Vivement la grève de juin !

La « grève des femmes » me met de très bonne humeur et la journée du 14 juin est marquée en rouge dans mon agenda. J’entends ci et là que certains hommes ne se sentent pas concernés par l’événement. Certes, la journée est dédiée à l’égalité et la liberté des femmes, mais c’est le combat de tous ceux qui veulent une société juste, où chacun, qu’on soit homme ou femme, profite d’une véritable égalité des chances. Les hommes motivés ne devraient pas hésiter à se joindre au mouvement.

Que l’on participe ou non à la journée, nous – les hommes donc – devrions profiter de cette effervescence pour repenser en profondeur notre rôle dans le foyer, notre rapport au travail ou encore notre approche de la vie politique. Ces trois sphères doivent être abordées comme formant un tout. Vous me pardonnerez une approche « à la hache », mais cela aura le mérite de la clarté.

Dans le foyer, nous devons prendre de la place. Il faut partager sur deux personnes la charge mentale des courses, du ménage, des lessives, et de toutes les tâches liées aux enfants (pour les familles). Nous affrontons un ennemi redoutable : le syndrome de l’assistant. Nous nous percevons – et notre environnement nous y aide – comme des assistants au sein de l’équipe « foyer ». De bons numéros 2, solides pour réaliser les tâches que la cheffe détermine. Le même schéma s’applique aux missions familiales, assistant d’une mère vue comme responsable d’équipe.

Au travail, nous devons à l’inverse céder de la place. Ça tombe bien, car si nous prenons la première dimension au sérieux, il ne sera ni possible ni souhaitable de vouer exclusivement sa vie au travail. Cette transformation passe notamment par la remise en question des poncifs sur l’homme nourricier et l’abandon du culte de la performance. En bref, à nous de démontrer qu’il existe de multiples façons d’être homme et/ou père, parfois en dehors des sentiers battus de la masculinité toute puissante qui écrase les résistances de toutes sortes.

En politique finalement, nous devons d’urgence faire de la place. A nous de convaincre les électeurs et les électrices que la démocratie vit de sa capacité à représenter l’entier de la population. En cassant l’idée que seuls les hommes sont compétents en politique, nous devons être les acteurs de ce ré-équilibrage.

Vous pensez que certains hommes n’ont pas d’autre choix que de travailler à 100%, souvent dans un job pénible et peu rémunéré? Vous pensez aussi que certaines femmes sont heureuses d’être mère au foyer ? Vous avez parfaitement raison. Dans la société que j’imagine, toutes ces décisions relèvent de la liberté des couples et des familles, liberté elle-même assurée par des incitatifs institutionnelles, fiscales, sociétales aussi neutres que possible. Pour aller vers cette société idéale, il faut marteler que la politique d’égalité doit être une politique de liberté et une politique sociale. Pour réaliser l’égalité, nous avons besoin de mesures fortes pour promouvoir une véritable liberté de choix. Et pour que cette liberté soit réelle, nous devons poursuivre des objectifs ambitieux de lutte contre la précarité. Sans ce combat, le mot de liberté est galvaudé. Vous vous reconnaissez dans ce projet de société ? Rendez-vous le 14 juin, l’ambiance s’annonce festive.

 

 

Johan Rochel

Dr. en droit et philosophe, Johan Rochel est chercheur en droit et éthique de l'innovation. Collaborateur auprès du Collège des Humanités de l'EPFL et membre associé du centre d'éthique de l’université de Zürich, il travaille sur l'éthique de l'innovation, la politique migratoire et les questions de justice dans le droit international. Le Valaisan d'origine vit avec sa compagne et ses deux enfants entre Monthey et Zürich. Il a co-fondé "ethix: Laboratoire d'éthique de l'innovation" (www.ethix.ch)