartes de protection que nous portons sans cesse sur nous. Nous pouvons jouer ces cartes lorsque nous sommes menacés. Lorsqu’ils sont formulés de manière suffisamment claire et précise, les droits fondamentaux peuvent être directement utilisés par une personne devant une administration ou un tribunal. Même si aucune loi spécifique n’a été mise en oeuvre, je peux utiliser ces droits en m’appuyant directement sur la Constitution. On dit alors que ces droits sont justiciables, ils représentent alors un outil crucial de défense des libertés individuelles.

Bien sûr, la Constitution cantonale vient s’intégrer dans le cadre de la Constitution fédérale – son contenu ne doit pas aller à l’encontre du droit fédéral. Mais elle peut aller plus loin, mettre d’autres accents, choisir de nouvelles priorités. La Suisse est un laboratoire politique où tous les cantons mènent des expériences grâce auxquelles, ensemble, nous devenons meilleurs. Le moment de la Constituante, c’est une visite au coeur d’un laboratoire qui tourne à plein régime. Les élu-es valaisans construisent sur la base des résultats accomplis par d’autres cantons, nous nous inspirons mutuellement, et nous essayons de faire avancer le débat constitutionnel. C’est la magie du travail sur une Constitution: celle que nous élaborons est faite pour les Valaisannes et les Valaisans, mais également pour d’autres qui regardent avec intérêt le travail valaisan. En Suisse comme à l’international, le travail venu du Valais pourra inspirer d’autres Constituantes. La Suisse politique est un dialogue permanent, où les innovations des uns peuvent devenir la normalité des autres.

Disclaimer: l’auteur fait partie de la Commission 2 de la Constituante, en charge d’élaborer le catalogue des droits fondamentaux pour les Valaisannes et Valaisans. Le texte publié ici reflète exclusivement l’opinion de son auteur et n’engage en rien la Commission ou son groupe politique.

Tous les documents de travail de la Commission 2 sont disponibles ici => feedback bienvenus.

Johan Rochel

Dr. en droit et philosophe, Johan Rochel est chercheur en droit et éthique de l'innovation. Collaborateur auprès du Collège des Humanités de l'EPFL et membre associé du centre d'éthique de l’université de Zürich, il travaille sur l'éthique de l'innovation, la politique migratoire et les questions de justice dans le droit international. Le Valaisan d'origine vit avec sa compagne et ses deux enfants entre Monthey et Zürich. Il a co-fondé "ethix: Laboratoire d'éthique de l'innovation" (www.ethix.ch)

4 réponses à “Le canton, ses habitants et leurs droits ! 

  1. On espère qu’il y aura suffisamment de bons Valaisans traditionnels dans cette constituante, pour que le Valais reste le Valais, ce pays que nous aimons, et qu’il ne devienne pas un enfer multi-culturel LGBT politiquement correct post-moderniste et marxiste culturel.

    1. Monsieur Martin ! Heureux de vous retrouver. Je sens déjà que vous allez apprécier la série de blogs à venir. Mais peut-être trouvera-t-on un terrain d’entente sur l’importance des droits fondamentaux et sur certains d’entre eux. Qui sait ? tout est possible.

      1. Je souhaiterais que la nouvelle constitution valaisanne affirme le droit fondamental du peuple valaisan au maintien de son identité, laquelle devrait être définie clairement comme essentiellement européenne et chrétienne. Ni “helléno-chrétienne” ni “judéo chrétienne”, simplement chrétienne. Et j’aimerais que soit affirmé courageusement que ce principe fondamental implique la nécessité d’une politique d’immigration restrictive, s’agissant de populations extra européennes ou non chrétiennes.

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