Route

Mourir à vélo

Il a fallu la énième mort d’un cycliste sur la route, celle de Davide Rebellin le 30 novembre dernier, pour que ma colère sorte. La mort à vélo se banalise mais nous ne devons pas nous résigner à l’accepter.

 

Je prends le vélo tous les jours, toute l’année, pour accompagner mes enfants à l’école ou pour faire du sport. Je refuse de me résigner à accepter ces morts comme des dommages collatéraux d’une société du tout-voiture qui n’arrive pas à évoluer.

Je dois admettre avoir remarqué une évolution positive du comportement des automobilistes en ville ces dernières années (à Lausanne, où je réside). Le développement d’infrastructures vélo adaptées et l’augmentation du nombre de vélos (la masse critique) ont eu un impact positif sur la sécurité des cyclistes. Je vois aussi une autre cause, empirique, les bouchons croissants dans les villes, faisant chuter la vitesse moyenne des voitures et par conséquent les risques pour les mobilités actives.

Le cyclisme ou la gestion des risques

La situation en dehors des villes est tout autre. C’est sur ces routes qu’un cycliste se sent le moins en sécurité, cerné par un trafic croissant, de voitures toujours plus nombreuses, plus grosses et plus rapides, protégé par trop peu voire aucune infrastructure adaptée. Comme tout cycliste, j’ai développé au fil du temps une sorte de sixième sens qui m’alerte des dangers potentiels sur la route. Bruit d’accélération derrière moi, type de voiture, profil de conducteurs, anticipation d’une portière qui pourrait s’ouvrir sur la piste cyclable,… Loin d’être infaillible, l’analyse de toutes ces informations permet à un cycliste de mesurer constamment les risques. Car oui, rouler à vélo c’est gérer des risques, à tous les instants, des risques qui peuvent nous blesser grièvement (comme 1’350 cyclistes l’année dernière en Suisse) ou nous tuer (39 cyclistes tués en 2021 en Suisse). Si on ramène à la part modale, un cycliste a 16 fois plus de risque de mourir sur la route qu’un automobiliste, et 48 fois plus d’avoir un accident grave [1]

Le smartphone au volant

Si vous n’avez jamais utilisé votre smartphone au volant, vous pouvez passer ce paragraphe. Je roule 6’000 km par an à vélo et j’ai vu ces dernières années une augmentation significative des fautes d’inattention des automobilistes à cause d’une utilisation du smartphone au volant. Si les conversations téléphoniques, mêmes avec kit main libre, avaient déjà commencé à détourner l’attention des automobilistes de la route, l’utilisation croissante des smartphones est cette fois un niveau de danger bien plus important. On le sait tous, les concepteurs d’applications s’appliquent à intégrer des mécanismes addictifs pour augmenter le nombre de fois où l’on consulte son smartphone et le temps passé sur ces applications. Travaillant moi-même dans la tech depuis plus de 20 ans, je connais bien cette économie qui s’est construite sur l’attention des utilisateurs. Si cette utilisation constante du smartphone crée de nombreux travers dans notre vie de tous les jours (c’est un autre débat…), son utilisation croissante par les automobilistes est alarmante. Je ne veux pas mourir pour un message WhatsApp, une vue sur Instagram ou un like sur TikTok.

Prévention et répression

Ce problème est connu de tous mais que fait-on concrètement ? Lors de mes 6’000 km cette année, je n’ai vu aucun contrôle de police. Et vous, quand avez-vous vu pour la dernière fois un contrôle de police sur la route pour repérer les utilisations du smartphone au volant ? Il faut organiser une campagne de prévention et de répression pour lutter contre ce fléau.

Ne pas avoir peur

Loin de moi l’idée de dissuader de rouler à vélo. Si vous êtes cycliste, novice ou expérimenté, vous ne devez évidemment pas avoir peur et continuer de rouler, toujours de manière très prudente. Et si ce thème vous parle, vous pouvez rejoindre ou soutenir des associations qui s’engagent en faveur de la pratique du vélo, comme Pro Vélo (Lausanne, Genève,…), ou l’ATE (Vaud, Genève,…).

 

Pour conclure, merci à Denis Maillefer et son très beau texte sur la mort de Davide Rebellin “Et puis un jour tu pars sur la route pour mourir“. Il a su trouver les mots qui expriment exactement ce que je ressens depuis la mort de ce cycliste. Cette lecture m’a également poussé à écrire cet article. Le but n’était d’accuser personne, ni de vouloir relancer cette guerre cycliste – automobiliste que je ne cautionne pas. Je l’ai écrit juste pour partager ce que je ressens devant ces morts de cyclistes et ne pas me résigner à les accepter.

 

[1] Sources :
Office fédéral des routes (OFROU) : Statistique des accidents de la circulation 2021 (Suisse)
Office fédéral de la statistique : Comportements de la population en matière de transports (Suisse)

Rouler à vélo l'hiver

Cyclisme hivernal

L’hiver n’est a priori pas la saison la plus adaptée à la pratique sportive du vélo. Elle est néanmoins possible et procure tout autant de plaisir et de bienfait que le reste de l’année, voire plus. Voici quelques conseils pour s’y mettre.

Avant toute chose, le but de ce post n’est pas de dire qu’un cycliste doit rouler l’hiver mais d’aider ceux qui le veulent à s’y mettre et l’apprécier. Si vous ne le voulez pas, si vous préférez vous concentrer sur d’autres sports ou si vous vivez dans des régions trop hostiles pour la pratique hivernale du vélo, il n’y a pas de mal à le ranger pendant quelques semaines ou mois. J’avais d’ailleurs pour habitude de ne pas rouler entre novembre et avril, pour faire uniquement du ski et de la randonnée. Puis il y a une dizaine d’années, j’ai découvert les plaisirs de rouler toute l’année, hiver y compris.

Mais pourquoi rouler l’hiver ?!

Le vélo est mon sport, celui qui me procure le plus de bien, autant physiquement que psychologiquement. Le fait de pouvoir en faire toute l’année me permet de ne pas couper et d’en profiter de manière continue, je garde ainsi la forme toute l’année. Le cyclisme est pour moi un sport avec un excellent “retour sur investissement” en terme de temps. Contrairement au ski par exemple, pas besoin de le charger dans la voiture, de faire des dizaines de kilomètres, avec souvent des bouchons, pour enfin pouvoir en profiter. Le vélo me procure ce que je cherche, à partir du premier coup de pédale en bas de chez moi. Ainsi il permet de s’intégrer assez facilement dans un agenda professionnel et familial chargé. Je pourrais aussi faire du home trainer, avec Zwift ou autre gadget, j’ai essayé, mais ce n’est pas pour moi, j’aime trop mon sport et tout ce qu’il me procure en dehors de l’unique effort.

“Il n’y a pas de mauvais temps, il n’y a que des mauvais vêtements” — proverbe nordique

Évidemment, il existe des contraintes à rouler l’hiver et le frein principal est la météo. Personnellement, je me suis fixé une limite, ne pas rouler dans des conditions humides l’hiver. J’ai déjà vécu une grosse chute à vélo donc je veux éviter les risques de tomber à cause du verglas ou de la neige. Par contre pas de soucis pour rouler par température froide voire très froide quand la route est sèche. L’hiver à Lausanne et dans le Lavaux, les températures sont souvent comprises entre 0 et 5° et j’ai roulé au plus froid par -5°. La solution pour ne pas souffrir du froid est d’avoir des tenues adaptées. Les habits de vélo ont fait de grands progrès ces dernières années, inspirés par les techniques du ski, avec des soft shell et des couches en laine mérinos. De mon côté, j’ai des tenues adaptées par tranches de 5 degrés, 10-5°, 5-0° puis températures négatives. Je roule en Rapha, en mélangeant les gammes Pro Team et Brevet. Je ne ferai pas de guide habillement mais je rappelle l’importance de protéger les extrémités, pieds avec surchaussures thermiques, mains avec gants proches de ceux utilisés à ski, cou et oreille avec cagoule ou tour de cou. Chaque personne étant sensible au froid à sa manière, il vous faudra faire des essais avec différentes couches lors du premier hiver, pour au final trouver ce qui vous convient au mieux. Il faudra aussi bien regarder la météo, pour adapter la tenue en fonction et savoir quand il est plus sage de ne pas sortir. Je me rappelle m’être fait surprendre par une averse de neige au milieu de mon tour et avoir dû rentrer en train, transi de froid ! Rouler par températures négatives est possible mais il faudra s’habituer à respirer de l’air glacé, comme en ski de fond.
Cycliste d'hiver

Restez visible

Au niveau du matériel, j’utilise mon vélo de route habituel, sans changement particulier. La seule chose qu’il ne faut pas oublier est d’installer de bonnes lumières. L’obscurité tombant plus tôt, il faut rester visible sur la route. Là encore, la technologie des lumières pour vélo a fait des progrès exceptionnels ces dernières années avec la généralisation des LEDs. A l’avant, privilégiez les lampes puissantes pour voir arriver les obstacles sur la route, comme les nids-de-poule, les pierres ou les morceaux de bois. J’aime les produits de la marque Lezyne, qui propose des lampes allant jusqu’à 1800 lumens tout en restant assez légers. A l’arrière, choisissez des lampes flash puissantes pour être vus par les automobilistes. Là encore de nombreux choix, j’ai choisi une lumière avec le mode alerte, qui se renforce au freinage.

Adaptez vos parcours

Une fois que vous aurez trouvé votre matériel, reste à adapter vos itinéraires. J’ai trouvé que par températures froides, même avec d’excellents habits, la sensation de froid finit tout de même par arriver avec la durée. Ainsi j’ai choisi de limiter la durée de mes entraînements en ne dépassant pas la plupart du temps 50 km par sortie. Je privilégie ainsi les sorties courtes, près de chez moi (dans le Lavaux), que j’essaie de pratiquer de manière explosive pour rester rechauffé et en profiter au maximum. L’hiver vous fait changer votre référentiel. Une sortie de 30 km qui aurait pu être frustrante en été est souvent amplement suffisante en hiver. Elle me procure ma dose d’activité sportive quotidienne, me permet de me changer les idées et de prendre l’air (vivifiant !).
Pour ceux qui veulent en faire un peu plus, il existe un certain nombre d’événements cyclistes pendant l’hiver, comme le Festive 500 lancé par Rapha en 2009. Ce défi festif à vélo propose aux cyclistes du monde entier de rouler 500 km entre Noël et le jour de l’an. Sinon un groupe de cyclistes romands a pris pour habitude de faire un tour du lac Léman le jour du 1er janvier !
Rouler en groupe est effectivement toujours plus motivant, surtout en hiver. Donc essayez de vous trouver quelques amis cyclistes avec qui rouler l’hiver, ou rejoignez-moi sur Strava pour faire quelques kilomètres ensemble autour de Lausanne !
Traffic jam bouchon

Ville et mobilité post COVID-19

Les urbains l’auront tous remarqué, et pour la plupart d’entre eux apprécié, ce confinement a fait drastiquement chuter le trafic automobile en ville. Moins de pollution, moins de bruit, moins de tension sur la route. Comment prolonger ces effets positifs et profiter de cette crise pour transformer nos mobilités urbaines ?

Tous les jours ressemblaient à un dimanche pendant ce confinement. La première chose qui nous a tous frappé c’est ce calme que retrouve la ville quand on limite le trafic automobile. La circulation est une source majeure de bruit, particulièrement en ville. Moins de bruit de moteur la nuit c’est moins de stress et un meilleur repos, comme l’a déjà testé la Ville de Lausanne avant même le confinement avec son projet « 30 km/h de nuit ». Moins de bruit de voiture la journée, c’est redonner plus de place à la nature et à ses sons et rétablir un environnement plus serein.

Coté pollution, si l’analyse demande plus de temps, les urbains auront senti une différence. On a déjà pu voir une baisse significative des émissions de dioxyde d’azote NO2, dont la principale source est le trafic motorisé. L’OFEV Office Fédéral de l’Environnement le dit lui-même: « il est clair que la réduction du volume du trafic se traduit également par une meilleure qualité de l’air dans les endroits proches des routes ».

Des rues moins chargées de voitures, c’est également plus de sécurité pour les piétons mais aussi pour les cyclistes qui ont trouvé une place que les politiques urbaines suisses romandes ont toujours peiné à leur donner. Alors tout naturellement les Suisses, surtout urbains, ont délaissé leur voiture au profit du vélo et n’ont jamais autant roulé que pendant ce confinement (les kilomètres parcourus par les cyclistes suisses ont presque triplé par rapport à l’automne 2019), selon l’étude MOBIS: COVID-19 par l’ETH Zurich et l’Université de Bâle.

 

Maintenant que le déconfinement est amorcé, comment bénéficier et prolonger ces progrès en matière de mobilité et de qualité de vie urbaine ?

La solution ne viendra pas des transports publics, délaissés massivement par crainte d’être des zones à risque de propagation du virus. Pour éviter que la voiture prennent encore plus de place qu’avant, la solution est de donner plus de place au vélo en matière de mobilité urbaine. Mais comment arriver à se défaire de cette suprématie automobile quand 50 à 80% de l’espace public est toujours aujourd’hui réservé aux voitures ? La solution pourrait passer par des politiques d’urbanismes tactiques, plus rapides et agiles, permettant une autre façon de concevoir la ville. Le meilleur exemple sont les pistes cyclables temporaires qui sont apparues ces dernières semaines dans de nombreuses villes du monde, de Bogota à Berlin ou Paris, avec sa célèbre avenue de Rivoli, réservée aux piétons et aux vélos.

Cette tendance mondiale donnant plus de place au vélo pour favoriser les déplacements urbains tout en limitant les contacts, s’est malheureusement arrêtée aux frontières de la Suisse. A l’exception de Genève, déjà consciente avant la crise de la saturation de son trafic automobile, aucune ville suisse l’a su prendre ce tournant. Ce manque d’ambition a été commenté par Patrick Rérat, professeur de géographie des mobilités à l’Université de Lausanne. Il disait récemment dans une interview réalisée par Le Temps : « Le contexte institutionnel suisse se prête mal à des réactions rapides et à de tels aménagements transitoires. Le vélo ne fait pas partie de l’urgence de la situation et n’est pas une priorité politique. Pourtant, l’assouplissement du confinement renforce la tendance à se déplacer à vélo afin d’éviter les contacts. Et durant la période estivale, les Suisses, priés de rester au pays pour les vacances, seraient ravis de pouvoir davantage profiter de pistes cyclables. La Suisse semble rater son tournant vélo que lui offrait pourtant la crise sanitaire. »

Espérons que la Suisse n’aura eu qu’un temps de retard et saura prendre des mesures significatives pour profiter de cette opportunité unique de donner une vrai place au vélo, tout en limitant les contacts et donc la propagation du virus. C’est le moment de passer à l’action concrète et rapide, pour développer enfin le vélo, et répondre au souhait du peuple suisse qui avait accepté à hauteur de 75% l’inscription de la promotion du vélo dans la Constitution lors de la votation de septembre 2018.

Digital detox et méditation à vélo

Digital detox et méditation à vélo

Poursuivi partout par les écrans, j’ai testé de rouler sans GPS sur mon vélo. En levant le nez du guidon, j’ai redécouvert un cyclisme tourné vers les sensations et propice à développer la pleine conscience en mouvement.

 

Comme beaucoup de cyclistes, j’étais accro à Strava, ce réseau social pour sportif qui permet de tracker ses performances et de les comparer avec celles de la communauté. Je peux même dire que j’étais tombé dans une sorte de « Stravanoia », obsédé par l’analyse de mes rides et de ceux des cyclistes de mon réseau. Cette application m’occupait avant et après mes sorties, pour les préparer mais surtout pour analyser toutes les données disponibles. Le succès de Strava est surtout venu de son concept de « segment », portion de route sur lequel sont classées les performances de tous les utilisateurs l’empruntant. Cette course virtuelle a changé ma manière de rouler, j’ai commencé à regarder de plus en plus souvent mon compteur, justement pour optimiser mes temps sur mes segments préférés. Vitesse, cadence de pédalage, fréquence cardiaque, dénivelé, moyenne,… je roulais le nez rivé sur le petit écran de mon GPS, un écran de trop dans une journée déjà très digitale.

Strava
© Strava

Lever le nez du guidon

Et puis j’ai eu mon accident qui m’a éloigné du vélo plusieurs mois et j’ai pris du recul par rapport à cette application et ses données. Cela faisait même déjà quelques mois avant l’accident que je voulais modifier mon rapport au vélo, laisser mon GPS loin des yeux dans ma poche arrière, mais je ne l’ai pas fait, comme intoxiqué par cet écran. Grand ou petit, un écran a un potentiel énorme de capter l’attention et de se rendre indispensable. Mais finalement ce n’est pas moi qui ai pris la décision de changer mon comportement, c’est mon GPS qui l’a décidé pour moi. Lors du premier jour de ma reprise du vélo après l’accident, mon GPS est tombé en panne, tout seul, comme une coïncidence riche de sens. J’ai décidé de ne pas le réparer ni de le remplacer et de partir rouler sans rien lors de ma sortie suivante. Impression étrange de ne plus le voir trôner au milieu de mon guidon, sensation d’avoir oublié quelque chose, perte de repères,… puis petit à petit je lève le nez du guidon, mon regard n’étant plus accaparé par les données qui défilent sur l’écran, je regarde plus loin, à droite, à gauche. Je prends une meilleure conscience de mon environnement, je réalise à quel point j’ai de la chance de rouler dans un environnement magnifique comme le Lavaux.


Oublier l’écran pour se concentrer sur ses sensations

Mon attention n’étant plus capté principalement par mon regard rivé sur l’écran, je commence à me concentrer sur mes autres sens. Je ressens mieux l’air qui glisse sur moi, le vent qui me pousse ou me freine, me permettant de jouer avec et même d’optimiser mon parcours en fonction. J’entends aussi plus précisément les bruits autour de moi, particulièrement ceux des véhicules derrière moi, m’offrant comme un sixième sens pour détecter le danger qui arrive dans mon dos. Mais le plus important est que je suis beaucoup plus à l’écoute de mon corps et de mes sensations pendant l’effort. J’ai l’impression de vivre de manière encore plus précise les difficultés, de faire comme un scan de chaque muscle mis en tension par la route qui s’élève ou la vitesse qui augmente.  Dès la première sortie, le changement est évident. Rouler sans GPS, sans l’omnipresence de l’écran et des ses données me permet de laisser plus de place à tous mes sens.

© moracchiniphotography.com

La pleine conscience à vélo

Ma manière de rouler est transformée et je découvre la pleine conscience à vélo. Certain jour je peux même faire un parallèle avec ce que je ressens en roulant et l’état dans lequel la méditation peut me mettre. Loin d’être un expert, je m’y suis mis il y a plusieurs années, notamment avec l’application Headspace. Mais est-ce que le cyclisme ne serait pas une autre forme de méditation, en mouvement ? Le parallèle m’est venu quand j’ai focalisé mon attention spécifiquement sur ma respiration lors d’une montée difficile. J’ai senti le rythme accélérer progressivement, le volume de chaque inspiration augmenter. Le fait de se concentrer sur sa respiration est justement la base de la méditation. Autre exemple, lors d’une descente rapide, tous les sens sont en éveil pour anticiper les dangers, une sorte d’hyper conscience du moment présent, état que la méditation cherche aussi à atteindre. Lors de certains rides, n’avez-vous jamais eu un déclic, vous donnant l’impression d’être dans le « flow », un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction (Wikipedia). Chez moi, une des conséquences de cet état mental provoqué par le vélo est que je gagne en clarté ce qui me permet de développer ma créativité. Les idées me viennent ainsi plus facilement à vélo, mais le challenge est de ne pas les oublier une fois descendu de selle.

 

Cela fait maintenant presque un an que je roule sans GPS, sans écran, sans données. Vous me trouverez toujours sur Strava mais j’enregistre mes sorties uniquement pour garder un historique annuel. J’utilise l’application sur mon téléphone qui est caché dans ma poche arrière, loin de mon regard, me permettant d’être pleinement conscient du moment présent et encore plus heureux sur mon vélo.

 


Crédit photo de couverture : moracchiniphotography.com

Le vol de vélos, ce fléau urbain

Chaque année, plus de 40’000 vélos sont volés en Suisse et à peine 2% sont retrouvés. Après avoir subi deux vols en moins d’un mois, quelques conseils et réflexions sur ce délit qui ne doit pas être banalisé.

Voilà plus de 10 ans que nos vélos nous accompagnent au quotidien. Nous avons pris l’habitude de nous déplacer en ville en vélo lorsque nous avons décidé d’abandonner notre voiture. Pour moi c’est le moyen le plus rapide pour me rendre au travail. Je mets au défi de mettre moins de 20 minutes porte à porte pour faire Lausanne centre – EPFL. Pour ma femme, c’est le moyen le plus pratique pour réussir à jongler entre rendez-vous professionnels et vie de famille. Le vélo est rapidement devenu pour nous bien plus qu’un moyen de transport, c’est aussi une autre manière de bouger, d’être à l’air libre, de vivre la ville.

Dans ce contexte, le vol d’un vélo peut être vécu comme un choc. Il n’y a finalement pas d’objet plus personnel qu’un vélo utilisé régulièrement. On le connait par coeur, on s’en occupe avec attention, on fait corps avec lui. Le vol est vécu comme un enlèvement. Il nous sépare de cet objet avec lequel on interagissait avec notre environnement. On se retrouve tout d’un coup comme amputé. Tout commence par le doute lors des premières minutes après le vol. On se dit que ce n’est pas possible, qu’on a dû laisser le vélo à un autre endroit. Les heures qui suivent laissent place à la colère, l’incompréhension d’un tel geste. Les jours suivant sont marqués par la recherche du vélo, dans le quartier, en ville, via les réseaux sociaux,…

C’est justement en commençant à en parler autour de soi qu’on se rend compte qu’on n’est pas seul à avoir été victime d’un vol de vélo. Car oui, ce fléau sévit aussi en Suisse où près de 40’000 vélos sont volés chaque année ! Le boom actuel du vélo a donc aussi créé son propre problème. Il y a de plus en plus de demande, donc un marché pour les voleurs. Après avoir subi ces deux vols consécutifs, voici un petit bilan de ce que j’ai appris pour éviter de me retrouver à nouveau dans cette situation.

Un cadenas de qualité, tout le temps
Le risque est partout. Dans un lieu de fort passage, une petite rue ou bien même chez soi. Je me suis effectivement fait voler mon vélo sur mon palier, à un mètre de ma porte d’entrée. Attachez donc votre vélo partout, il n’est à l’abri nul part. Optez pour un cadenas de qualité. Oubliez les petits cadenas de notre jeunesse, même les cadenas milieu de gamme peuvent être ouvert en quelques secondes avec le bon outil. Choisissez donc un antivol en U ou une grosse chaîne. Il vous en coutera au minimum 60 CHF et pourra monter jusqu’à près de 200 CHF ! Votre investissement devra être indexé sur la valeur de votre vélo. Pour les adeptes de vélos légers, à noter que cette protection vous ajoutera plusieurs centaines de grammes voire plusieurs kilos.

Une puce pour traquer votre vélo volé
En complément de l’antivol, vous pouvez également ajouter une puce permettant de traquer votre vélo volé. La technologie proposé par la société Trakyv est intéressante, bien que limitée à quelques villes de Suisse. Par contre, une fois cachée dans votre vélo, la puce n’a pas besoin d’être rechargée, fonctionne 10 ans et peut-être repérée directement par des véhicules de la police. Une autre technologie de tracking est également disponible et utilise le GPS. De la même manière que vous pouvez retrouver votre smartphone perdu grâce à son application GPS, des puces proposent désormais d’être utilisées pour retrouver des vélos volés. C’est par exemple ce que propose la société italienne Sherlock qui annonce une précision de 5 mètres et un tracking simple via leur app mobile. La contrainte de ce système est qu’il ne fonctionne qu’à l’air libre (impossible de capter le GPS si votre vélo a été caché dans une cave par exemple) et que la batterie devra être rechargée tous les 7 jours. Ces technologies vont surement s’améliorer dans les années à venir mais c’est déjà une solution supplémentaire pour sécuriser son vélo.

Assurer ce qui vous tient à coeur
Enfin, en complément de ces méthodes de sécurisation, je vous conseille également d’assurer votre vélo pour pouvoir vous le faire rembourser. Si la plupart des assureurs proposent des couvertures spécifiques pour vélos, celles-ci sont très souvent d’un coût élevé. Pour être couvert aussi bien mais pour moins cher, il suffit d’augmenter le montant limite pour le vol à l’extérieur du domicile de votre assurance ménage. Votre prime n’augmentera que très légèrement mais vous pourrez obtenir un remboursement sur la valeur à neuf du vélo.

Empêcher le recèle de vélos volés
Pour limiter les vols, une solution pourrait être de prendre le problème à la source en empêchant / limitant le recèle. Le projet Bicycode est le plus avancé. Lancé en France mais proposé en Suisse pour l’instant uniquement par Pro Velo Genève, le système fonctionne avec un numéro unique gravé sur le cadre du vélo, qui est ensuite répertorié dans une base de données. Il existe également des initiatives Suisses plus confidentielles comme Velofinder le registre vélo de Veloplus, Suisse Velo ou encore Veloregister. Pour être efficaces, ces projets devraient être unifiés ou à défaut connectés et qu’une revente de vélo non enregistré soit rendue impossible.

Utiliser les réseaux sociaux… et un médium !
En cas de vol, pas besoin de vous rappeler de faire jouer le réseau en postant l’information sur Facebook, Twitter, Instagram,… C’est d’ailleurs suite à une annonce sur une de ces plateformes que nous avons réussi à identifier notre deuxième vélo volé, quelques jours après le délit.

Dernier conseil, plus original, vous y croyez ou non, nous avons aussi fait appel à un médium. Si ce n’est pas lui qui nous a permis de retrouver le vélo, son message reçu le lendemain du vol était déroutant a posteriori : « votre vélo a été laissé au bord d’un cours d’eau, j’entends le bruit de la rivière et je vois de la nature ». Le vélo a été retrouvé à quelque mètres de la Lutrive, la rivière qui traverse Lutry, et à côté des jardins familiaux de la ville…

Chuter et se remettre en selle

Après plus de 15 ans de vélo de route et 30’000 km, je suis tombé. Cette chute que tout cycliste redoute, celle qui casse, celle qui arrête net une saison de vélo, celle qui complique la vie professionnelle et familiale. Il n’aura fallu d’un rien, juste un léger contact avec la roue du vélo devant moi, pour me faire perdre mon équilibre et me précipiter par terre. Je suis tombé de tout mon poids, choc direct sur la hanche pour un verdict sévère : fracture du col du fémur, avec déplacement. Retour sur l’accident et mes 6 mois de rééducation.

Quand on pense chute à vélo, on pense souvent à un accident de la route avec une voiture ou alors à une chute dans une descente dangereuse. L’exposition au risque dans ces situations est évidemment plus grande. Mais les chutes les plus bêtes sont aussi souvent les plus méchantes, parce qu’elles arrivent par surprise, à un moment où le risque est limité, l’attention réduite et le corps pas prêt à cette éventualité. C’est exactement ce qui m’est arrivé. Je n’aurais jamais dû tomber dans ce contexte, quasi sans risque, et pourtant je suis tombé. J’aurais du pouvoir déclipser ma chaussure pour me rattraper, mais je n’ai pas pu. J’aurais dû pouvoir me protéger avec le bras, mais je n’ai pas pu. L’accident qui ne devait pas arriver se passe néanmoins, à cause d’une conjonction de petits facteurs malheureux.

Le col du fémur, une fracture de cycliste

On dit souvent que le col du fémur est une fracture de personnes âgées. Si cette population est effectivement à risque, les cyclistes le sont également lors de chutes lourdes sur le côté. Parmi les professionnels s’étant cassé le fémur, on peut citer Joseba Beloki, chutant dans la descente du col de Manse lors du Tour de France 2003 et poussant Lance Armstrong dans sa chevauchée mythique à travers champs (revoir ces images mythiques). J’ai pu aussi échanger avec de nombreux cyclistes amateurs à qui est arrivée cette même fracture. Même mon oncle, cycliste également, s’est cassé le col du fémur gauche, à 40 ans. Ca doit être une histoire de famille.

Une fois à terre, tout s’enchaine ensuite très vite. L’ambulance arrive en moins de 15 minutes, aux urgences dans l’heure et opéré dans les trois heures avec 3 vis de 10 cm dans le fémur. Je tiens à remercier le Dr Ballhausen qui m’a pris en charge très rapidement et qui a réalisé une intervention remarquable. Je n’ai eu aucune complication et la réduction de la fracture via ce triple vissage a été très efficace.
Pas le temps donc de se rendre compte de ce qui arrive, encore moins avec des opiacés antidouleurs dans le sang. C’est au réveil le lendemain que je réalise être au début d’une nouvelle page de ma vie. La première impression est évidemment physique, immobilisé, dans l’impossibilité de bouger du lit. Puis c’est le mental qui est ensuite touché, quand je me rend compte des lourdes conséquences, à tout niveau de la vie.

 

Si j’ai attendu 6 mois pour écrire ce post, c’est pour pouvoir faire un bilan, avec du recul et peut-être humblement partager des conseils avec d’autres cyclistes accidentés. Ces quelques lignes n’ont pas pour objectif de détailler un programme de rééducation, mais plutôt de présenter les grandes phases avec leurs objectifs, difficultés et récompenses.

6 mois pour retrouver 80% de mes capacités

A la date où j’écris ces lignes, soit 6 mois après l’accident, je m’estime avoir retrouvé environ 80% de mes capacités. Je marche sans boiter, je roule à vélo, je fais du ski de piste et je n’ai presque plus de douleurs quotidiennes. Il y a encore du travail – ces 20 derniers pour-cent – pour pouvoir courir, sauter, faire du ski freeride.

Ce qui a été déterminant dans ma rééducation est évidemment un programme de physiothérapie (kinésithérapie pour les français) suivi avec la plus grande des rigueurs. Ça parait évident de rappeler l’importance de la physio après une fracture de ce genre, mais j’avais sous-estimé l’effort que cela demande. Il faut savoir que c’est un programme de 4 à 5 mois minimum et extrêmement rigoureux.

Les six premières semaines ont été les plus frustrantes car ma charge réduite (10 kg de charge maximum sur la jambe, soit à peine son poids) ne me permettait pas beaucoup d’exercices possibles. J’ai privilégié les entrainements en piscine, environnement idéal où on arrive presque à oublier la fracture. J’ai également entrepris un programme d’électrostimulation pour limiter la perte musculaire. Si la machine et ses secousses électriques (plus fortes que je ne l’imaginais) sont amusantes au début, ces programmes sont rapidement ennuyeux. A la fin de cette première phase de six semaines, j’arrive dans un état mental plutôt bon, ces entrainements m’ont remotivé à suivre ce long chemin. Côté physique, je suis impressionné de la vitesse à laquelle les muscles de ma jambe ont fondu.

La phase qui suit est une montée en charge progressive, 15 kg sont ajoutés chaque semaine. Le vrai travail de physio peut enfin commencer. De nouveaux exercices sont proposés, semaine après semaine. Un jalon important est d’arriver à charger la moitié du poids, ce qui permet déjà par exemple de pouvoir faire des squats. Les muscles qui ont le plus perdu sont ceux des cuisses et des fesses. Un bon entrainement ciblé sur ces zones sera long mais indispensable pour renforcer la musculature autour de la fracture et récupérer au mieux.

En parallèle de ce programme de physio, j’ai suivi également quelques séances d’ostéopathie qui ont été très utiles. En effet, suite à l’accident et à l’immobilisation, je me suis retrouvé avec des gros blocages fonctionnels au niveau du bassin et des lombaires. La physio ne travaillant pas ces problèmes, c’est l’ostéopathie qui a apporté des solutions. J’ai commencé ce traitement 3 mois après l’accident et je l’ai poursuivi ensuite à raison d’une séance tous les mois. Je tiens à remercier Alexandre Crettaz, ostéopathe à Lausanne, pour son traitement appliqué, une excellente écoute et une connaissance approfondie des besoins spécifiques des sportifs.

Feu vert pour remonter sur le vélo

Le moment le plus important de ma rééducation a été le feu vert du chirurgien de remonter sur le vélo. Deux mois et demi après l’accident, j’ai pu enfin me remettre en selle. C’est évidemment un grand plaisir de retrouver ces sensations, cet effort (mesuré dans un premier temps) et de pouvoir à nouveau rouler dans le Lavaux. Evidemment je suis très loin de mes performances d’avant l’accident mais ce n’est pas l’important. J’ai même beaucoup pris de recul avec les chronos et les stats. J’ai d’ailleurs décidé de ne plus utiliser de Garmin. Je roule sans écran, tout au feeling. Je ne suis plus accro à Strava. Le vélo redevient seulement du plaisir et je savoure chaque kilomètre après avoir passé tout ce temps immobilisé.

Tout se passe dans la tête

Remonter sur le vélo m’a fait du bien physiquement mais m’a surtout permis de renforcer mon mental. Tout se passe dans la tête, surtout les premières semaines après l’accident. J’ai construit ma résilience avec des petits objectifs quotidiens, me permettant de me concentrer sur les progrès, même minimes. Le moral commande le corps et le corps fait du bien au moral.

J’ai arrêté ma physio 5 mois après l’accident. J’ai énormément appris sur mon corps grâce à ces séances et je suis désormais capable de prolonger mes entrainements seuls dans ma salle de fitness. La prochaine étape importante sera l’opération pour enlever les trois vis que j’ai dans le fémur, elle est prévue pour ce printemps. Suivront quelques semaines de rééducation post opératoire et mon objectif est de retrouver 100% de mes capacités, un an après l’accident, le 11 juillet 2019.

Jamais je n’ai eu une seule appréhension à remonter en selle. Le vélo n’est pas dangereux. C’était un accident. J’aurais pu avoir la même chose (ou bien pire) en voiture. C’est toujours mon sport favoris, mon moyen de déplacement en ville, ma manière de de décompresser, de me changer les idées, de m’évader.

PS : évidemment un remerciement tout particulier pour mes proches qui m’ont supporté pendant cette période difficile, à commencer par ma femme (enceinte de 8 mois lors de l’accident !), mes amis cyclistes ou non et mes collègues de travail. Votre soutien quotidien m’a donné la force nécessaire pour remonter le pente dans les meilleures de conditions.

Bergkönig, chic et vélo vintage à Gstaad

Retour sur la première édition de la Bergkönig, premier festival du cyclisme vintage en Suisse, organisée à Gstaad à la fin de l’été.

Le ton est donné dès l’apéritif d’accueil qui se déroule dans le mythique Gstaad Palace. Cet hôtel d’exception qui a accueilli têtes couronnées et VIP du monde entier, regroupe aujourd’hui une clientèle dans une tenue inhabituelle. Pas de smokings et de robes longues en ce bel après-midi d’août, mais plutôt cuissards et maillots de vélo. Par contre, comme pour coller à l’esprit hors du temps de ce lieu unique, ces cyclistes ont remplacé leurs combinaisons aérodynamiques en lycra par des tricots de laine et casque à boudin. Ce groupe de 200 personnes qui sirotent leurs coupes de champagne sont les inscrits à la première édition de la Bergkönig.

Le cyclisme, l’avenir des stations de ski ?

Si la tendance du vélo vintage a été popularisée notamment par les événements Eroica organisés désormais dans le monde entier, la Suisse ne comptait pas encore de rassemblement pour les amateurs de cyclisme rétro. C’est Gstaad qui a finalement bougé le premier, grâce à cet événement organisé par l’expert en marketing et communication Alex Beeler.

Comme toutes les stations de montagne trop dépendantes de l’hiver et du ski, Gstaad cherche à diversifier son offre sur les 4 saisons, avec de nouveaux sports, tout en gardant son positionnement haut de gamme. Son équipe marketing avait d’ailleurs remarqué il y plus de deux ans la nouvelle tendance « cycling is the new golf », en lançant en 2015 une campagne de communication autour du vélo de route visant spécifiquement cette nouvelle clientèle de cyclistes managers.

« Pédaleur de Charme »

Cette année, c’est donc sur un retour aux racines historiques du cyclisme que s’est construit ce premier festival du vélo vintage en Suisse. Un marché vintage était organisé dans le centre du village présentant des vélos rétro peaufinés par Old Cycles Boutique Genève, des maillots collectors et des accessoires d’époques. Des prix d’élégances ont même récompensé les “Pédaleurs de Charme” (référence au surnom donné à l’élégant coureur Suisse des années 50, Hugo Koblet). Les participants les plus stylés se sont vu remettre des récompenses par Jeroen Van Rooijen, spécialiste mode et tendance, qui a d’ailleurs signé un bel article à ce sujet pour la NZZ.

Les forçats de la route

Au coeur du festival se situait aussi la ligne de départ et d’arrivée des différents parcours proposés aux participants. L’organisation avait prévu des boucles adaptées à tous les niveaux, de la balade de 18 km jusqu’à la terrible Bergkönig de 102 km. Même si cette épreuve ne totalise que la moitié du grand parcours mythique de l’Eroica en Toscane, ses deux montées violentes, la Pierre du Moëllé et Isenau, en font une vraie épreuve pour les organismes et les vélos rétro équipés de braquets de forçats de la route !

Cette première édition de la Bergkönig aura été un franc succès et prouve aux stations de montagne, même les plus huppés, qu’un avenir peut se dessiner autour du vélo, à travers une offre et des événements originaux. Si les participants de cette édition étaient majoritairement suisses, on peut imaginer que l’année prochaine elle saura attirer des passionnés du monde entier et ainsi faire découvrir le potentiel extraordinaire qu’offre la Suisse en matière d’expérience cycliste.

 

Vidéo de la Bergkönig 2017 réalisée par l’organisation :

Ma vie sans voiture et la mobilité multimodale

A bientôt 40 ans, je fais partie de cette génération qui a passé son permis de conduire dès les premiers jours de sa 18ème année, qui a économisé très tôt pour s’acheter sa première voiture et l’a renouvelé ensuite tous les 4 ans pour poursuivre la magie.

La voiture faisait partie de moi, signe ultime de liberté, omnipotente, empêchant la possibilité même d’envisager une alternative. Puis après plusieurs centaines de milliers de kilomètres, la question taboue s’est finalement posée : « et si je vivais sans voiture ? ». J’ai passé le pas. Voici mon bilan de ces 12 premiers mois.

 

La voiture toute puissante

La Suisse est un pays où la voiture a une place particulièrement importante. Il suffit de regarder sur les routes pour se rendre compte que le parc automobile Suisse est un des plus haut de gamme d’Europe. A la télévision, dans les journaux, sur les affiches, partout les marques automobiles – parmi les plus gros annonceurs du pays – vous vantent leurs derniers modèles. Le TCS est le plus grand club de Suisse avec plus de 1,5 million de membres. La voiture est un marqueur de statut social, un attribut masculin, un signe extérieur de richesse. Sa toute puissance empêche même toute éventualité de penser à ne pas en posséder une.

 

La liberté de la mobilité multimodale

La voiture est perçue comme le moyen de transport ultime, alliant confort, efficacité et liberté. Quand on pense à ne pas en avoir une, viennent tout de suite à l’esprit les contraintes induites ; c’est finalement l’inverse qu’on expérimente. Ne pas avoir de voiture laisse la liberté de choisir le mode de transport le plus adapté à chaque situation.

Pour un urbain comme moi, une multitude de possibilité s’offre en matière de déplacement. Etant cycliste, le vélo est évidemment mon moyen de transport principal en ville. Quand il faut transporter ma fille, j’opte pour le vélo électrique. Uber est une alternative intéressante pour les déplacements à plusieurs ou quand les conditions météo sont difficiles. Je n’utilise que très peu les transports en communs, les TL lausannois ne proposant pas une offre efficace pour moi et n’acceptant pas le passeport vélo CFF (il faut payer un billet pour son vélo, pour chaque trajet). Puis finalement, la marche à pied fait le lien entre tous ces moyens de transports urbains.

Pour les déplacements en dehors de la ville, en Suisse, les très nombreuses liaisons CFF permettent de voyager très facilement en train, pour tout le reste, Mobility et son concept de car sharing propose une offre de mobilité très intéressante. Pour les voyages à l’étranger, l’avion et le train couvrent la quasi totalité des destinations. A quel moment aurais-je eu besoin d’avoir ma propre voiture ? Pour transporter achats et courses ? Aujourd’hui la quasi totalité de magasins proposent un site e-commerce ou au moins un service de livraison.

 

Moins cher, moins polluant et meilleur pour la santé

En plus d’une plus grande liberté, les autres avantages à ne pas avoir de voiture sont nombreux. Côté budget, pas de doute, abandonner la voiture m’aura permis de diviser par deux les coûts liés à mes déplacements. Privilégier la mobilité durable a évidemment également un impact sur notre environnement urbain. Moins de voiture c’est moins de pollution, moins de bruit et moins de risques. Passer à la mobilité douce a eu également une conséquence importante sur la forme physique de toute la famille. Sans surprise, faire du vélo ou marcher a permis à chacun d’être plus actif. Même si ces déplacements ne sont que de quelques kilomètres, voire quelques centaines de mètres, ils nous permettent d’atteindre et de dépasser facilement les recommandations en matière d’activité physique quotidienne.

J’ai bien conscience que mon cas ne s’applique pas à tout le monde. Une famille rurale travaillant en ville aura plus de mal à se séparer de sa voiture. Mais pour les urbains ne quittant pas ou rarement la ville pendant la semaine, c’est non seulement possible, mais beaucoup plus facile qu’on le pense et très avantageux. J’espère que mon témoignage pourra convaincre certaines personnes à passer le pas et à contribuer à faire de la ville un lieu de vie plus agréable.

 

Edit 02.2019 : j’ai repris une voiture personnelle suite à la naissance de mon deuxième enfant. Les contraintes logistiques devenaient trop fortes, notamment de devoir transporter deux sièges enfants vers / depuis le véhicule Mobility. La gestion de ces sièges est le gros problème des parents adeptes du car-sharing. J’ai suggéré à Mobility à de nombreuses reprises de tester la location de sièges pour les voitures parquées dans des parkings sous-terrain, donc avec une personne à l’accueil. Ils n’ont jamais donné suite. C’est dommage de perdre des familles qui devraient pourtant être des utilisateurs privilégiés. Ce choix de reprendre une voiture personnelle ne remplace pour nous que les trajets préalablement fait en Mobility. Nous nous déplaçons toujours autant à vélo (malgré mon accident) et en transport en commun. Après ces deux années sans voitures, nous avons gardé les bonnes habitudes et la mobilité multimodale reste pour nous la meilleure manière de se déplacer, même à quatre !

L’Eroica, quand le cyclisme redécouvre son histoire

C’est dans un petit village de Toscane, il y a 5 ans, que j’ai redécouvert le cyclisme. Pratiquant assidu depuis une dizaine d’année, roulant plusieurs milliers de kilomètres par an, suivant le Tour de France et les classiques de printemps, je me suis rendu compte que je ne connaissais pas l’histoire de mon sport. J’aurais pu me plonger dans la littérature cycliste, j’ai préféré enfourcher un vélo en acier des années 70 et parcourir les Strade Bianche de l’Eroica.

Tous les premiers dimanche d’octobre, depuis 1997, des milliers de passionnés se retrouvent à Gaiole in Chianti pour cette grande messe du cyclisme vintage. Leur première motivation est de rouler avec leur vélo d’époque sur ces sublimes routes blanches toscanes.

209 km sur un vélo d’époque

Plusieurs parcours sont proposés, du plus accessible 46 km jusqu’au terrible 209 km et ses 3’200 m de dénivelé (oui, la Toscane n’est pas plate). L’autre raison qui pousse ces participants venant du monde entier, c’est de communier ensemble autour de cette passion pour l’histoire du vélo, objet culte qui fête ses 200 ans.

« Steel is real »

Il n’y a pas que le carbone dans la vie d’un cycliste. Si ces cadres modernes, rigides et légers sont toujours préférés de ceux qui recherchent la performance, on voit de plus en plus réapparaitre des cadres en acier sur les routes.

Metal historique des premiers vélos, remplacé progressivement par l’aluminium puis les alliages, de nombreux cyclistes redécouvrent son confort et son style incomparable. Cette tendance de récupérer des cadres anciens a d’abord été popularisée par le fixie qui y a installé des pignons fixes, donnant un aspect épuré à ces vélos, tout en facilitant leur maintenance.

Mais pourquoi finalement modifier ces vélos et ne pas les redécouvrir dans leur intégralité, dérailleurs et accessoires compris ? C’est ainsi que des passionnés se sont replongés dans l’histoire des cycles pour faire ressortir des anciens vélos des caves.

Ou trouver votre vélo vintage en Suisse ?

La Suisse n’est pas en reste de cette tendance. Elle est d’ailleurs le 4ème pays représenté en nombre de participants à l’Eroica, entre le Royaume Uni et les Etats-Unis. Quand on commence à s’intéresser à ces cycles de collection en Suisse romande, c’est souvent vers Marc-André Elsig et son Musée du Vélo qu’on se tourne.

Ce collectionneur valaisan a rassemblé plus de 400 vélos, de tous les âges. C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai pu m’équiper pour mes premiers Eroica, course qu’il a d’ailleurs fait plusieurs fois lui-même. Fred Schultz, fondateur du magasin de vélo The Bike à Pully pourra également vous aider dans votre recherche de la perle rare. Ce puriste, qui ne manque aucune édition de la course toscane, propose quelques vélos de collection d’exceptions.

A Genève, Sat de Old Cycles Boutique pourra aussi vous aider à trouver votre vélo retro, restauré par ses soins. Ajoutons encore le genevois Marcvs, qui sait trouver des perles rares et les remettre en état, son “Happy Buyers Club” compte déjà des dizaines de passionnés.

Réapprendre à rouler

Une fois votre vélo trouvé, il faudra réapprendre à rouler. En effet, les braquets installés sur ces cadres vous feront réellement comprendre l’expression « forçat de la route » ! Les développements sont souvent beaucoup plus grands que sur nos vélos contemporains et il faudra de la puissance pour arriver à passer les côtes, surtout celles souvent très sèches de la campagne toscane.

Autre aspect à maîtriser, les fameuses « Strade Bianche », ces routes blanches typiques, recouvertes de graviers blancs, magnifiques mais nécessitant une conduite tout en finesse pour éviter la chute.

Habillé à l’ancienne

Dernier détail à préparer avant l’Eroica, votre tenue. Pas besoin de rappeler que la Toscane est en Italie où l’allure a son importance, même sur un vélo. La plupart des participants jouent le jeux en s’habillant en tenue d’époque ou d’inspiration vintage.

Pour les retardataires, le marché vintage de Gaiole in Chianti, ouvert l’avant-veille de la course, propose un vaste choix de maillots et cuissards de toutes les époques.

Un pèlerinage à vélo

Le jour de la course se passe comme un pèlerinage. Tout commence très tôt, surtout pour ceux qui partent pour la distance héroïque de 209 km.

Le départ libre est donné entre 05 et 07 h du matin. Il fait encore nuit à ces heures début octobre, transformant les premiers kilomètres en une procession de petites lumières clignotantes. La montée de nuit du chateau de Brolio, sur cette étroite route blanche éclairée à la bougie, reste pour beaucoup le souvenir le plus fort de l’Eroica. Presque mystique, tout simplement indescriptible, il faut le vivre pour comprendre.

Puis les premiers rayons du soleil apparaissent derrière les collines, réchauffant l’air qui peut être assez froid à cette période. Les kilomètres s’enchainent et le premier ravitaillement arrive. Là encore l’expérience est unique. Des bénévoles en habits d’époques servent des plats typiques italiens aux cyclistes affamés. Ils proposent même du Chianti et Montepulciano, qu’on conseille plutôt à garder pour le tout dernier ravitaillement !

Une course solidaire

Les côtes toscanes sont difficiles, surtout avec ces vélos. Ce qui m’a le plus frappé c’est le silence qui règne dans ces montées. Tout le monde est dans son effort, respectant les lieux et les autres participants. C’est peut-être dans ces moments difficiles que la similitude avec un pèlerinage est la plus frappante.

Les ennuis mécaniques sont évidemment le lot de ces longs parcours avec ces vélos anciens. Mais sur la route de l’Eroica la solidarité est de mise et l’organisation propose des services de réparation répartis tout au long de la route.

Le soleil commence à descendre mais le compteur des kilomètres à parcourir semblent tourner au ralenti. Le doute s’immisce, le moral flanche, on se demande ce qu’on fait là sur ces antiquités. C’est à ce moment qu’il est important d’avoir choisi un bon groupe d’amis pour l’Eroica. C’est effectivement toujours un coéquipier qui m’a remotivé et permis de surpasser les difficultés.

L’Eroica c’est avant tout un moment fort de relations humaines, une passion partagée. C’est ce qui vous permettra de rejoindre la fin du parcours, à la nuit tombante ou dans la nuit noire selon votre vitesse. La boucle est bouclée. La ligne d’arrivée est d’ailleurs la même que celle de départ, que vous franchirez dans l’autre sens, tout un symbole.

Le 1er octobre prochain je retournerai sur les Strade Bianche, revivre cette expérience toujours unique qu’est l’Eroica, même pour ma cinquième participation.

Les courses vintage arrivent en Suisse

L’Eroica s’exporte. Elle a multiplié son concept dans le monde entier, avec des éditions au Japon, en Californie et dans quatre autres pays. Pas encore d’Eroica Switzerland mais on peut néanmoins souligner que les premières courses de vélos vintage commencent à s’organiser en Suisse. Dans le canton de Vaud, le Cyclophile Morgien organise Legend, une course de 66 km au pied du Mollendruz. A Gstaadt, se déroule la Bergkönig, un tour vélo historico-touristique de 102 km et 2400 m de dénivelé dans les Alpes bernoises (lire mon article sur la Bergkönig à Gstaad).

Campagne de prévention «Le Cycliste» : quand la SUVA et la police déraillent

Mise en opposition des usagers de la route, ambiguïté sur les statistiques, erreurs de communication et humour douteux, la dernière vidéo de la SUVA et de diverses polices cantonales rate son objectif de prévention et exacerbe les tensions.

Cyclistes contre automobilistes

Cette vidéo présente le cycliste et l’automobiliste comme des adversaires dans une course urbaine, renforçant d’entrée de jeu les animosités entre ces deux groupes d’usagers de la route. Il n’y a qu’à voir les commentaires virulents et agressifs sur la page Facebook de la police cantonale vaudoise pour se rendre compte qu’au lieu d’apaiser, cette campagne n’a fait qu’exacerber les tensions. Une campagne de prévention efficace se doit de mettre avant le respect et la considération mutuelle comme condition de base de la sécurité routière. A titre d’exemple, rappelons la campagne pédagogique canadienne «Share The Road» ou l’initiative anglaise amusante «Now You See Me», soutenues toutes les deux par des associations d’automobilistes.

Une statistique ambigüe

Autre point important, toute cette campagne repose sur une statistique avancée par la SUVA et la police : «près de 50 % des accidents de vélo sont causés par les cyclistes eux-mêmes». Si ce chiffre est juste, il est néanmoins trompeur. En effet, il tient compte de tous les accidents de vélo, accidents individuels compris lors desquels le cycliste tombe seul et est donc par principe responsable. Si l’on exclut des 50 % l’ensemble de ces accidents individuels, la part des accidents de vélo principalement imputables aux cyclistes passe à 28 % (selon l’Analyse des accidents de vélo par l’Office fédéral des routes OFROU). Baser une campagne de communication sur une statistique ambiguë est trompeur, surtout quand on essaie de faire passer des victimes pour des coupables.

Insulte post mortem

Par ailleurs on peut déplorer un ton particulièrement lourd et un humour douteux. En plus de stigmatiser le cycliste comme un bobo prétentieux, il est insulté post mortem («rouler comme un con») et ridiculisé («il a encore dû crever»). L’agence  de communication mandatée nous avait portant habitué à mieux avec la vidéo de campagne sur l’inattention des piétons causé par le smartphone «Anastase: le tour de magie». On attend maintenant la campagne sur les dangers causés par l’utilisation du téléphone au volant (selon une récente étude américaine, 88% des automobilistes utilisent leur smartphone en roulant, pendant en moyenne 3,5 minutes par heure de conduite – via Bikein’Valais).

Vers un trafic cyclophile

Pour ouvrir le débat, le cycliste a effectivement besoin de prévention mais aussi et surtout de protection. Comme le rappelle l’association Pro Vélo dans son communiqué réagissant à cette campagne, «il est urgent que la gestion du trafic devienne davantage cyclophile : cela inclut le développement constant de l’infrastructure cycliste ou l’adaptation des règles de circulation». Piste cyclables protégées, sas vélo, interdiction de dépasser les cyclistes dans un rond-point, amélioration de points noirs, ouverture aux cycles des rues à sens unique, création de zones mixtes piétons-vélos, construction de vélostations, … La mise en place de ces mesures est une voie privilégiée vers une meilleure coexistence des usagers de la route et une plus grande sécurité routière pour tous.