Tempête sur le Valais

A l’apéro, si vous devez choisir entre un blanc ou un rouge, c’est une situation de choix, mais elle n’est pas particulièrement compliquée. A l’inverse, le 2ème tour de l’élection au Conseil des Etats en Valais est une situation compliquée. Pour bon nombre d’entre nous, la « bonne » réponse ne saute pas aux yeux. Loin de là. Mon hypothèse : nous sommes dans une tempête politique qui porte sur la question de la représentation.

Pour ceux qui veulent aller à l’essentiel, je tente ici de proposer une grille de lecture que chacun pourra appliquer pour se faire l’opinion la plus juste possible:

  1. Comment représenter au mieux les différents courants politiques au Conseil des Etats ?
  2. En matière de genre, âge, région, souhaitez-vous une représentation « miroir » de la population valaisanne, même imparfaite ? Ou donnez-vous priorité aux engagements politiques pris par la personne ?

=> 2a. Si vous souhaitez une représentation miroir, les femmes valaisannes ont-elles besoin d’être représentées par des Valaisannes, ou peuvent-elles l’être par des femmes d’autres cantons ?

=> 2b. Si vous donnez priorité aux engagements politiques, qui a le meilleur dossier à présenter ?

  1. Quelle importance accordez-vous à la langue et à la capacité d’être acteur/trice dans les débats ?

 

Pour ceux qui ont 5 minutes de plus, voici le raisonnement.

La tempête politique valaisanne est provoquée par les vents suivants: positionnement politique, genre, engagement pour la cause de l’égalité, région, langue, âge. A son tour, chaque vent mobilise certaines valeurs spécifiques qui vont influer notre décision.

Positionnement politique

Quatre partis proposent des candidat-es dans ce 2ème tour et, pour les départager, nos préférences politiques jouent un rôle clef. Deux points spécifiques s’imposent dans cette élection pour le Conseil des Etats, la fameuse chambre « Haute ». Premièrement, l’équilibre des pouvoirs fédéraux en fait d’une part une chambre de réflexion où prévaut la recherche d’un consensus, mais aussi un contre-pouvoir important pour toutes les questions liées à l’Etat de droit. La politique partisane y joue un rôle moins marqué qu’au National, la personnalité des élu-es y est plus importante.

Deuxièmement, la fonction principale de cette même chambre Haute est de défendre les intérêts du canton. A ce titre, elle se doit de représenter les différents courants politiques du Valais. Et ceux-ci sont multiples et divers. Le Valais n’est pas un bloc d’intérêts uniformes. La question qui se pose est donc : comment représenter au mieux les différents courants politiques au Conseil des Etats ?

Genre et engagement pour la cause de l’égalité

La question du vote « femme » est particulièrement intéressante. Ceux qui plaident pour avoir au moins une femme dans la délégation valaisanne (1/10 dans le cas de l’élection de M. Maret ou B. Wolf) argumentent à la lumière de la « représentation descriptive ». Cette approche repose sur l’idée que les représentant-es politiques doivent être un « miroir » de leurs citoyen-nes. Si aucune femme ne va à Berne au nom du canton du Valais, c’est donc 50% de la population valaisanne qui n’est pas représentée au sens du « miroir ». Cet argument est indépendant de l’engagement thématique des candidat-es, il porte sur leurs caractéristiques socio-démographiques. L’approche « miroir » fait le pari que si plus de femmes sont élues, les chances augmentent de voir les questions liées aux expériences de vie des femmes mieux traitées. Comme l’explique la Prof. Mansbridge d’Harvard (par exemple ici), cette approche miroir est particulièrement pertinente pour les situations où le lien de confiance est rompue et aux certains groupes ne se sentent pas représentés par des non-membres du groupe.

En parallèle, l’argument sur le genre peut porter sur les engagements politiques concrets en faveur des intérêts des femmes (au sein des situations typiques vécues par les femmes) et de l’égalité. Le genre de la personne n’importe pas, c’est son travail politique qui est au cœur de la question. Représenter s’entend ici dans un sens politique, la personne se fait porte-parole et avocate de certaines propositions.

Distinguer ces deux dimensions, c’est clarifier la question qui nous est posée pour ce deuxième tour. Souhaitez-vous une représentation « miroir », même imparfaite ? Ou donnez-vous priorité aux engagements politiques pris par la personne ? Souvent, la réponse à ces deux questions pointe la même personne. Mais dans ce 2ème tour, ce n’est pas forcément le cas, d’où l’intérêt de bien les distinguer.

Ces questions conduisent à deux questions complémentaires. La question du miroir prend une autre dimension après les résultats du 20 octobre. Au niveau suisse, le Parlement a sensiblement augmenté sa part d’élues (42%). La représentation miroir est presque atteinte (tout du moins au Conseil National). Par contre, il est totalement absent au niveau cantonal : 8 hommes sur 8 pour le National. Si vous souhaitez une représentation miroir, les femmes valaisannes ont-elles besoin d’être représentées par des Valaisannes, ou peuvent-elles l’être par des femmes d’autres cantons?

Si vous optez pour le positionnement politique, il faut alors comparer les différents dossiers des candidat-es en matière d’égalité.

Une même distinction s’applique aux critères de région et d’âge. Pour les tenants d’une représentation « miroir », il faut des représentants de chaque région et de chaque génération dans le but d’augmenter les chances de voir leurs intérêts pris en compte. Pour la ligne politique, il s’agit de s’intéresser aux actions politiques concrètes, indépendamment de l’origine ou de l’âge.

Langue

Le critère de langue peut être traité comme une composante du « miroir ». Dans ce cas, la même réflexion s’applique. Néanmoins, la langue est particulière car elle est aussi outil de communication politique. Et au Conseil des Etats, il n’y a pas de traduction simultanée. Comprendre l’autre langue, c’est donc la faculté de se mettre à la place de toute la population du canton, mais c’est également la faculté de comprendre les débats et de convaincre ses collègues. La question qui se pose ici est donc : quelle importance accordez-vous à la langue et à la capacité d’être acteur/trice dans les débats ?

Les questions-clefs

Les questions pour trouver son chemin dans cette tempête politique me semblent donc être les suivantes :

  1. Comment représenter au mieux les différents courants politiques au Conseil des Etats ?
  2. En matière de genre, âge, région, souhaitez-vous une représentation « miroir », même imparfaite ? Ou donnez-vous priorité aux engagements politiques pris par la personne ?

=> 2a. Si vous souhaitez une représentation miroir, les femmes valaisannes ont-elles besoin d’être représentées par des Valaisannes, ou peuvent-elles l’être par des femmes d’autres cantons ?

=> 2b. Si vous donnez priorité aux engagements politiques, qui a le meilleur dossier à présenter ?

  1. Quelle importance accordez-vous à la langue et à la capacité d’être acteur/trice dans les débats ?

Pour finir : l’importance des critères 

Cette tempête politique qui s’abat sur le Valais illustre un point extrêmement important du fonctionnement de toutes les élections : l’intérêt de distinguer un débat sur les critères et une élection de personnes. Pour ce 2ème tour, les deux questions se combinent : nous votons sur des personnes et, à travers elles, sur des critères de représentation. Le débat serait beaucoup plus productif si nous pouvions d’abord décider quelle représentation nous souhaitons (au Grand-Conseil, au Conseil d’Etat, aux Etats, dans les instances communales), puis appliquer ses critères aux choix de personnes. Avec Florian Evequoz, nous avons esquissé les bases de ce débat dans une approche appelée le « Pacte de représentation ». Affaire à suivre…

Johan Rochel

Dr. en droit et philosophe, Johan Rochel est chercheur en droit et éthique de l'innovation. Collaborateur auprès du Collège des Humanités de l'EPFL et membre associé du centre d'éthique de l’université de Zürich, il travaille sur l'éthique de l'innovation, la politique migratoire et les questions de justice dans le droit international. Le Valaisan d'origine vit avec sa compagne et ses deux enfants entre Monthey et Zürich. Il a co-fondé "ethix: Laboratoire d'éthique de l'innovation" (www.ethix.ch)

7 réponses à “Tempête sur le Valais

  1. On peut bien discuter des avantages et incvonvénients des différent(e)s candidat(e)s valaisan(ne)s au Conseil des Etats, selon divers critères. En revanche, à l’instant même où un commentateur utilise le mot “genre”, pour parler du sexe d’un(e) candidat(e), le débat s’arrête car ce commentateur s’est disqualifié.

    En effet, il y a des mots codés (le mot “genre” en est un), qui prouvent qu’on a affaire à un individu se plaçant sur le terrain de la soumission servile à une idéologie délétère. Donc son propos est irrelevant, irrecevable. Il faut le zapper.

    Nous avons une culture. Elle est incompatible avec les concepts importés de l’intelligentsia gauchiste, post moderne, déconstructiviste, politiquement correcte qui viennent d’ailleurs et ont déjà détruit le monde intellectuel américain. Ce sont des concepts toxiques que nous ne devons pas accepter dans nos débats, pour les mêmes raisons que nous proscrivons les espèces invasives toxiques (capricorne asiatique, mineuse du marronier, ailante, berce du Caucase, etc.), qui sont une menace mortelle pour nos espèces indigènes.

    On dira peut-être qu’il faut vivre avec son temps, et accepter certaines modes intellectuelles venues d’ailleurs. A ce taux-là on aurait du aussi, au nom de l’esprit d’ouverture, accepter que tous les arbres du canton de Fribourg soient tués par le capricorne asiatique. Les théories sur le “genre” c’est pareil. Si on les laisse s’acclimater en Valais, il n’y aura plus de Valais.

  2. Fauchère, évidemment. C’est le seul type intelligent parmi les candidats.

    Les autres sont nuls, peu importe qu’ils.elles soient en pantalons ou en jupons. Reynard ou Maret c’est blanc bonnet, bonnet blanc. Des incapables.

    Il faut arrêter de vouloir imposer aux gens des faux problèmes comme vous le faites.

  3. Donc, chère commentatrice ou cher commentateur, si je vous comprends bien, lorsqu’on parle d’une « élection » en Valais, on utilise un substantif de sexe féminin. Intéressant ! Jusqu’où l’idéologie vous conduit-elle !

  4. @CYRIL PETITPIERRE

    Pas du tout: dans la GRAMMAIRE, que nous avons tous apprise à l’école, il y a des règles très anciennes, et tout à fait valables, qui veulent que les adjectifs qualificatifs “s’accordent en nombre et en genre”. Donc il s’agit là d’une règle de GRAMMAIRE essentiellement.

    L’idéologie subversive issue des campus marxistes culturels US n’a rien à voir avec cela. Il s’agit de détruire les bases anthropologiques fondamentales de toute civilisation, en niant la NATURE, qui comporte la différence BIOLOGIQUE des sexes. On introduit donc abusivement dans la dialectique des relations homme-femme un concept qui n’y rien à y faire et qui provient de la théorie grammaticale. Moyennant quoi il ne peut plus exister de famille ni de mariage. On commence comme ça et ensuite on commence à parler de “mariage” entre des personnes qui biologiquement ne peuvent pas se reproduire de manière naturelle, donc ensuite fatalement et logiquement on sera amenés à imposer la PMA et la GPA pour “tous”. Evidemment, rien ne pourra s’y opposer puisqu’il n’y a plus de nature. Ensuite ce sera le commerce des bébés, les usines à bébés, on légitimera l’inceste, la pédophilie, puis ce sera le transhumanisme, l’humanité augmentée, etc., Puis on va gommer les différences entre l’homme (être humain) et l’animal, entre l’homme et la machine et on commencera à exiger un statut juridique pour des êtres qui seront le produit de manipulations génétiques entre un être humain et un animal, le tout augmenté par la greffe de puces électroniques, etc. Et on présentera tout celacomme une émancipation et un progrès.

    Voici les conséquences inévitables, que l’on ne perçoit peut-être pas encore en totalité mais qui nous seront imposées petit à petit par la tactique du salami, si l’on met le doigt dans l’engrenage en acceptant cette distorsion du sens des mots consistant à dire “genre” au lieu de sexe. Il faut en être conscients.

    Vous pensez que j’exagère? J’espère que mes craintes sont exagérées. Mais ça m’étonnerait. Nous devons être parfaitement conscients des conséquences réelles qui nous pendent au nez si nous commençons à confondre les règles de la grammaire avec celles de la nature.

    Le Valais a encore des réflexes assez conservateurs. Tant mieux. Et demandons nous si ce serait une bonne chose que le Valais traditionnel se mettait à suivre les idéologies délétères et inhumaines les plus frapadingues de la pire Amérique intellectuelle.

    Je ne sais pas si mes arguments seront compris. Mais j’espère que certains Valaisans au moins les liront et s’en souviendront avant de voter.

  5. Commencer à réfléchir au type de représentation que l’on veut avant d’envisager des personnes, ce n’est pas sorcier et ça ouvre une perspective. On peut tiquer sur tel aspect de la méthode de M. Rochel ou devoir s’accrocher un brin pour la comprendre mais si l’idée est d’offrir à chacune et chacun l’occasion de tester ce qu’elle ou il veut vraiment, cela en vaut la peine, non ? Des éléments comme l’âge, le sexe ou le genre des candidats, la région ou la langue, trouvent sens un peu partout . A Fribourg , autre canton bilingue affrontant une triangulaire avec une femme, même si aucun parti n’y affiche d’ambition hégémonique et si la députation cantonale ne risque pas d’y être monocolore, son approche paraît tout à fait intéressante.

  6. Bien que vous ayez abordé le sujet de tous les angles, d’autres lectures de la situation sont possibles.
    Le PDC porte la famille comme bannière, un étendard lourd, mais le scandale de l’enfant hors mariage du célèbre magistrat n’est pas anodin, et révèle un énorme foutage de gueule, ça compte pour les électeurs qui n’oublient rien.

    Le PDC, Genève a commencé sa chute vertigineuse il y a une vingtaine d’années quand un magistrat essentiel du PDC avait divorcé pour une jeunette, en laissant à sa femme la charge de leurs 3 enfants. Le PDC souffre d’une crise morale grave, il suffit d’analyser la vilénie de leurs dépenses de marketing pour discréditer leurs adversaires pendant la campagne.

    Et puis le PDC vaudrait clairement adhérer à l’UE. Les valaisans ne sont pas d’accord.

    Si le socialiste qui concentre en lui toutes les positions politiques que les valaisans n’aiment sera élu, ça ne serait pas pour lui mais grâce aux déçus du PDC. l’appel de l’ancien CF à voter pour lui est cependant inacceptable, car le PDC valaisan est plutôt à la droite du Parti National et proche du PLR. J’espère raisonablement que le socialiste n’aura pas le siège aux Etats et que la démocratie fonctionne en Valais pour le bien des valaisans.

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