Un New Deal historique pour garder le leadership mondial en post-pandémia
Aux États-Unis, la réponse budgétaire à la crise pandémique reste inédite dans les annales de notre Histoire et doit être décryptée à l’aune d’un monde au bord de ruptures multiformes – des ruptures irrémédiablement engagées dans des dynamiques d’accélérations révolutionnaires.
Global trends 2040 : Un rapport prospectif qui “vaut 6000 milliards de $” : un nouvel ordonnancement de priorités dans un monde en état d’urgence.
Un seul chiffre : 6000 milliards $ – ce budget spectaculaire a été présenté par les Démocrates au Congrès américain le 28 mai dernier et il reviendra aux élus d’adopter les mesures et les réformes nécessaires pour maintenir un « Future made in America » selon le slogan consacré pour maintenir le leadership dans un monde d’après. Ce budget inédit depuis le New Deal est une ‘estimation’ des besoins stratégiques cruciaux du pays pour sortir d’une longue période de laisser-faire néo-libéral et le transformer en une redoutable machine keynésienne dans laquelle l’État reprendrait ses droits d’un revers de main. C’est une nouvelle investiture précipitée dans une croisade difficile afin de subordonner la main invisible des marchés à la main de fer d’un état stratège engagé ; entre un New Deal et un Plan Marshall, la marche états-unienne pour une nouvelle doctrine de leadership est annoncée.
Voici les raisons qui feront de ce dernier rapport stratégique une lecture incontournable pour décrypter et anticiper ce brave new world à l’état embryonnaire…
Une lecture cruciale pour tout dirigeant stratège en 2021
Septième opus depuis sa première édition en 1997, ces rapports prospectifs ‘Global trends’ du National Intelligence Council ont un puissant impact politique à l’international en tant qu’ils reflètent une photographie globale de l’état du monde du point de vue de la puissance dominante états-unienne, mais surtout, préfigurent les perspectives potentielles sur la nature des engagements cruciaux à anticiper à l’échelle internationale en matière de risques politiques, démographiques, environnementaux, économiques et technologiques. le document original en version anglo-américaine est librement accessible en source ouverte et téléchargeable au format PDF depuis le 8 avril 2021 sur le site du NIC à l’adresse suivante : www.dni.gov/nic/globaltrends
Ce Global Trends 2040 aura probablement une plus grande aura que ses précédentes éditions de par l’émergence soudaine d’un écosystème en accélération et rendu de plus en plus complexe depuis 2020 par une seule et unique variable sanitaire qui s’est avérée – comme tout facteur ‘révélateur’ –, le cygne noir précurseur de réactions politiques et sanitaires disruptives, de modifications sociétales, mais aussi, d’accélération économique.
À cette date, après une ère pandémique qui n’a toujours pas dit son dernier mot et sous une nouvelle investiture Démocrate dans une Amérique post-Trumpienne au cœur d’un monde désorienté, ces analyses prospectives auront un impact direct et indirect inédit de par la nature des nouvelles priorités stratégiques, politiques et des engagements financiers massifs que prendront les états, les populations, les entreprises, mais aussi les organisations étatiques et non étatiques à l’influence grandissante. La récession mondiale liée au facteur Covid a fait l’objet de réponses contrastées et multiples selon les états, les continents et les alliances et cela, sans exception.
Prendre la mesure des nouvelles priorités et des urgences
Aucun secteur ne sera écarté par ces mesures mais encore faut-il comprendre ces nouvelles forces en présence – ce futur à l’état embryonnaire – pour construire la matrice gagnante ; cette même matrice à laquelle le général Eisenhower se soumettait chaque jour, face aux doutes et dans ses heures les plus sombres afin de discerner puis trancher parmi ses nombreuses priorités celles qui étaient les plus importantes de celles qui étaient les plus urgentes…
Car, ce sont bien ces forces structurelles interagissantes qui décideront des dynamiques émergentes et des choix cruciaux qui façonneront soit nos utopies, soit peut être aussi nos dystopies dans un monde en accélération et toujours plus fragmenté, plus controversé – ce que propose le rapport dans sa troisième section intitulée : Scénarios pour 2040 – Planifier l’avenir en pleine incertitude. C’est dans ce dernier chapitre que l’on retrouve cinq scénarios prospectifs de futurs ‘possibles’ de notre monde de demain…, en 2040. Sans relever de prédictions, ces scénarios nous engagent à des réflexions de fond – non pas sur d’inévitables fatalités ! –, mais bien sur les risques de les ignorer. Il en va aussi pour nous européens, de comprendre ces facteurs d’incertitudes selon d’autres perspectives mondiales, ce qui rend ce rapport particulièrement enrichissant dans ses analyses des dynamiques émergentes et des forces structurelles en action. En cela, la lecture de ce rapport contribuera à conforter ou invalider les champs de nos priorités économiques, nos urgences politiques et la nature des nouvelles menaces afin de les intégrer dès aujourd’hui dans nos analyses stratégiques.
Tendances mondiales : Cinq scénarios proposés en réponse à un monde fragilisé, disruptif, controversé.
Dans ce jeu de combinaisons de dynamiques et de ruptures, toutes les analyses se rejoignent pour annoncer une contestation croissante de l’ancien ordre à tous les niveaux – contestations bien plus marquées et multiformes que celles observées lors du siècle dernier -, reflétant des idéologies hybrides et novatrices ainsi que des points de vue contrastés sur la manière la plus efficace d’organiser la société et de relever les nouveaux défis futurs. La convergence des analyses nous conduit ainsi à observer soit un affaiblissement progressif des pouvoirs étatiques traditionnels, soit leur renforcement face à une fragmentation et une contestation croissante sur les questions économiques, culturelles et politiques.
Des décennies de gains constants en matière de prospérité et d’autres aspects du développement humain ont amélioré les conditions de vie dans toutes les régions et suscité l’espoir d’un avenir meilleur. Alors que ces tendances se stabilisent et se combinent à des changements sociaux et technologiques rapides, de larges pans de la population mondiale se détournent des institutions et des gouvernements qu’ils considèrent comme peu désireux ou incapables de répondre à leurs besoins. Les réponses humaines à ces principaux moteurs et la compréhension de ces dynamiques émergentes détermineront comment le monde, ses territoires et ses alliances évolueront au cours des deux prochaines décennies. Parmi les nombreuses incertitudes qui couvrent nos horizons, le rapport du NIC a exploré trois questions clés concernant les conditions régnant dans des régions spécifiques, les choix politiques des populations et les gouvernances à travers leurs structures et leurs idéologies :
- Quelle est la gravité des défis mondiaux imminents ?
- Comment les États et les acteurs non étatiques s’engagent-ils dans le monde, y compris les objectifs et le type d’engagement ? Et enfin,
- À quoi les États accordent-ils la priorité pour l’avenir ?
C’est à partir de ces questions qu’ont été élaborés cinq scénarios plausibles, distinctifs et illustratifs du futur pour des mondes alternatifs en 2040. Chacun de ces scénarios reflète les thèmes clés des défis mondiaux partagés : la fragmentation, le déséquilibre, l’adaptation et une plus grande contestation. Trois des scénarios décrivent des futurs dans lesquels les défis internationaux deviennent de plus en plus graves et les interactions sont largement définies par la rivalité entre les États-Unis et la Chine.
Dans Renaissance des démocraties (Renaissance of Democracies), les États-Unis sont à la tête d’une résurgence des démocraties. Dans Un monde disloqué (A World Adrift), la Chine est le premier État, mais n’est pas mondialement dominant et dans Coexistence concurrentielle (Competitive Coexistence), les États-Unis et la Chine prospèrent et se disputent le leadership dans un monde divisé.
Deux autres scénarios illustrent des changements plus radicaux. Les deux résultent de discontinuités mondiales particulièrement sévères et défient à tour de rôle les hypothèses sur le système mondial. La rivalité entre les États-Unis et la Chine est moins centrale dans ces scénarios, car les deux États sont contraints de faire face à des défis mondiaux plus vastes et plus graves et constatent que les structures de gouvernance actuelles sont soit inexistantes, soit trop peu ou mal adaptées à ces défis : Silos séparés (Separate Silos) dépeint un monde dans lequel la mondialisation s’est effondrée et des blocs économiques et de sécurité émergent pour protéger les États contre les menaces croissantes ; Tragédie et mobilisation (Tragedy and Mobilization) est une variante basée sur des changements révolutionnaires ascendants, dans le sillage imminent de crises environnementales mondiales brutales et dévastatrices.
Un dernier mot sur ce rapport prospectif Global Trends : last but nos least…
Le monde littéraire et les plates-formes de streaming n’ont pas fini de nous abreuver des conséquences de notre période actuelle. Autant jusqu’à 2020, les risques pandémiques n’étaient pas le paramètre central du ‘pire est à venir’, autant les risques majeurs traités en intrigue par les réalisateurs de séries d’anticipation voient certaines de leurs œuvres reprendre du service, ce qui peut être, pourrait être bienvenu… Car, dans les facteurs prépondérants à l’émergence d’un monde dystopique, une pandémie est juste l’un des plus puissants vecteurs de ‘propagation’ pour toutes les théories complotistes les plus alarmantes. Bien au-delà des blockbusters que furent l’Armée des 12 singes, World War Z ou la série d’anticipation Black Mirror, la pandémie a été un impensable accélérateur de particules scénaristiques. Parmi ces principales théories participant du « grand reset » se retrouvent invariablement celles du génocide scientifique planifié ; du contrôle répressif des populations ; du renforcement des mesures coercitives sur les déplacements individuels ; de l’emprise intégrale et démultipliée des GAFAM sur les flux d’informations numériques et de leurs contenus grâce à l’hyperdigitalisation et à l’IA et enfin, l’injection à grande échelle de substances antivirales suspectes aux conséquences menaçantes… Entre thèses transhumanistes et théories complotistes, le combat contre l’ignorance et l’obscurantisme n’a pas fini sa triste croisade.
Néanmoins, n’en déplaise à certains, parmi certaines de ces émanations théoriques, il semblerait que des premiers signaux émergents aient déjà transcendé la fiction en une réalité ; une réalité qui pourrait même s’avérer transgressive selon son angle de jugement : Les premiers écoréfugiés ne seraient-ils pas à nos portes ? Le crédit social chinois ne serait-il qu’un mythe mensonger distillé sous l’influence d’une dissidence étrangère ‘antipatriotique’ ? Le tracking invasif des individus via certaines applications mobiles et logicielles une pure fiction ? La brutale polarisation des populations en deux catégories socio-économiques et technologiques distinctes – les ‘vitaux’ contre les ‘digitaux’ – engendrée par une abyssale fracture digitale qui servirait les intérêts des uns et asservirait les autres ? Rien n’est moins sûr…
Plus que jamais dans notre histoire contemporaine, l’exercice prospectif n’a été nécessaire. Plus que jamais les choix de nos vingt prochaines années seront décisifs dans le maintien ou non de nos libertés individuelles et collectives au sein de démocraties averties. Entre une utopie naïve qui poursuivrait dans l’ignorance la quête régressive d’un certain ‘monde d’avant’ et celle – plus dystopique – qui prendrait le parti de penser le pire pour s’en protéger, il ne tient qu’à nous d’en décider collectivement.
Bon décryptage à tous !
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