Les ateliers de pratique théâtrale battent son plein, dans la petite salle du théâtre Am Stram Gram ! Sous le regard bienveillant de Mariama Sylla, une poignée d’adolescent.e.s joue.
Morceaux choisis
Mariama ?
Oui
J’ai une question
Laissez-les travailler
Bien sûr
OK cinq minutes
Il est où le corps
Moi je suis assise
On est obligé de faire ça ?
Deux minutes
Youssef tu veux dire quoi
Ben l’ami tu le vois l’ami
Ouhai
Mom vom zom
Merci je serai plus au clair
Cléa Simon investissez
Investissez
Vie ou mort
Investissez les jambes
Je vais mettre du son
Tu joues avec les mêmes mots
On peut faire plus mais on peut faire moins
On a le droit d’être en lien avec un corps sans parler
Tu veux partir
Vraiment
Ton corps veut s’en aller
Tu le prends là
Mais Milo j’y crois pas
Fais-le pour de vrai
Mais je peux pas j’ai une feuille dans la main
Comment je mets le corps là-dedans
J’ai l’intention mais j’ai pas le corps
Rappelez-vous que quand on joue un truc général
On joue rien
Trop bien
« Quand on joue un truc général on joue rien » (cela me touche !)
J’ai un souvenir heureux qui me revient. Est-ce que c’était pour jouer, parce qu’après nous avions envie de rire ? Avant de commencer nous nous sentions très sérieux, c’était pour vivre ! Parfois triste ou inquiète, elle ou moi, nous ne savions pas pourquoi. L’un ou l’autre proposait : « Faisons l’étoile… » Nous nous couchions au salon sur le dos, comme sur deux lits qu’on aurait mis en long tête à tête. Nous nous tenions doucement par les mains, puis écartions tout grand les bras et les jambes. C’était l’étoile ! Une étoile que nous pouvions voir briller yeux fermés, nous en entier ! Mon amie me disait ensuite : « Si ma mère me voyait faire ça, elle dirait qu’avec toi je deviens folle… » Et moi : « Ma mère qui dit souvent que tout le monde est fou, elle comprendrait que nous ne le sommes pas ! »
Ce n’était ni un rituel, ni un jeu, c’était pour savoir ce que nous avions peur de perdre, sans le dire à personne. Il n’y avait pas que l’étoile, mais aussi : « Faisons l’araignée, toutes les araignées me font peur, sauf toi et moi… » Parfois notre scène était un mouvement où nous nous retenions : « J’ai envie de faire l’ancre que tu tires dans le sable, mais ne me lâche pas ! Je resterai partout où tu me tiens ! »
Cela n’a jamais été un spectacle, mais je m’en souviens maintenant comme si je nous voyais encore : Une étoile, une araignée, une feuille morte, un coquillage… Puis nous étions de nouveau deux personnes qui s’embrassaient en riant !
Merci de me redonner mes souvenirs.
Comme j’aime votre écriture…
Merci beaucoup… Est-ce que je peux rajouter un court commentaire dans le sujet du blog ? Ces enfants du théâtre sont libres pour être dans ce qu’ils font et disent, c’est le secret pour que leur pensée puisse continuer à bien vivre plus tard, comme dans une maison toutes fenêtres ouvertes les beaux jours, et même quand il pleut, dehors ou sous le plafond. J’étais sans écriture et sans mots durant toute ma scolarité et même après. C’était ma mère qui me faisait mes dissertations au gymnase, bien qu’elle ne parlait pas bien le français elle parvenait à fabriquer un puzzle en se servant des livres dans la grande bibliothèque que mon père voulait avoir au salon pour que ça fasse bien. Et pendant qu’elle fabriquait ma dissertation elle disait : « C’est ça qu’il faut mettre, je trouve que c’est idiot mais pour le professeur ce sera intelligent, le but c’est d’avoir une bonne note ». Et elle faisait de très bonnes notes ! C’est il y a deux ans seulement que j’ai osé commencer à écrire pour dire ce que j’aimais. Dessiner m’a beaucoup aidé à vivre, c’est toujours ce que je préfère, mais j’avais besoin de parler. Le dessin qu’on montre d’habitude il se tait.
Merci pour cette plongée impressionniste dans un atelier-théâtre, auquel l’outil dessin donne une couleur particulière! Par curiosité: comment les adolescent·e·s ont-elles et ils réagi à votre présence et/ou votre travail? =)
Bonjour,
et merci beaucoup pour votre commentaire. Les adolescent.e.s me voient régulièrement, ils.elles savent que je suis là pour les mettre en lumière. La plupart du temps ils.elles m’oublient, très impliqué.e.s dans leur jeu. Mais à la fin de la séance, ils.elles sont toujours heureu.x.ses de se reconnaître dans les images et de revivre les deux heures qui viennent de s’écouler. Mon plaisir le plus grand est de les entendre rire des mots qu’ils.elles ont lancés l’heure précédente, c’est tout frais mais déjà gravé dans l’histoire.