Le numérique et le citoyen au coeur de la protection de la biodiversité

Autrefois réservée aux scientifiques et universités, la collecte de données s’ouvre au grand public. Grâce aux technologies numériques, il est dorénavant possible d’associer les citoyens aux projets de recherche, et ainsi faire bénéficier la science d’une capacité de collecte de données inégalée.

Chacune et chacun d’entre nous peut alors devenir les yeux et les oreilles de scientifiques sur le terrain, et ainsi leur permettre de mieux suivre la migration des différentes espèces, illustrer l’évolution de certains écosystèmes ou encore surveiller les innombrables changements et évolutions au niveau local mais à une échelle mondiale.

Certaines technologies sont spécifiquement dédiées à la participation des citoyens aux observations scientifiques. Les données qu’ils génèrent sont ensuite collectées, stockées et analysées par des scientifiques, qui peuvent ainsi améliorer leurs recherches avec des données en temps réel. Plusieurs exemples permettent d’illustrer cette collaboration, qui a aussi pour bénéfice de générer encore davantage de sensibilisation et d’engagement, et donc de rapprocher la science du grand public.

Litterati est un très bon exemple de l’utilisation de données prévenant d’une collecte citoyenne. Cette startup a pour but d’identifier où sont localisés les déchets dans le monde, mais aussi leur type, leur quantité et leur évolution dans le temps. Comme les déchets sont partout, leur impact sur l’environnement est dramatique. Litterati est basée sur une communauté de citoyens qui prennent en photo des déchets là où ils se trouvent. Leurs photos sont ensuite géolocalisées, horodatées et étiquetées avec des mots-clés permettant d’identifier les marques de produits de consommation les plus courantes, et ainsi de créer des profils de déchets pour les villes et les campagne. Cela aide les administrations publiques et les entreprises à devenir plus efficaces dans leurs efforts de nettoyage et de recyclage.

Un autre exemple est le programme BirdReturns, développé par l’organisation non gouvernementale The Nature Conservancy (TNC) pour protéger la migration des oiseaux entre le Canada et le Mexique. Cette voie de migration le long de la côte de l’océan pacifique est menacée par la perte croissante de zones humides dans la vallée centrale de la Californie. Grâce à l’application pour smartphone eBird, les ornithologues amateurs peuvent ajouter les photos qu’ils prennent sur le terrain à une base de données de développée par le laboratoire d’ornithologie de l’Université de Cornell (États-Unis), et ainsi permettre de déterminer avec précision où et quand les oiseaux volent entre le Canada et le Mexique.

Ensuite, en collaboration avec TNC, l’Université de Cornell a développé un modèle de prédiction permettant de prédire avec précision quand et où les oiseaux se trouvent à n’importe quelle saison. Cela permet à TNC de collaborer avec les riziculteurs pour créer des zones humides temporaires afin que les oiseaux puissent se reposer et se nourrir. Les agriculteurs peuvent ainsi soit ajouter de l’eau à leurs champs un peu à l’avance soit la laisser un peu plus longtemps que d’habitude, et ainsi répondre aux besoins des oiseaux migrateurs. Grâce aux technologies numériques, des citoyens, une ONG, un université et des producteurs de riz ont ainsi réussi à protéger la voie des oiseaux migratoire du pacifique.

L’université de Cornell a également mis au point le projet FeederWatch pour recueillir des données auprès des milliers de personnes qui mettent à disposition de la nourriture pour les oiseaux. Ce projet de science citoyenne permet aux scientifiques d’appréhender les tendances à long terme de répartition des populations d’oiseaux. Les données indiquent quelles espèces sont repérées dans chaque région et à chaque saison, ce qui permet aux scientifiques de produire une carte très précise de la population d’oiseaux. Grâce aux données collectées par les citoyens, les scientifiques peuvent aussi mieux déterminer les causes d’extinction des oiseaux et ainsi agir avant qu’il ne soit trop tard.

En complément, l’université de Cornell a créé un autre projet de sciences citoyennes qui a pour objectif de recenser les informations sur l’habitat des différentes espèces d’oiseaux. L’application mobile NestWatch enregistre les observations des citoyens, qui sont ensuite collectées et compilées avec des milliers d’autres. Les chercheurs utilisent cette base de données pour surveiller la reproduction des oiseaux. Mais cela leur permet également de combiner ces données avec des données historiques, afin de mieux comprendre comment d’autres facteurs environnementaux tels que le changement climatique, l’urbanisation et la perte de l’habitat naturel affectent la reproduction. Sans l’aide des citoyens, il serait impossible de recueillir suffisamment d’informations pour suivre avec précision ces oiseaux.

Ces quelques exemples illustrent la puissance des technologies numériques au service de la science et de la protection de l’environnement. La science a en effet ce rôle de donner une vue en temps réel de la situation présente et de l’évolution d’un écosystème ou d’une espèce animale, afin que celui-ci, et le citoyen, puissent faire des choix informés, et décider des mesures adéquates pour protéger les espèces en danger avant qu’il ne soit trop tard.

Grâce aux observations citoyennes et leur partage avec des scientifiques et des institutions de recherche, chacune et chacun peut facilement devenir un acteur de la protection de l’environnement (parmi d’autres actions).  Le numérique devient alors un moyen de reconnexion avec la nature, avec la science, et surtout, il nous remet au cœur de la protection de la biodiversité.

Jérôme Duberry

Jérôme Duberry est enseignant-chercheur Post-Doc au Centre de Compétences Dusan Sidjanski en Études Européennes, Global Studies Institute, Université de Genève, et chercheur associé à l’IHEID. Ses activités de recherche s'articulent autour de la convergence entre technologies numériques, politique et développement durable (ODD).

3 réponses à “Le numérique et le citoyen au coeur de la protection de la biodiversité

  1. J’aimerais avoir la même foi que vous, dans les techs, cher Jérome.

    Et c’est beau, mais nourrir les oiseaux, c’est un peu comme pêter dans l’Océan, on ne pourra jamais en tirer des mesures précises de l’état de la planète…

    1. D’ailleurs, cher Jérome (rien contre vous), si on parle de techs, qui s’associerait à moi pour que ce site du Temps, énonce des règles claires de blogs?

      C’est facile de donner la parole à tous, des sincères, des prétentieux ou des autistes, qui publient ou pas!
      Ou encore, publient à retard (et le timing ne correspond pas) quant il veulent?

      Moi, ce n’est en tous cas pas l’idée éthique que je me fais du futur (si futur il y a).

  2. Merci pour cette mise à jour. Je suis un peu moins cynique que d’autres avec ces nouvelles technologies au service de l’environnement. Elles ont un réel potentiel en particulier pour accroître l’intérêt des citoyens. DNA barcoding en est une particulièrement intéressante: avec l’aide d’un instrument somme toute assez peu onéreux on pourra bientôt savoir précisément quelle espèce se trouve à nos portes permettant ainsi, comme d’autres app que vous présentiez, de cartographier la faune et l’an flore environnante.

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