Dépasser la confusion
C’est un constat, le monde économique est en pleine réorganisation. Réorganisations sectorielles, structurelles et sociétales. A la période de repli et d’incertitude se profile une ère de confusion.
Un ‘rien ne va plus’ économique …
Valeurs et nombres s’entrechoquent de manière chaotique comme des électrons libres dans le vide stellaire. Priorités et urgences s’amalgament puis se détachent dans une course irrationnelle à la recherche d’une solution stable : celle d’une société apaisée par un projet économique et social viable pour tous et surtout durable.
Voilà deux ans bientôt qu’un virus s’est invité à la table – transformant nos enjeux économiques en jeux de casino. D‘un côté, l’économie réelle dont le socle est devenu le plateau d’une roulette qui semble perdre des numéros à chacun de ses tours ; de l’autre – dans la salle Black Jack des Bourses – des néo-capitalistes désinhibés tentent leur va-tout à la fortune du désespoir : la fortune promise d’un monde virtuel de blocs et de chaînes où l’entreprise n’est plus un projet commun de croissance, mais un amalgame d’avatars digitalisés où les seules valeurs collectives partagées sont l’individualisme et la quête du jackpot.
Un monde meilleur ou un meilleur des mondes ?
Ce ‘Meilleur des mondes’ d’Aldous Huxley s’est enfin invité chez nous avec les traits anxiogènes d’une ‘révolution ultime’ sans que le fracas d’un seul canon ait été entendu. En un temps record, subrepticement, nous avons été contraints de nous téléporter de l’entreprise à «l’USS Enterprise » de Star Trek. Du Temps des incertitudes, le monde semble avoir hérité celui de la confusion, de la dilution du sens commun.
Un pays dont l’armée est désemparée et traverse une crise de confiance sera victime de tentatives de subversion de la part de ses rivaux. C’est là le sens du proverbe : « la confusion et le désordre dans une armée offrent la victoire à l’adversaire. » (Sun Tzu)
Et une fois de plus, les anciens nous rappellent à l’ordre.
Dirigeants stratèges, voici quelques réflexions pour ne pas céder aux doutes :
1- Réévaluer son objet et ses projets : cartographier sa situation
Une réalisation ne dépasse celle du commun que par la capacité d’anticipation, de prévision. Le recueil d’informations préalables à ces prévisions n’est ni le fruit de quelconques conjectures divinatoires ni celui de prédictions tirées d’analogies trompeuses de précédents historiques.
La capacité de prévision provient uniquement d’hommes renseignés connaissant la situation de l’adversaire qui par leurs rapports fidèles vous informent des dispositions de celui-ci.
2- S’informer – se renseigner
Un stratège doit comprendre les desseins des princes locaux afin de nouer des alliances profitables en amont de tout engagement. Qui ignore les objectifs stratégiques des autres princes ne peut conclure d’alliances.
Un général stratège doit connaître parfaitement le terrain et sa topographie avant d’y conduire son armée ; afin d’en tirer parti au mieux il recourt aux services de guides locaux et d’éclaireurs. Qui néglige un seul de ces points n’est pas digne de conduire une armée.
C’est pourquoi seuls un souverain stratège et un habile général en mesure de recruter comme agents les personnes les plus intelligentes seront assurés d’accomplir de grands faits. Les opérations secrètes sont essentielles à la pérennisation d’un État et la bonne conduite de son armée.
3- Motiver ses troupes
La doctrine politique fait naître l’unité de pensée ; l’harmonie est la cohésion des valeurs partagées entre la population et ses dirigeants, supérieurs et inférieurs ; elle inspire la confiance de ces derniers à partager un même destin avec leurs chefs dans la vie comme dans la mort.
On traite l’armée comme un seul homme à qui l’on montre l’exemple par son efficace et non par des discours. On motive ses troupes par des perspectives avantageuses, non par les risques encourus.
4- S’engager
La victoire est l’objectif principal de la guerre. Quand les armées s’engagent dans des campagnes prolongées, que les opérations traînent en longueur sans apporter de victoire décisive, les armes comme le moral de vos troupes s’émousseront ; en usant leurs nerfs dans des sièges sans fin, le courage et les ardeurs de vos soldats s’évanouiront ; les provisions se consumeront et les coffres du prince que vous servez s’épuiseront.
Voilà pourquoi une armée doit viser la victoire immédiate et non une guerre d’usure basée sur des opérations prolongées.
En règle générale, après que le général ait reçu du souverain l’ordre de tenir la campagne, il mobilise ses troupes et prépare la population. Il organise harmonieusement ses forces avec homogénéité en portant une attention particulière à leur procurer un campement avantageux, car c’est de là principalement que dépend la réussite de ses projets et de toute son entreprise.
Ceux qui possèdent les vrais principes de l’art militaire ne s’y prennent pas à deux fois ni ne procèdent jamais à deux levées consécutives en hommes ou en vivres. Dès la première campagne, tout est fini ; ils ne consomment pas de vivres inutilement pendant plusieurs années de suite, leurs ressources propres leur suffisent.
5- Organiser – déléguer
Maîtriser l’art de l’organisation afin de renforcer la coordination et l’efficacité de ses hommes ; savoir hiérarchiser et promouvoir les officiers au rang qui convient. Ne négliger aucun maillon de la chaîne et être instruit des devoirs particuliers de chacun, du plus haut jusqu’à sa logistique d’approvisionnement afin de pourvoir aux besoins essentiels.
Si l’alignement des effectifs paraît important dans les plans, ne surestimez pas ce seul paramètre : une trop grande quantité de personnels est souvent plus nuisible qu’elle n’est utile. Une petite armée bien disciplinée est invincible sous un bon général.
En matière martiale, le grand nombre seul ne confère pas l’avantage ; n’avancez jamais en comptant sur la seule puissance militaire. Une armée composée des mêmes hommes peut-être très méprisable commandée par tel général, tandis qu’elle sera invincible sous les ordres d’un autre :
– Savoir être prévoyant et savoir correctement estimer la situation en concentrant ses forces pour attirer à soi vos adversaires au moment propice et à l’endroit voulu ;
– Savoir ne jamais sous-estimer votre adversaire ;
– Savoir gagner le cœur des hommes en les enflammant d’une ardeur combative ;
– S’assurer d’une discipline sans failles ; d’instructions claires et justifiées ; d’ordres efficaces et parfaitement exécutés, afin d’éviter désobéissances et indiscipline, car, on instruit les hommes par les institutions civiles, on les unit par la discipline militaire.
Ainsi, les instructions et les ordres étant en toutes circonstances justifiés seront parfaitement exécutés pour leur efficacité formant un liant naturel de confiance entre dirigeants et subordonnés.
Telles sont les attentions que vous devez à toutes les démarches, tant les vôtres que celles de vos adversaires. Une telle minutie dans les détails peut paraître superflue, mais elle procède d’un constat : que rien de tout ce qui peut contribuer à vous faire triompher n’est négligeable.Le commandement du grand nombre est généralement le même que pour le petit nombre, ce n’est qu’une question d’organisation et de communication. Contrôler grands et petits nombres n’est qu’une seule et même chose en manœuvre : c’est avant tout une question d’organisation et de disposition des effectifs, de précision des ordres et de transmission des signaux.
Un grand général doit savoir l’art des changements. S’il s’en tient à une connaissance vague de certains principes ; à une application routinière des règles de l’art et une certaine connaissance de la topographie ; si ses méthodes de commandement sont dépourvues de souplesse, s’il examine les situations conformément à quelques schémas, s’il prend ses résolutions d’une manière mécanique, il ne mérite pas de commander.
En conclusion
Apprendre à se renseigner, bâtir et partager une vision commune
Une armée peut connaître six infortunes : la fuite, l’insubordination, l’enlisement, l’effondrement, la confusion et la déroute, mais aucun de ces désastres ne peut être attribué à des causes naturelles ; sinon aux seules erreurs de commandement.
En matière de gouvernance, retrouver le sens commun est un art : celui de l’intelligence collective.
C’est ainsi qu’un général ne cherche pas à rééditer ses exploits,
mais s’emploie à répondre aux circonstances selon une variété infinie de voies.
Bonne nouvelle année à tous !
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