Entre les déboires du Brexit, les derniers coups d’éclat de Trump et les conflits internationaux, une actualité brûlante peine à se frayer une place dans nos médias. Elle annonce pourtant un phénomène infiniment plus destructeur que ceux qui font actuellement les gros titres.
De plus en plus d’études viennent, preuves à l’appui, conforter une opinion déjà largement répandue au sein de la communauté scientifique depuis la fin du XXème siècle : celle selon laquelle nous sommes entrés dans une nouvelle ère d’extinction de masse. L’expression semble directement tirée d’un scénario de science-fiction et l’on entend déjà crier au catastrophisme du “lobby écologiste”. Il s’agit pourtant d’une hypothèse scientifique parfaitement sérieuse.
Commençons par un bref rappel des vagues d’extinctions qu’a connue notre planète depuis les débuts de la vie sur terre. Des décennies de recherche scientifique, notamment en paléontologie, ont permis d’établir qu’à cinq reprises au cours des temps passés, plus de la moitié des espèces existantes (animales ou végétales) avaient disparu de manière «subite» (c’est-à-dire en quelques millions d’années). L’événement le plus violent, il y a 250 millions d’années, a vu disparaître en «seulement» 5 millions d’années 95% des espèces marines et 70% des espèces terrestres. Le plus célèbre, celui qui précipita la fin des dinosaures, eut lieu il y a 65 millions d’années. Si les informations livrées par l’étude des fossiles et des couches géologiques sont claires, les causes de ces extinctions de masse le sont moins : chutes de météorites, éruptions volcaniques massives, mouvements tectoniques ayant influencé le rayonnement solaire et entraîné d’intenses canicules ou au contraire des périodes de glaciations, dérèglements de la composition chimique de l’air… Il n’y a probablement pas qu’une seule explication.
Quel rapport avec la situation actuelle ? À regarder attentivement l‘échelle temporelle des disparitions d’espèces, un sixième pic se dessine clairement depuis le XVIème siècle… et tout semble indiquer qu’il devrait continuer son ascension. Pourquoi s’en inquiéter, diront certains ? En effet, la vie sur terre a toujours été marquée par des apparitions et des disparitions d’espèces. La différence aujourd’hui, c’est que cette nouvelle vague d’extinction se produit à une cadence effrénée : quelques siècles, contre plusieurs millions d’années pour les précédentes phases d’extinctions; une nouvelle “crise de la biodiversité” qui s’inscrit hors de tout cycle naturel. L’impact de l’être humain est évident.
«Tout a commencé avec le dodo». S’il s’agissait d’une histoire drôle, elle pourrait commencer par ces mots. Mais cette histoire-là n’a pas grand chose d’amusant. Le sympathique oiseau de l’Île Maurice, exterminé dès sa découverte au XVIIème siècle par les colons hollandais et français, n’est que le point de départ d’une série peu glorieuse de disparitions causées par l’homme et ses activités. Parmi les plus célèbres, nous pouvons citer l’auroch, ancêtre probable de nos bovins domestiques disparu en 1627 ou encore le tigre de Tasmanie éteint en 1936, tous deux victimes de la chasse intensive. Et au milieu d’eux, une multitude de mammifères, reptiles, oiseaux et amphibiens insignifiants pour le commun des mortels et disparus dans le silence le plus complet. Ainsi en est-il du dauphin de Chine, qui ne vivait que dans le fleuve Yangtsé. De 5000 spécimens au début du XXème siècle, sa population est passée à 300 individus en 1986, 200 en 1990, 13 en 1997… L’espèce fut déclarée éteinte en 2007 après plusieurs années sans observation, victime de la pollution du fleuve, des filets de pêche et de la construction du fameux barrage des Trois-Gorges.
Actuellement sur terre, une espèce (ou sous-espèce) disparaît définitivement toutes les 20 minutes, victime de la surpêche, du braconnage, de la déforestation ou encore de l’urbanisation. Ce rythme est 114 fois supérieur à celui constaté par la passé… et pourrait un jour concerner l’espèce humaine elle-même, si nous ne prenons pas plus soin des ressources qui nous sont vitales. La disparition de nombreux insectes pollinisateurs pourrait, à l’avenir, devenir un problème majeur pour l’agriculture mondiale.
En 2014, 2464 espèces animales et 2104 plantes étaient classées «en danger critique d’extinction» par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Certaines d’entres elles n’ont plus été observées depuis plusieurs années, laissant supposer leur disparition. D’autres comptent leurs jours. Ainsi en est-il des quelque 19 lépilémurs septentrionaux (petits singes de Madagascar) et des 51 rhinocéros de Java encore en vie (chiffres de 2012)…
Il est grand temps de prendre conscience de ce patrimoine qui est en train de disparaître. Il ne s’agit pas d’une fatalité, d’un «cycle naturel» contre lequel nous ne pourrions rien. Nous sommes en train de faire disparaître, en quelques décennies, ce que l’évolution a mis des millions d’années à créer. Des fonds doivent être investis et des mesures de conservation drastiques doivent être mises en place au plus vite : lutte contre le braconnage, arrêt total de la déforestation, créations de parcs naturels, reproductions en captivité à des fins de réintroductions, mais aussi sensibilisation des populations locales et éducation des jeunes générations.
En guise de conclusion, voici une vidéo du bécasseau spatule (le bien nommé !), l’un des oiseaux les plus attachants mais aussi l’un des plus menacés au monde. Moins de 100 couples vivent encore en Sibérie. L’espèce passe l’hiver en Asie du Sud-est où elle est chassée illégalement.
Bravo
Voici un excellent article pour comprendre simplement des enjeux globaux, même dans le “château d’eau” suisse. Bonne continuation
https://www.swissinfo.ch/fre/journ%C3%A9e-mondiale-de-l-eau_l-eau–virtuelle–que-la-suisse-consomme-%C3%A0-l-%C3%A9tranger/44841196