Vous êtes ici

C’est comme une série, mais au théâtre.

Dans plusieurs théâtres. 

Il y a quelques jours, comédiennes et comédiens travaillaient l’épisode 2. 

Ils.elles chantaient, sur fond jaune.

Pour Manon Krüttli et Raphaël Krajka, à l’écoute.

 

 

Morceaux choisis

T’es un peu

Ouhai je suis un peu

À fond

On va répéter la chanson

Allons-y

Petits échauffements tournicoti

Y a des chats dans l’espace

Chadore

Ça te fait mal au bras

Non mais j’avoue

J’aime pas

Et on fait des grands cercles

Flex pointe demi-pointe

On enroule

On va prendre le sable avec ses orteils

Puis chorégraphie de la cheville

Tout ce qu’on veut éviter

C’est le côté chorale

Piano bar ça claque

Je vais me lancer dans le showbiz

On m’a jamais fait un cadeau aussi beau

Chouette chouette 

Ce trou avant chose commode

Il est voulu

Comment on peut dire ça

La mineur

Si tu fais le La mineur dans le trou

Y a plus de trou

Un fa majeur c’est beaucoup plus lumineux

En ce qui concerne le chant

Y a tout à dire mais y a rien à dire

Quand il n’y a pas de texte

Tout le monde fait un peu lalalala

On peut ouvrir

Tou ti da de la

Quand on dit fafedidodu

C’est pas j’aurais bien voulu

J’aurais voulu t’écrire une chanson d’amour

C’est ultra triste en fait

Mon son s’arrête

Je fais la connexion

Tiens le Pas plus longtemps

Vous avez déjà entendu la nappe sonore sur vos voix

Comment on commence la chanson

Max entre un peu comme il peut

Super Max

Pour avoir du son sans avoir du son

On peut chanter bouche fermée

Est-ce que y a un arrêt de la guitare

Est-ce qu’elle repart 

Y a plusieurs tests à faire

OK

Essayons autre chose

Essayons complètement autre chose

Parce que finalement

Dans ce monde de l’ennui

On chante des chansons

Ayez confiance

Max ira tôt ou tard prendre la guitare

Il est exclu que la guitare soit sur scène ?

Rien n’est exclu

Laissez-moi réfléchir

Des fois 

Enjoy

Le soleil c’est puissant

Mais il passe par un trou dans le volet

C’est ça piano

Le piano c’est donner intensément

Mais resserré

Tu sais on n’échappe jamais à qu’est-ce qu’on est

J’aurais bien voulu

Mais par les temps qui courent

T’écrire une chanson d’amour

 

Voilà. L’Episode 1 s’est terminé samedi au Théâtre de l’Orangerie.

La Chambre à lessive était clairement un vaudeville, avec tous les dérapages, les gags et les exagérations que permet le genre. Les Ruines se donne dans d’autres dimensions. Que vous allez découvrir.

Laissez-vous guider par les personnages, les acteurs, actrices, sont toujours les mêmes. Iels sont sorti.es de la comédie pré-catastrophe pour entrer dans une réalité post-catastrophe. Laissez-vous guider aussi par le travail des quatre créateur.trices qui suivent toute la série, côté son, costumes, lumière et scénographie. Brice Catherin, Eléonore Cassaigneau, Jonathan O’Hear et Sylvie Kleiber ont posé des concepts qui donnent forme à ce monde en transition, monde qui se cherche autant dans l’histoire elle-même que dans ses expressions artistiques.

Le texte est de Stéphane Bouquet, la mise en scène de Manon Krüttli.

A tout de suite dans Les Ruines. 

 

Julie Gilbert, Dominique Perruchoud et Michèle Pralong

AVEC

Rébecca Balestra

Claude-Inga Barbey

Juan Antonio Crespillo

Baptiste Gilliéron

Maxime Gorbatchevsky

Noémie Griess

Aurélien Gschwind

Karim Kadjar

Nora Steinig

https://www.vousetesici.ch

 

Joëlle Gagliardini

Joëlle Gagliardini enseigne aujourd'hui le dessin et l'illustration de mode à la HEAD - Genève. Illustratrice du réel, elle s'installe dans les théâtres et les jardins, pour saisir les images et les mots des habitant.e.s de ces territoires vivants.

3 réponses à “Vous êtes ici

  1. Ce que c’est beau ces couleurs éclatantes et cette poésie totalement spontanée. Quand je vois ces photographies prises par votre cerveau, je ne peux m’empêcher de penser : *Mais… Avant, quand moi j’étais tout jeune, est-ce qu’il y avait déjà autant de couleurs ? On pourrait dire oui, mais dans les fleurs, sur les ailes des papillons, dans les plumes de certains oiseaux qui ouvrent de grands yeux ronds dans la jungle en pleine nuit ! Mais ces couleurs existaient aussi dans les tubes d’anciens peintres fous que l’on enfermait dans les cliniques psychiatriques ! Jaune ! Violet ! Rouge ! Ils hurlaient, riaient, puis pleuraient dans le couloir silencieux avant que la Soeur arrive avec sa grosse théière qui s’est fait tordre le cou pour cracher tout le jus de son estomac. Bon j’arrête de dire de pareilles horreurs ici au théâtre cela va mal passer. Mais je voudrais vous dire combien les couleurs ont réussi à percer l’ennui, les mensonges, à casser le bois mort des vieux meubles pour que jaillissent des tiroirs les vêtements colorés des années septante, les 2CV et VW Coccinelles turquoise, rose, orange ! Eh bien j’ai donné un jour un bref cours d’histoire de la jeunesse à la fille d’une copine, âgée de huit ans, à côté de la mère qui en avait 40, et moi 60 : « De mon temps, les garçons portaient des shorts mats gris, des chaussettes hautes en laine grise, plus une casquette de feutre gris du magasin Pyotet à St-François… Il n’y avait que les crayons de couleurs dans le plumier qui avaient le droit de ne pas être gris, et encore, on n’avait pas la permission de les employer trop souvent. Le crayon pour apprendre à écrire et penser était en plomb que l’on léchait quand on s’ennuyait, sans en mourir ! » Comme la fillette de huit ans semblait un peu effrayée, j’avais adouci mon récit : « J’exagère quand même un peu, mais c’est vrai qu’il n’y avait pas que la télévision qui était en noir et blanc, les enfants étaient vêtus comme des statues de pierre… Puis sont venues les années septante où la jeunesse a décidé de faire péter les couleurs, et maintenant c’est tout normal que tu portes un bracelet élastique fluo, des leds qui clignotent autour des semelles de tes pantoufles de course, et tout le reste que tu aimes montrer pour être jolie. Tout ça parce que dans le temps trop de bonheur n’était pas normal, on avait le droit d’être un peu fou de temps à autre, en buvant un sirop de framboise bourré de colorants artificiels, ou sucer une fraise de gros sucre qui nous rongeait les dents, et en plus c’était de notre faute ! »

    Là, la fillette riait, et j’étais quand même content que mon cours soit vivant pour elle, mais sa mère a donné son avis comme une douche froide inattendue : « Dominic, tu dis n’importe quoi : les couleurs qui n’existaient pas !.. Et ce sont les jeunes des années septante qui les ont découvertes ? Pfffouh !.. » Puis elle a tourné les talons et s’est éloignée… Que pouvais-je alors dire à sa fille qui ne comprenait pas pourquoi tout d’un coup il y avait un malaise, comme si un nuage gris venait de nous tomber dessus… Alors je lui ai dit : « Ta mère ne sait pas qu’avant elle le monde était en noir et blanc, elle est née au moment où arrivaient les couleurs, en 1972 exactement. Moi j’avais vingt ans, et toi tu étais une minuscule fleur qui se cachait avant le printemps, puis tu as surgi comme un petit feu d’artifice tout en couleurs ! Cela devait être un moment très heureux… »
    — Oui, c’est ce que maman m’a toujours dit, alors pourquoi est-ce qu’elle croit que tu te trompes sur les couleurs ?..

    1. Merci Joëlle pour votre message. Des fois les souvenirs se déforment, hier j’ai retrouvé mes hiéroglyphes d’il y a huit ans, la fillette m’avait répondu : « Pourquoi maman dit que tu te trompes ? J’ai bien vu sur des très vieilles photos que tout était noir ou gris ! »

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