Les urbains l’auront tous remarqué, et pour la plupart d’entre eux apprécié, ce confinement a fait drastiquement chuter le trafic automobile en ville. Moins de pollution, moins de bruit, moins de tension sur la route. Comment prolonger ces effets positifs et profiter de cette crise pour transformer nos mobilités urbaines ?
Tous les jours ressemblaient à un dimanche pendant ce confinement. La première chose qui nous a tous frappé c’est ce calme que retrouve la ville quand on limite le trafic automobile. La circulation est une source majeure de bruit, particulièrement en ville. Moins de bruit de moteur la nuit c’est moins de stress et un meilleur repos, comme l’a déjà testé la Ville de Lausanne avant même le confinement avec son projet « 30 km/h de nuit ». Moins de bruit de voiture la journée, c’est redonner plus de place à la nature et à ses sons et rétablir un environnement plus serein.
Coté pollution, si l’analyse demande plus de temps, les urbains auront senti une différence. On a déjà pu voir une baisse significative des émissions de dioxyde d’azote NO2, dont la principale source est le trafic motorisé. L’OFEV Office Fédéral de l’Environnement le dit lui-même: « il est clair que la réduction du volume du trafic se traduit également par une meilleure qualité de l’air dans les endroits proches des routes ».
Des rues moins chargées de voitures, c’est également plus de sécurité pour les piétons mais aussi pour les cyclistes qui ont trouvé une place que les politiques urbaines suisses romandes ont toujours peiné à leur donner. Alors tout naturellement les Suisses, surtout urbains, ont délaissé leur voiture au profit du vélo et n’ont jamais autant roulé que pendant ce confinement (les kilomètres parcourus par les cyclistes suisses ont presque triplé par rapport à l’automne 2019), selon l’étude MOBIS: COVID-19 par l’ETH Zurich et l’Université de Bâle.
Maintenant que le déconfinement est amorcé, comment bénéficier et prolonger ces progrès en matière de mobilité et de qualité de vie urbaine ?
La solution ne viendra pas des transports publics, délaissés massivement par crainte d’être des zones à risque de propagation du virus. Pour éviter que la voiture prennent encore plus de place qu’avant, la solution est de donner plus de place au vélo en matière de mobilité urbaine. Mais comment arriver à se défaire de cette suprématie automobile quand 50 à 80% de l’espace public est toujours aujourd’hui réservé aux voitures ? La solution pourrait passer par des politiques d’urbanismes tactiques, plus rapides et agiles, permettant une autre façon de concevoir la ville. Le meilleur exemple sont les pistes cyclables temporaires qui sont apparues ces dernières semaines dans de nombreuses villes du monde, de Bogota à Berlin ou Paris, avec sa célèbre avenue de Rivoli, réservée aux piétons et aux vélos.
Cette tendance mondiale donnant plus de place au vélo pour favoriser les déplacements urbains tout en limitant les contacts, s’est malheureusement arrêtée aux frontières de la Suisse. A l’exception de Genève, déjà consciente avant la crise de la saturation de son trafic automobile, aucune ville suisse l’a su prendre ce tournant. Ce manque d’ambition a été commenté par Patrick Rérat, professeur de géographie des mobilités à l’Université de Lausanne. Il disait récemment dans une interview réalisée par Le Temps : « Le contexte institutionnel suisse se prête mal à des réactions rapides et à de tels aménagements transitoires. Le vélo ne fait pas partie de l’urgence de la situation et n’est pas une priorité politique. Pourtant, l’assouplissement du confinement renforce la tendance à se déplacer à vélo afin d’éviter les contacts. Et durant la période estivale, les Suisses, priés de rester au pays pour les vacances, seraient ravis de pouvoir davantage profiter de pistes cyclables. La Suisse semble rater son tournant vélo que lui offrait pourtant la crise sanitaire. »
Espérons que la Suisse n’aura eu qu’un temps de retard et saura prendre des mesures significatives pour profiter de cette opportunité unique de donner une vrai place au vélo, tout en limitant les contacts et donc la propagation du virus. C’est le moment de passer à l’action concrète et rapide, pour développer enfin le vélo, et répondre au souhait du peuple suisse qui avait accepté à hauteur de 75% l’inscription de la promotion du vélo dans la Constitution lors de la votation de septembre 2018.